Batibouw : le secteur de la construction sous pression, entre hausse des prix et baisse de rentabilité
CEO d’Embuild, la confédération de la construction, Niko Demeester nous dresse un large état des lieux du secteur.
Publié le 13-03-2023 à 06h31 - Mis à jour le 13-03-2023 à 09h41
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Batibouw commence ce mardi. Une version un peu plus modeste que les précédentes en termes d’exposants et de durée, mais encore et toujours cette possibilité de trouver des idées, de lancer un projet de vie ou encore d’éveiller sa curiosité, tout simplement. Et pour faire le point sur ce salon marqué par la crise économique et ses nombreuses conséquences, on s’intéresse aujourd’hui au secteur de la construction, avec Niko Demeester, CEO d’Embuild, la confédération belge de la construction.
Pour commencer, quelle est la situation actuelle du secteur après plusieurs années mouvementées ?
Après la crise sanitaire de 2020, 2021 a été un grand cru en termes d’activité, et cela a duré jusqu’au printemps/été 2022. On a ensuite vu un net recul de l’activité à cause de la crise économique. Mais il faut bien dire qu’on était en situation de surchauffe à ce moment-là. On peut estimer aujourd’hui que le secteur se stabilise à un niveau tout de même assez élevé. Pour 2023, on espère que la croissance tournera autour de 0 %. Ce n’est pas une bonne nouvelle en temps normal, mais vu la situation de l’économie globale et celle qu’on observe dans d’autres secteurs, on ne peut pas s’en plaindre.
On ne peut donc pas parler de crise pour le secteur de construction ?
Non, mais attention, il y a un gros problème de rentabilité qui se dessine pour nos entreprises. Les coûts de production explosent, le prix des matériaux aussi, sans compter l’indexation des salaires. On est donc face à un gros défi pour l’année 2023, car cela sera très difficile pour nos entreprises de garder une certaine rentabilité et de garder des marges suffisantes pour absorber le choc.
Cela va donc se ressentir sur les prix…
Une nouvelle augmentation des prix est inévitable. Les entreprises diminuent leurs marges, mais ne peuvent pas travailler à perte évidemment. Il faut savoir que 8 fournisseurs sur 10 ont imposé des prix plus élevés ces derniers mois, mais que seuls 6 entrepreneurs sur 10 le répercutent réellement sur leurs factures. C’est plutôt bon pour les clients, mais il faut aussi trouver des solutions en interne, car c’est au niveau des bénéfices qu’il y a un problème, pas au niveau de la demande ou du nombre de projets. Cela rend la situation tendue et pénible pour beaucoup.
Toutes les entreprises vivent-elles la même réalité ?
Non. La construction se divise en quatre grands secteurs. Pour le résidentiel, les projets de construction sont beaucoup moins nombreux ces derniers mois, on a vu une baisse des demandes de permis de 10 % en 2022 par rapport à 2021, mais c’est contre-balancé par la rénovation qui cartonne ces derniers mois. Pour le non-résidentiel, il y a eu un net recul. Je pense par exemple aux projets de bureaux dans les grandes villes. Tous les projets ont changé depuis le Covid, et on constate qu’on est en sur-capacité de bureaux avec l’avènement du télétravail. Au niveau de l’industrie, il y a eu un renversement de la conjoncture, et tous les projets se sont arrêtés immédiatement. On peut espérer une reprise en 2023, mais cela reste flou. Enfin, les investissements publics fonctionnent toujours bien, avec beaucoup de plans d’investissements d'ici 2024, au moins. C’est d’ailleurs nécessaire vu l’état des routes, du rail, des écoles ou des hôpitaux, mais attention aux prochaines élections.
N’y a-t-il pas une crainte de voir les faillites augmenter ?
Il y a une hausse des faillites qui concerne les entreprises qui n’avaient pas une bonne assise, mais ce n’est pas alarmant, car le taux de création d’entreprises reste assez élevé. La balance reste positive. Les feux ne sont pas au rouge, mais à l’orange, disons.
Évoquons plus en détail la crise économique et son impact sur la population. Les taux d’intérêt ont triplé en un an, cela a bien sûr un impact sur la construction.
La hausse des taux a provoqué une certaine crainte dans les ménages et freiné les achats, la construction ou les gros travaux de rénovation, c’est certain. Mais il faut le voir autrement, selon moi. Les taux ont certes augmenté, mais ils restent négatifs par rapport à l’inflation. On peut donc comprendre le choc et la peur, mais cela reste un bon moment pour investir. Je pense, par exemple, aux travaux de rénovation qui peuvent aider à faire baisser la facture d’énergie.
Batibouw reste donc un rendez-vous incontournable ?
Évidemment. Toutes les études démontrent que les Belges ont toujours une brique dans le ventre.