Vos courses moins chères en France ou au Luxembourg : les achats transfrontaliers des Belges pourraient atteindre 1 milliard d’euros !
En 2022, les Belges ont dépensé 543 millions d’euros de l’autre côté de nos frontières. Un chiffre probablement sous-estimé, et qui pourrait rapidement grimper. La réforme fiscale et une TVA a 9 % coûteraient des centaines de milliers d’euros à la grande distribution belge...
Publié le 11-03-2023 à 12h41
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Le secteur de la grande distribution belge se serait bien passé d’une réforme fiscale qui vise à supprimer les taux de TVA à 6 et 12 % au profit d’un taux de 9 %. Certes, un taux de TVA à 0 % est bien envisagé sur les fruits et légumes notamment, mais il ne suffira pas à compenser l’écart des prix qui se creuse entre la Belgique et les pays limitrophes.
La France caracole toujours en tête des pays où de nombreux Belges ont pris l’habitude de faire leurs courses. Et la décision que viennent de prendre les distributeurs français pour compenser l’inflation est un caillou de plus dans la chaussure des distributeurs belges. Alors que les négociations avec les fournisseurs se sont clôturées fin février, les distributeurs se sont engagés à ne pas faire de marge sur une sélection de produits. Les ministres de l’économie et du commerce ont conclu un accord avec les supermarchés et organisent un “trimestre anti-inflation” : pendant ces trois mois, les détaillants proposeront des centaines de produits aux “prix les plus bas possibles”.
Toutes les enseignes y participent sauf E. Leclerc qui estime proposer déjà les prix les plus bas et invite les consommateurs à comparer les prix des différentes enseignes pour s’en rendre compte. Chez Carrefour, ce sont quelque 150 produits qui seront concernés Système U réduit également les prix de 150 références de 15 à 20 %. Chez Intermarché, 500 articles seront concernés, l’enseigne ayant annoncé que cette action coûtera près de 100 millions d’euros au groupe.
“Nos décideurs vont-ils enfin réagir pour stopper l’hémorragie ?”
Voilà de quoi encore renforcer la compétitivité et l’attractivité des supermarchés français. En Belgique, en revanche, on a l’impression que le gouvernement ne se soucie guère des difficultés de la grande distribution et les mesures prises, notamment en matière fiscale, touchent chaque jour plus durement les acteurs du marché. “Nos décideurs vont-ils enfin réagir pour stopper l’hémorragie ?” s’interroge Carole Dembour, économiste auprès de la FEVIA. “Les chiffres que nous avons obtenus auprès du bureau d’études GfK sont le reflet de ce triste constat. Près d’un Belge sur cinq passe régulièrement la frontière pour faire ses courses, d’abord en France puis aux Pays-Bas et enfin au Luxembourg et en Allemagne. Cela fait des années que nous alertons le gouvernement sur ce phénomène qui ne cesse de s’aggraver et on a vraiment l’impression qu’ils s’en fichent. Quand on voit la proposition sur la table, notamment en matière de TVA, de cotisation emballage ou de coût des déchets sauvages, c’est une fois de plus le secteur de la distribution, mais aussi les producteurs ou les agriculteurs qui vont trinquer.”
En 2022, les Belges ont ainsi dépensé 543 millions d’euros de l’autre côté de nos frontières. “Et ce chiffre est probablement sous-estimé car nous ne disposons que des données sur les achats alimentaires. Mais il est clair qu’un consommateur qui va faire ses courses en France revient aussi avec d’autres produits comme de la lessive ou des produits d’hygiène. En 2019, nous avions ainsi pu chiffrer les achats transfrontaliers à 800 millions d’euros. Avec la proposition de rehausser la TVA à 9 % sur les aliments (hors fruits et légumes) et les boissons non alcoolisées, les achats transfrontaliers de fast moving consumer goods vont très vite atteindre le milliard d’euros. Ce sont donc des millions d’euros supplémentaires que l’État belge, et nos entreprises, verront filer à l’étranger.”

Quant à la hausse des recettes attendues par l’État en faisant passer le taux de TVA à 9 %, Carole Dembour estime que le montant avancé par le ministre Van Peteghem est totalement utopiste. “L’uniformisation des taux de TVA de 6 % et 12 % vers un taux de 9 % est supposé rapporter 1,777 milliard d’euros dont 800 millions dans le secteur alimentaire, le reste étant à charge du secteur de la construction. Mais ce montant est calculé sur base d’une consommation et d’achats identiques à ceux réalisés en 2022. Si on vivait sur une île, à la limite, cette utopie pourrait avoir une chance de se concrétiser. Mais c’est loin d’être le cas car nous sommes dans un petit pays où la moitié de la population habite à moins de 50 km d’une frontière. De surcroît, de nombreux Belges possèdent une voiture de société et ils n’assument donc même pas le coût du déplacement. Voir les prix grimper ici ne fera donc qu’accentuer l’écart déjà important avec les prix chez nos voisins. On ne peut pas blâmer le consommateur. Surtout en ces temps difficiles, s’il peut économiser quelques euros en faisant ses courses ailleurs, il n’hésite pas. On estime donc que les achats transfrontaliers vont encore augmenter avec ces mesures et que, par conséquent, les recettes fiscales espérées en Belgique ne seront pas atteintes non plus.”