La Kazerne Dossin revient sur le destin des Triangles roses
La Kazerne Dossin, à Malines, revient, pour la première fois en Belgique, sur la persécution dont ont été victimes les homosexuels et lesbiennes sous le Troisième Reich.
Publié le 26-02-2023 à 09h46 - Mis à jour le 28-02-2023 à 10h47

Avec l’arrivée du Parti national-socialiste d’Hitler au pouvoir en janvier 1933, la vie de millions d’Allemands d’abord, d’Européens bientôt, allait dramatiquement basculer dans l’horreur. Pour des raisons politiques d’abord, raciales ensuite, encore de déficience mentale ou physique, mais aussi d’orientation sexuelle.
La Kazerne Dossin, à Malines, lieu d’où partirent plus de 25 000 juifs vers Auschwitz, aujourd’hui musée et centre de mémoire, revient sur le destin de ces “triangles roses”, sujet longtemps tabou et en tout cas jamais évoqué encore dans une exposition dans notre pays. Pour la réaliser, Kazerne Dossin a enrichi de ses propres documents une exposition conçue à l’origine par le Mémorial de la Shoah de Paris, l’ensemble ayant été supervisé par l’historienne Florence Tamagne, directrice scientifique.
Au lendemain de la guerre, aucun des Triangles roses n’osa témoigner du sort qui leur a été réservé dans les camps nazis, du fait qu’en Allemagne, ils se virent refuser le statut de victimes, en raison notamment d’un article du Code pénal, le paragraphe 175, qui criminalisait les relations sexuelles entre hommes, maintenu en vigueur après 1945.
Il leur aura fallu attendre les premiers mouvements de libération gays et lesbiens, dans les années septante, pour qu’enfin le sujet commence à être débattu, soulevant autant de questions : quelle fut la nature des persécutions ? Combien de personnes furent touchées ? Tous les homosexuels ont-ils été visés ? Quel fut le sort des lesbiennes ? Quels furent les territoires concernés par la répression ? Comment honorer le souvenir des victimes ?
Toutes ces questions constituent bien sûr la trame de la présente exposition à voir jusqu’au 10 décembre. S’il fallut attendre longtemps pour que leur persécution soit reconnue comme telle, de nombreux documents ont pu être rassemblés, mais jamais encore montrés en Belgique. Dès 1933 en Allemagne, des hommes et des femmes se virent brimés pour leur orientation sexuelle. Dans les pays occupés, les nazis persécuteront bientôt les lesbiennes et homosexuels belges, français ou néerlandais, par exemple.
Cette exposition malinoise s’ouvre par le rappel qu’au début du XXe siècle, les homosexuels sont plutôt bien acceptés dans les grandes capitales comme Paris ou Berlin où des cabarets fleurissent et où les premiers mouvements militants font leur apparition. À l’opposé, les discours religieux et médicaux sont terriblement homophobes et de nombreux pays pénalisent l’homosexualité masculine (rarement la féminine cependant). C’est évidemment dans ce terreau-là que naîtra la haine des nazis à l’encontre des homosexuels.

Le destin de ces femmes et hommes est assez hétérogène. Sur 100 000 fichés en Allemagne, 50 000 firent l’objet d’une condamnation. Entre 5 000 et 15 000 furent envoyés dans les camps de concentration où de nombreux périrent, même si beaucoup ne se retrouvèrent pas forcément dans les camps à la réputation la plus féroce. Les lesbiennes restaient, elles, hors du champ de la loi allemande, sauf en Autriche où elles furent classées comme “asociales” ou “communistes”. Le paragraphe 175 s’appliquait aux habitants du Reich, allemands et des territoires annexés, comme l’Alsace-Moselle. Cela signifie que le sort des habitants homosexuels des pays alliés de l’Allemagne, comme l’Italie, ou ceux des pays occupés par l’Allemagne, a pu différer de manière sensible.
L’exposition présente également des parcours de vie, certains homosexuels pouvant être, selon les cas, juifs, résistants, voire sympathisants du régime hitlérien. Enfin, l’expo revient sur le lent processus de reconnaissance de la persécution à partir des années 1980 qui finira par conduire les institutions à réhabiliter et indemniser enfin ces hommes et ces femmes.