La fin des voitures thermiques à l’horizon 2035 a déjà du plomb dans l'aile: pourquoi le dossier a de réelles chances de pourrir
Sous l’impulsion de puissants lobbyistes allemands et italiens, la décision, que l’on pensait coulée dans le marbre, est déjà remise en question.
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Publié le 07-03-2023 à 10h51 - Mis à jour le 07-03-2023 à 12h07
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Au mois de juin dernier, les 27 Etats membres de l’Union européenne prenaient une décision qui devait sonner le glas des véhicules essence, diesel ou hybrides : ils approuvaient le projet de la Commission européenne d’interdire toute vente de véhicules thermiques à partir du 1er janvier 2035. Un projet qui laissait la route libre aux véhicules 100 % électriques et qui avait un objectif clair : participer à la réduction des émissions de C02 dans l’atmosphère et ainsi répondre aux objectifs de l’Europe, qui tend à la neutralité carbone à l’horizon 2050.
Le projet devait encore passer l’écueil du Parlement européen. Et, le 14 février dernier, les Parlementaires votaient en faveur du texte, par 340 voix favorables à la sortie du thermique, 279 voix contre et 21 abstentions. Un vote qui devait couler dans le marbre le sort funeste de la voiture thermique.
Du moins le pensait-on. À peine la décision entérinée, la voix des contestataires se fait entendre. Avec des pays tels que l’Allemagne ou l’Italie, puissants lobbyistes du monde automobile, en tête de proue. Résultat : la décision, qui devait encore être définitivement validée par le Conseil de l’Union européenne – passage qui ne constitue habituellement qu’une formalité – a été repoussée. Prévu au vote ce mardi 7 mars, le projet a été reporté, sine die, de l’ordre du jour. Nul ne sait s’il reviendra un jour sur la table. À titre de comparaison, ces mêmes députés européens s’étaient prononcés en faveur de la suppression du changement d’heure en 2019. Et, à l’heure actuelle, le Conseil de l’Union Européenne n’a toujours pas entériné la chose, laissant le dossier pourrir aux oubliettes. La sortie du thermique en 2035 pourrait suivre la même voie.

Face au raz-de-marée chinois attendu ces prochaines années avec les voitures électriques, l’industrie automobile européenne pourrait être amputée de milliers d’emplois si l’Europe – et donc le Conseil de l’UE – avalisait le projet, estiment les pays à l’origine de la fronde. Actuellement, la quasi totalité des batteries sont fabriquées par des manufacturiers chinois. Et construire une même voiture en Chine reviendrait, pour une question de coût de matériau et de masse salariale – jusqu’à 15.000 euros moins cher qu’en Europe. Ce qui pourrait pousser certains constructeurs à délocaliser leurs usines, générant un bain de sang social à l’échelle européenne.
Allemagne et Italie réclament dès lors que le texte de l’Union européenne soit amendé. Sans quoi, elles s’opposeront au vote. Or, le texte final doit être approuvé, au Conseil de l’Union européenne, par au moins 15 États membres représentant au moins 65 % de la population de l’Union. A eux seuls, Allemagne et Italie représentent près de 34 % de la population européenne. Il suffirait que ces deux pays soient suivis par un ou deux autres pour faire blocage au texte.
Figure de proue de la contestation, l’Allemagne ne souhaite cependant pas un blocage stérile. Et plaide pour un amendement, comme cela avait notamment été le cas en juin pour l’amendement – trompeusement baptisé Ferrari – déposé par l’Italie. Laquelle était parvenue à faire accepter un “permis de polluer” pour les mégariches : cet amendement prévoyait en effet que les constructeurs qui vendaient moins de 1.000 voitures par an – comme c’est le cas pour Bugatti mais pas Ferrari – ne seraient pas concernés par l’interdiction du thermique en 2035.

L’Allemagne se veut plus mesurée. Si elle veut amender la proposition européenne, c’est pour exclure de l’interdiction les véhicules thermiques qui roulent avec des carburants neutres en carbone. “Les véhicules à moteur à combustion doivent toujours pouvoir être immatriculés après 2035 à condition qu’ils fonctionnent avec des carburants synthétiques neutres en CO2, s’est exprimé le ministre allemand des Transports, Volker Wissing. Car, il ne s’agit pas de lutter contre la voiture ou contre des technologies spécifiques, mais de parvenir à long terme à des transports et à une société neutre sur le plan climatique. Il ne faut pas se concentrer uniquement sur la voiture électrique, mais il faut aussi autoriser l’usage des carburants synthétiques, car ils permettent d’arriver à une solution véritablement propre.”
À l’heure actuelle, ces carburants neutres en carbone n’existent pas encore, du moins à des prix accessibles.
Pas (encore) de conséquence en Belgique

Le blocage, au niveau européen, concernant la fin des thermiques n’aurait, a priori, pas d’impact en Belgique. Notamment parce que les régions, compétentes en matière environnementales, ont déjà pris des mesures déjà plus restrictives. En Flandre, par exemple, on pratiquera la politique du Zéro émission dès 2029, date à laquelle les véhicules thermiques seront donc proscrits. En Wallonie et à Bruxelles, les voitures diesel seront progressivement interdites jusqu’en 2030, à partir du moment où toutes seront bannies des territoires wallon et bruxellois. Les véhicules essence suivront en 2035.
Toutefois, il se murmure que ces régions pourraient revoir leur calendrier si des carburants effectivement neutres en carbone finissaient par arriver sur le marché. Ce qui mettrait un terme à l’hégémonie de l’électrique, promise pour les prochaines années.