Ecosse-Catalogne: deux destins, deux aspirations à l'indépendance

Alfons LUNA
<p>Un slogan prônant le oui à l'indépendance de l'Ecosse affiché le 30 août 2014 dans le Perthshire</p>

La percée du camp indépendantiste en Ecosse, à une semaine d'un référendum d'autodétermination, constitue un encouragement pour les Catalans qui demandent un scrutin identique, dans un contexte toutefois plus tendu.

Jeudi, des centaines de milliers de manifestants étaient attendus dans les rues de Barcelone pour réclamer la tenue d'un référendum, refusé par Madrid.

En Ecosse, la tenue du scrutin d'autodétermination le 18 septembre a entraîné des tensions politiques, mais pas de manifestation d'ampleur ni d'acte de violence. L'explication réside dans les origines très différences des deux nations, notent les experts.

La création du Royaume-Uni a été "constitutionnelle et non le résultat d'une conquête", rappelle David McCrone, professeur de Sciences politiques à l'Université d'Édimbourg.

A l'inverse, la Catalogne fut forcée d'abandonner ses institutions et ses lois à l'issue de la guerre de succession d'Espagne (1701-1715), le vainqueur Philippe V ayant imposé une réforme centralisatrice au pays.

En outre, la possibilité pour l'Ecosse de quitter l'union "a toujours existé" alors que le gouvernement espagnol brandit la Constitution du pays pour refuser tout référendum, souligne M. McCrone.

Pendant les deux siècles qui ont suivi la montée sur le trône de Philippe V, la Catalogne est devenue le moteur économique du pays tandis que l'empire colonial espagnol déclinait jusqu'à la perte, à la fin du XIXe siècle, de ses dernières grandes colonies, Cuba et les Philippines.

L'Espagne passe alors "d'un pays d'importance mondiale à un pays de seconde division", explique Luis Moreno, auteur d'une thèse comparée de l'Ecosse et la Catalogne à l'université d?Edimbourg. Le centralisme espagnol a dès lors constitué un poids pour le développement de cette région, poursuit M. Moreno.

Au contraire, les Écossais ont prospéré après la signature en 1707 du traité d'Union, qui leur a permis d'aller faire fortune aux quatre coins de l'empire britannique comme en témoigne le nombre de "Campbells" et de "Donalds" dans les cimetières indiens ou l'annuaire téléphonique canadien.

- Culture contre valeurs communes -

Aujourd'hui, l'Ecosse a le pétrole de la mer du Nord tandis que la Catalogne manque de ressources naturelles mais dispose d'un secteur des services performant. Et les deux régions disposent d'un revenu par habitant supérieur à la moyenne nationale.

Autre point commun, elles ont été dotées d'un Parlement et d'un gouvernement autonomes aux compétences variées. Mais alors qu'il faut remonter au XIXe siècle pour trouver le dernier Premier ministre catalan d'Espagne --le général Juan Prim--, plusieurs des chefs de gouvernement britanniques au cours de ces 50 dernières années sont nés en Écosse, dont les travaillistes Tony Blair et Gordon Brown.

Charlie King, professeur de Relations internationales à l'Université de Georgetown à Washington, note que "le mouvement nationaliste en Catalogne se concentre depuis longtemps sur la préservation d'un héritage culturel distinct" tandis les indépendantistes écossais ont "expressément rejeté les définitions les plus culturelles" de leur identité.

Ainsi, le catalan est largement utilisée et enseigné dans les écoles tandis que l'écossais et le gaélique écossais sont parlés par à peine 1% de la population, selon le recensement de 2011.

Les nationalistes écossais ont préféré se focaliser sur une "série de valeurs communes" comme leur penchant social-démocrate, ajoute M. King.

Par ailleurs, constate José Vicente Rodríguez Mora, professeur d'économie à l'Université d'Edimbourg et l'un des fondateurs du parti catalan Ciutadans, opposé à l'indépendance, "le nationalisme catalan se définit par un sentiment de supériorité par rapport à l'Espagne" quand "le nationalisme écossais est né pratiquement d'un sentiment d'infériorité".

Mais les Écossais sont arrivés à un point où ils "veulent prouver qu'ils sont aussi capables de gouverner" un pays, ajoute-t-il.

A l'approche du 18 septembre, des centaines de Catalans s'apprêtent à parcourir les 2.000 kilomètres séparant Barcelone d'Edimbourg pour vivre in situ le référendum écossais.

Le président du gouvernement autonome catalan Artur Mas estime qu'une victoire du oui créerait un précédent. Cela voudra dire "que si une nation comme l'Ecosse a le droit de décider de son avenir, pourquoi pas la Catalogne", a-t-il déclaré à l'AFP.

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