Margot témoigne après avoir vécu "l’enfer de l’intolérance alimentaire"
Margot a retiré du frigo tout ce qui lui fait mal pour s’offrir une nouvelle vie. Rencontre.
Publié le 27-01-2017 à 10h54
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Margot a retiré du frigo tout ce qui lui fait mal pour s’offrir une nouvelle vie.
À 27 ans, Margot Montpezat a déjà livré une bataille incroyable. Depuis sa naissance, elle est victime d’une intolérance au lactose. "J’étais même intolérante au lait de ma mère", déplore-t-elle. "On a aussi exclu le gluten et les œufs de mon alimentation."
Pour faire rire sa sœur, elle a commencé à compiler quelques notes sur son téléphone. Rapidement, les notes et anecdotes ont été nombreuses. La journaliste parisienne de 27 ans a alors fait le choix d’investiguer sur son mal ("Je me sentais nulle") et d’écrire le Journal d’une intolérante alimentaire aux éditions Les Arènes. "Je suis intolérante. Je ne suis pas allergique ni malade cœliaque", précise la jeune femme. Être coéliaque ou intolérante, "c’est une identité".
Nous nous sommes rendues au restaurant en sa compagnie. Et choisir un plat qui ne contient ni lactose ni gluten relève du défi. "Je vis l’enfer depuis 20 ans. Généralement, sur la carte, je ne trouve que trois ou quatre plats que je peux prendre", regrette-t-elle. "Le plus difficile, c’est pour le choix du dessert. Il y a souvent des œufs, du lait, des crèmes au beurre."
La cuisine asiatique vient souvent à sa rescousse. "S’il n’y a pas de sauce soja, généralement, je peux avoir accès à énormément de plats."
Le régime végan a progressivement élargi le champ des possibles et a permis à ces intolérants de pouvoir manger plus de plats différents au restaurant, même s’il reste des pièges. Certaines fois, il y a du gluten dans ces plats.
Aller manger chez des amis ? Elle anticipe. "Généralement, je mange avant", dit-elle. "Puis, chez ceux qui me connaissent, je fais confiance. Mais il arrive que du beurre soit dans une préparation. Je le sens tout de suite. Avant, je culpabilisais de ne pas faire honneur à leurs plats. Aujourd’hui, j’ai choisi d’assumer et de ne plus souffrir."
Elle poursuit, en riant : "Tout le monde a, un jour, fait un caca mou. Moi, ça a été ma vie, ce ventre dur et ces troubles gastriques. Si je mange du lait, dans les dix secondes, je fais une réaction et je vais aux toilettes. Mon ventre devient dur comme de la pierre. S’il y a du gluten, il me faut dix minutes avant que mon corps ne réagisse."
Outre un trouble digestif, la jeune femme ressent un inconfort général. "Cela joue aussi sur le système immunitaire. Je deviens irascible, des aphtes envahissent ma bouche, j’ai des boutons, mes cheveux et mes ongles ne poussent plus aussi bien…", ajoute-t-elle. "Je me sens fatiguée et à côté de la plaque."

"Il est probable que certains ne soient jamais diagnostiqués"
Le Professeur André Van Gossu, chef de la Clinique des maladies intestinales Gastro-entérologue à l’hôpital Erasme répond à nos questions.
1. Qu’est-ce que l’intolérance au gluten ?
" Il faut distinguer l’intolérance immunitaire, l’allergie et l’intolérance non prouvée au gluten. Dans les cas d’intolérance dite immunitaire, la personne a généralement une prédisposition génétique. On parle de maladie cœliaque. Les patients présentent une atrophie villositaire liée à l’absorption du gluten. Un régime strict sans gluten est à prescrire. La personne allergique va avoir une réaction de type allergie de contact (toux et yeux qui pleurent, par exemple) et n’ont pas nécessairement des troubles digestifs. Cela peut aller parfois à des réactions fortes comme l’œdème de Quincke."
2. A-t-on une idée précise du nombre de Belges qui en souffrent ?
" Pour la maladie cœliaque vraie, l’incidence n’est pas bien connue. On estime qu’un Belge sur mille en est atteint ."
3. Pourquoi est-il si difficile d’avoir des chiffres à ce sujet ?
" Les symptômes de la maladie ne sont pas toujours présents. Les personnes n’ont pas toutes des troubles digestifs, de la diarrhée ou une perte de poids importante, des carences en vitamine D ou de l’anémie. Il est probable que des patients ne soient jamais diagnostiqués coeliaques. On estime qu’un Belge sur 3.000 l’est. Cette maladie peut se déclarer parfois à l’âge adulte, à plus de 50 ans."
Et l’intolérance au lactose?
L’intolérance au lactose n’est pas la même que l’intolérance au gluten. "C’est différent, c’est une intolérance d’un autre type", précise le professeur André Van Gossum, gastro-entérologue à l’hôpital universitaire Erasme. "C’est une intolérance de type enzymatique."
En d’autres termes, le lactase est l’enzyme qui permet de digérer le lactose. Le déficit de cet enzyme peut provoquer un inconfort digestif, des ballonnements.
"On estime que dans certaines zones d’Asie, 85 à 90% de la population est déficiente en lactase", ajoute le professeur. "C’est lié à une mutation génétique."
10 à 20 % des Belges seraient intolérants au lactose. "Mais tout le monde ne sera pas symptomatique", ajoute le médecin.
Il tient à préciser que ce n’est pas parce qu’on est intolérant qu’on doit se priver pour au tant des produits laitiers. "On essaie généralement d’expliquer au patient qui a un déficit en lactose qu’il ne doit pas spécialement exclure totalement le lactose. Tout est question de dosage."