La course aux étoiles dans la restauration : entre rêve et cauchemar
Les décisions parfois incompréhensibles du guide peuvent faire et défaire la réputation d’un établissement, avec toutes les conséquences économiques que cela implique.
Publié le 13-03-2023 à 19h41
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Les dernières éditions du Guide Michelin ont été émaillées de nombreuses surprises, incompréhensions ou encore rétrogradation d’institutions. Le palmarès français, rendu public la semaine dernière n’y a pas échappé, avec notamment le retrait d’une étoile à Guy Savoy, Christopher Coutanceau ou encore Michel Sarran. Une sentence du guide qui passe aussi mal que celle infligée l’an dernier au Comme Chez Soi de Lionel Rigolet et Laurence Wynants.
Incompréhension et injustice, dénoncent notamment les proches de ces grands chefs et leur clientèle qui, comme en réponse au guide, est encore plus nombreuse à réserver après la sentence. L’opacité de la grille d’évaluation du Michelin, aussi secrètement gardée que l’identité des inspecteurs, est aussi remise en cause. Impossible de savoir, par exemple, combien de visites sont effectuées avant d’auréoler un restaurateur, ni combien suffisent pour défaire une réputation parfois reconnue depuis plusieurs dizaines d’années. Lionel Rigolet confiait d’ailleurs, après la perte d’une étoile en 2022 que “les clients sont super-heureux, le restaurant ne désemplit pas… On ne comprend pas, c’est très difficile à vivre”. D’autant que le chef confiait aussi ne pas avoir rencontré de critiques du guide depuis longtemps. “On nous assure qu’il s’agit d’inspecteurs venant de l’étranger. Soit, mais d’ordinaire l’inspecteur paye sa note puis se présente. Ici, rien depuis trois ans…”
Au-delà de la reconnaissance et de la fierté, la course aux sacro-saintes étoiles a aussi d’importantes répercussions économiques. “Obtenir une étoile va booster en moyenne de 80 % le chiffre d’affaires sur trois ans”, expliquait Olivier Gergaud, professeur d’économie qui étudie le sujet du gain et de la perte des étoiles Michelin au JDD en 2020.” Les prix augmentent de 25 à 30 % par niveau, il y a plus de gens qui veulent manger dans l’établissement, vous gagnez en notoriété et en confiance auprès des investisseurs et des consommateurs.” Mais en cas de rétrogradation, peut avoir de graves conséquences sur la santé financière de l’établissement. “En moyenne, quand il perd une étoile, un restaurant voit sa rentabilité passer de 3 % en bénéfice à -2 % en perte.”
Et même les grands noms peinent à traverser l’épreuve. Il n’est pas rare d’avoir vu un ancien 3 étoiles glisser vers un macaron en quelques années seulement. Face à tant de pression, certains renoncent, quittent le système et rendent leurs étoiles, comme ce fut le cas pour Sébastien Bras ou Antoine Westermann.