Émissions de CO2 dans l’atmosphère : le véritable impact des carburants synthétiques comme l'e-fuel sur l'environnement
Selon plusieurs simulateurs, rouler à l'e-fuel serait meilleur qu'avec un carburant traditionnel et même qu'avec une voiture 100 % électrique.
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Publié le 10-03-2023 à 14h47
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Alors que l’Allemagne et l’Italie, suivies par la Pologne, la Bulgarie et la République Tchèque, mènent actuellement la fronde contre la décision européenne d’interdire la vente de thermiques neufs à partir de 2035, nombreux sont ceux qui s’interrogent sur les propriétés des carburants synthétiques en faveur desquels plaident les pays contestataires. “Les véhicules à moteur à combustion doivent toujours pouvoir être immatriculés après 2035 à condition qu’ils fonctionnent avec des carburants synthétiques neutres en CO2, s’était ainsi récemment exprimé le ministre allemand des Transports, Volker Wissing. Il ne faut pas se concentrer uniquement sur la voiture électrique, mais il faut aussi autoriser l’usage des carburants synthétiques, car ils permettent d’arriver à une solution véritablement propre.”
Vraiment ? À partir du moment où un carburant se consume dans un moteur, il semblerait logique que des émissions de CO2 – le gaz principalement responsable du réchauffement climatique – soient rejetées dans l’atmosphère. Pourtant, à en croire plusieurs études d’organisations tantôt en faveur des e-fuels tantôt écologistes, il semble que les carburants synthétiques tels que développés aujourd’hui aient des niveaux similaires – voire parfois inférieurs – aux émissions des voitures 100 % électriques (BEV, battery electric véhicle), si l’on prend en compte tout le cycle de vie de la voiture, à savoir de la production de la voiture à son utilisation. “Certes, les carburants synthétiques rejettent des émissions de CO2 dans l’atmosphère au moment de leur utilisation alors que les BEV n’en émettent pas, confie Alain Mathuren, directeur de communication chez Fuels Europe. Mais les décideurs politiques auraient intérêt à ne pas uniquement se focaliser que sur les émissions à la sortie du pot d’échappement. Car il est trompeur de dire que les voitures électriques sont totalement propres.”
S’il admet la nécessité de sortir des carburants fossiles pour lutter contre la pollution et le réchauffement climatique, Alain Mathuren indique surtout qu’à l’heure actuelle, “les véhicules hybrides propulsés aux carburants synthétiques constituent la meilleure technologie aujourd’hui, devant les voitures full électriques.”
Pour arriver à ce constat, Fuels Europe s’est basée sur le comparateur établi par Concawe, sa division de recherche environnementale. Selon ce simulateur ultradocumenté par des dizaines d’études tant publiques qu’indépendantes, les véhicules propulsés à l’e-fuel émettraient déjà aujourd’hui moins de CO2 dans l’atmosphère que les BEV. “Pour créer un E-fuel, il faut récupérer du carbone via le CO2 dans l’air ambiant ou à la sortie des usines pour ensuite l’injecter dans le processus, explique Alain Mathuren. La quantité de CO2 qui sort du pot d’échappement ne peut donc être considérée comme du CO2 neuf. C’est une opération nulle.”
Un peu comme si vous utilisiez l’eau d’une première piscine pour en remplir une deuxième. Certes, il y aura plus d’eau dans la seconde mais cela ne signifie pas qu’il y a plus d’eau au total dans les deux piscines.
Nous avons fait le test selon ce comparateur : toutes choses étant égales par ailleurs, une voiture électrique standard disposant d’une batterie de 60 kwh émettrait, pour une durée de vie de 150.000 kilomètres, 129 grammes de CO2 par kilomètre parcouru, si l’on prend en compte la construction de la voiture et de sa batterie, ainsi que sa consommation d’électricité. Un plug-in hybride (rechargeable par câble) en émettrait seulement 89 avec de l’e-diesel et 88 avec de l’e-gasoline. Les full hybrides en émettraient encore moins, avec 70 grammes de CO2 par kilomètre pour ceux propulsés à l’e-diesel et même 66 à l’e-gasoline. “Un calcul basé sur le fait que la batterie est produite en Europe, ajuste Alain Mathuren. Si elle est produite en Chine, elle émettra beaucoup plus de CO2 pour être produite. Mais moins si elle est produite en Suède.”
Même le HVO, un biocarburant à base fabriqué à partir d’huiles végétales durables ou des déchets organiques (huiles de cuisson,…), compatible sans modification avec tous les moteurs diesels existants, émettrait moins de CO2 qu’un véhicule full électrique : soit 108 grammes par kilomètre parcouru, contre 129 pour un BEV.
En estimant que la production de batteries et que la production d’électricité pour l’alimenter n’émettent plus de CO2 en 2050, selon les objectifs de la Commission européenne, les BEV redeviendraient plus intéressantes sur le plan environnemental. Avec une estimation de 43 grammes de CO2 par kilomètre parcouru, contre 46 pour l’E-diesel et 44 pour l’e-gasoline. “Un écart minuscule et il serait donc extrêmement dommageable pour l’Union européenne de se passer des carburants synthétiques”, conclut Alain Mathuren.
Les plus réticents mettront en avant que Fuels Europe prêche pour sa paroisse. Sauf que l’organisation de défense de l’environnement Transport et Environnement, une association regroupant des ONG actives dans le lutte en faveur de l'environnement, qui a elle-même créé son propre simulateur, en arrive au même résultat, avec 46 grammes de C02 par kilomètre pour un véhicule électrique en 2030 et seulement 41 pour son équivalent hybride rechargeable.
Conclusion de Fuels Europe : la Commission doit, comme le demandent les pays à l’origine de la fronde, revoir sa stratégie “pour ne pas laisser de côté une technologie qui pourrait être très utile sur le plan environnemental pour suppléer les carburants fossiles.”