Voici le plan du gouvernement pour verdir la flotte de véhicules de société
Le ministre Van Peteghem veut rendre les véhicules verts financièrement plus intéressants pour les entreprises que les véhicules à carburant fossile.
Publié le 18-05-2021 à 15h56 - Mis à jour le 14-09-2021 à 12h30
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L’annonce avait eu l’effet d’une bombe lors de la formation du nouveau gouvernement : la coalition Vivaldi décidait d’imposer aux sociétés de leasing de ne plus proposer que des véhicules à zéro émission de carbone après 2026. Un défi ambitieux : à l’heure actuelle, seuls 2,3 % des 600.000 véhicules de société circulant sur nos routes sont 100 % électriques. Soit un peu moins de 14.000 !
Mais le gouvernement devait faire face à un obstacle de taille : les véhicules électriques étant nettement plus chers que leurs homologues thermiques (essence ou diesel), les sociétés n’étaient pas forcément prêtes à passer au full électrique d’ici cinq ans, même pour contribuer à rendre notre air plus respirable ou à lutter contre le réchauffement climatique. Il fallait donc revoir le régime fiscal des voitures de leasing, en offrant des incitants financiers plus attrayants si l’on optait pour le full électrique.
Et c’est précisément ce que contient l’accord gouvernemental, tombé au beau milieu de la nuit de lundi à mardi : à partir de 2026, les véhicules de société full électrique et celles qui émettent zéro émission de carbone en général seront à 100 % déductibles fiscalement alors que les véhicules thermiques ne le seront plus. “Nous n’intervenons pas dans les contrats existants, précise le ministre des Finances, Vincent Van Peteghem. Chaque employeur pourra toujours offrir à ses salariés une voiture à essence ou diesel. Le libre choix demeure, mais les voitures de société polluantes ne pourront plus compter sur un avantage fiscal.”
Une décision qui sonne toutefois le glas des véhicules thermiques de société : difficile en effet d’imaginer une entreprise se borner à proposer à ses employés des véhicules à carburant fossile qu’elle ne pourra déduire, alors que les véhicules dits verts seront bien déductibles.
Mais 2026, c’est encore loin. D’ici là, le gouvernement veut favoriser la transition énergétique. D’abord en optant pour une dégressivité de la déduction fiscale des véhicules thermiques de société immatriculés après le 1er juillet 2023 (ceux immatriculés avant conserveront le régime fiscal actuel) : ils verront leurs avantages fiscaux diminuer pour atteindre une déductibilité de 50 % en 2026 et de 0 % en 2028.
Dans le même temps, les véhicules à zéro émission de carbone verront leur déductibilité plafonnée à 100 % en 2026 (comme c'est le cas aujourd'hui) avant de progressivement diminuer pour atteindre le régime fiscal actuel des véhicules thermiques (67,5 %) en 2031. “Nous ramenons effectivement progressivement la déductibilité fiscale des voitures particulières sans émission carbone au niveau actuel connu des voitures particulières à carburant fossile”, indique le ministre Van Peteghem.
Quant aux véhicules hybrides immatriculés après le 1er juillet 2023, les frais de carburant fossile ne seront plus déductibles qu’à 50 %. Ce qui devait convaincre les employeurs à inciter leurs travailleurs à rouler le plus possible à l’électricité.
La nouvelle mouture fiscale validée en comité ministériel devrait booster à relativement court terme le verdissement de la flotte belge de leasing, sans impacter le budget des entreprises. Et celui des employés ? La mesure ne devrait a priori pas impacter leur portefeuille puisque l’impôt sur l’avantage toute nature (ATN) est déjà largement calculé sur base du niveau d’émissions de C02 du véhicule de société dont ils bénéficient.
“Il faut installer 100.000 bornes de recharge d’ici 2026”
Les sociétés de leasing ont accueilli positivement le projet de réforme du gouvernement et saluent l’initiative. Mais elles disent aussi ne pas avoir attendu l’accord gouvernemental pour déjà verdir leur flotte. À titre d’exemple, la société Arval, qui propose pas moins de 84.000 véhicules de leasing en Belgique, a constaté une hausse des commandes de véhicules électriques en provenance des entreprises. “Les véhicules électriques constituaient 1 % des commandes en mai 2020 contre 16 % aujourd’hui, constate Laurent Loncke, directeur général d’Arval Belgique. La part de véhicules verts dans notre flotte va continuer à considérablement augmenter dans les prochaines années.”
Pour autant, Laurent Loncke voit encore deux obstacles au verdissement du parc automobile en Belgique. D’abord l’offre qui est encore restreinte. “Même si elle augmente fortement. Quasiment chaque jour, une marque propose un nouveau véhicule électrique.”
La demande croissante de véhicules électriques devrait inciter les constructeurs en retard à proposer eux aussi ce genre de véhicules, faisant alors baisser les prix selon le mécanisme de l’offre et la demande.
Deuxième obstacle selon Laurent Loncke : le nombre trop restreint de bornes de recharges. Actuellement, on recenserait un peu moins de 13.000 bornes de recharges accessibles au public. “Il faudra en installer beaucoup plus d’ici 2026 pour permettre aux automobilistes de recharger leurs voitures.”
Le directeur de la société anversoise Blue Corner abonde : “Un gros coup d’accélérateur est donc nécessaire, souligne Peter Buyckx, qui prêche pour sa paroisse puisque sa société installe des bornes de recharge. Selon la directive européenne, une borne de recharge publique équivaut à 10 véhicules électriques. Avec l’accélération, cela signifie qu’environ 100.000 points de recharge publics supplémentaires seront nécessaires au cours des cinq prochaines années. Le défi sur terrain privé sera dix fois plus grand. Nous devrons y déployer pas moins d’un million de bornes de recharge dans la même période.”
Un objectif sans doute trop ambitieux : la Wallonie s'est fixé un objectif de 5.000 nouvelles bornes publiques d'ici 2030, pour 7.400 en Flandre. Ce qui, en plus de Bruxelles, permettrait de grimper à 25.000 bornes. Le ministre Van Peteghem se dit donc conscient qu’il faille doper le nombre de bornes. Et là aussi, c’est par l’incitant financier que cela passera. Les particuliers qui feront installer une borne de recharge à leur domicile pourront bénéficier d’une déduction fiscale : 45 % si l’achat se fait entre le 1er septembre et le 31 décembre 2022 ; 30 % en 2023 et 15 % en 2024, avec une réduction fiscale plafonnée à 1.500 €.
Par ailleurs, les entreprises qui investiront dans une borne de recharge accessible au public entre septembre 2021 et décembre 2024 pourront la déduire à 200 % entre 2021 et 2022 et 150 % entre 2023 et 2024.