Panama, aux pieds du "Dubaï des Amériques", la pauvreté
Publié le 02-05-2014 à 08h07
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Tous les jours depuis 25 ans, Jaime vend revues, bonbons et échantillons de parfums pour nourrir sa famille dans un quartier pauvre de la ville de Panama, où poussent également les gratte-ciels les plus hauts d'Amérique latine.
Parmi les meubles branlants et les tapis usés, Jaime Jimenez, 54 ans, partage un local humide avec d'autres colporteurs sur une passerelle reliant son quartier de Viejo Veranillo à l?université du Panama et un hôpital, où transitent chaque jour des milliers de personnes.
"Au Panama il y a de la richesse, mais elle est mal répartie car les plus riches veulent tout garder et ne rien donner aux pauvres, et les politiques ne pensent qu'à leurs propres intérêts", assure-t-il à l'AFP, à quelques jours des élections présidentielle, législatives et municipales de dimanche.

Avec un boom immobilier sans précédent, des chantiers pharaoniques comme l'élargissement du canal entre océans Atlantique et Pacifique, la construction du premier métro d'Amérique centrale, l'aménagement du front de mer ou la multiplication des casinos, le Panama été qualifié par le président sortant Ricardo Martinelli, un milliardaire de droite, de "Dubaï des Amériques".
Le gouvernement assure que règne le plein emploi et que ses politiques sociales ont permis de réduire la pauvreté de 33% à 26% des 3,5 millions d'habitants en cinq ans.
Mais plus d'un tiers des emplois proviennent du secteur informel et des milliers d'habitants ne disposent ni d'eau potable ni de logement digne, et encore moins d?accès à la santé, à l'éducation ou aux transports.
Face au point de vente de Jaime, un autre propose films et disques pirates. La super production américaine "L'Arche de Noé" est en vente pour deux dollars. "C'est illégal, mais ça ne nuit à personne, je préfère faire ça que de voler", se défend le vendeur.
- L'immobilier ne se mange pas -
Le gouvernement de M. Martinelli a destiné plus de 15 milliards de dollars aux investissements publics, soutenant une croissance économique annuelle de plus de 8% en moyenne sous son mandat.

"C'est vrai que Martinelli a réalisé beaucoup de projets, mais ça ne se mange pas. S'il veut nous aider, qu'il baisse le prix de la nourriture et augmente les salaires", déclare à l'AFP Roberto Bowen, un agent de sécurité résidant dans le quartier pauvre de Chorrillo.
Pourtant, dans ce pays de contrastes, derrière les bidonvilles, brillent les lumières des gratte-ciel. Et dans le dos de Roberto, se distinguent l'entrée du canal, le stade Maracana, la nouvelle promenade en front de mer et le futur musée maritime, dessiné par l'architecte canadien Frank Gehry.
"Ces chantiers ne me servent à rien, il en faut plus pour que le peuple soit satisfait. Les gens qui m'aident sont ceux-là, parce que ceux qui ont de l'argent ne s'intéressent pas à nous", résume Luis Valdes, désignant les automobilistes qui l'apostrophent pour qu'il nettoie leur pare-brise en échange de quelques pièces.

Bien que disposant notamment des revenus liés à l'exploitation de la voie navigable par où transite 5% du commerce maritime mondial, et d'un Produit intérieur brut de 36 milliards de dollars en 2012 selon la Banque mondiale, le Panama se classe au 6e rang sur 18 en ce qui concerne les inégalités dans le sous-continent, d'après la Commission économique des Nation unies pour l'Amérique latine et les Caraïbes (Cepal).
"Il y a un sérieux problème de distribution des richesses et d'accès aux infrastructures de bases. C'est encore trop difficile pour beaucoup de gens pour pouvoir dire que nous sommes le +Dubaï des Amériques+", estime l'analyste politique Jaime Porcell.
"La croissance économique n'a profité qu'à l'élite. Les millionnaires sont toujours plus millionnaires mais au détriment de ceux d'en bas", poursuit-il.
Toujours suspecté aussi d'être un paradis fiscal, et une terre d'accueil pour toutes sortes de capitaux à l'origine douteuse, le Panama attire également des milliers d'étrangers en quête d'emplois et de bonnes affaires.
Mais Salomon, un pêcheur de 65 ans de Boca La Caja, labyrinthe de ruelles peu à peu dévoré par les projets immobiliers, fustige "les requins" qui cherchent à acheter à bas prix les maisons de ce quartier misérable érigé face au Pacifique.
"Le riche a toujours été un voleur. Plus on en a, en plus on veut", affirme-t-il.
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