Le rhum, plus tendance que jamais : “Il a longtemps souffert d’une image ternie d’alcool de pirate, mais c’est totalement fini !”
L’expert de la boutique “Rhum Attitude” à Bruxelles raconte la belle évolution de cette boisson forte mais riche en saveurs.
Publié le 10-03-2023 à 15h26
:focal(805x545:815x535)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/R5YRYMAYCFCLVJG3GP4EFGWQPY.jpg)
Le prix du vieux whisky a terriblement augmenté, la vodka reste trop “raide” pour pas mal de consommateurs, le gin a atteint son apogée mais ses arômes botaniques ne plaisent pas à tout le monde non plus, le cognac et l’armagnac forment des “niches”. Qu’est-ce qu’il reste ? Le rhum* ! Après la folie des mojitos et ti-punch qu’on a vu apparaître dans les années 2010, il était à nouveau passé sous le radar des tendances. Mais il fait un beau retour ces derniers temps dans les cœurs des amateurs de bons alcools en version plus sèche, et dans les cartes des bars à cocktails : sa palette d’arômes étendue permet de jouer une belle gamme.
Comme le gin, les distilleries et producteurs ont joué le jeu de la premiumisation des alcools, proposant des produits de plus grande qualité et moins forts. Mais avant ce vent porteur, le rhum a eu du mal à s’imposer. “Le rhum a une histoire de plus de 500 ans. Pendant très longtemps, il n’a été bu que là où il était produit, dans les Caraïbes. L’ancêtre du rhum, produit à partir de canne à sucre broyée, était appelé Eau ardente et avait une très mauvaise réputation d’alcool de pirate, d’alcool qui rend aveugle”, raconte Florian, Perolini, grand spécialiste de ce liquide transparent, ambré ou brun, qui travaille dans une nouvelle boutique bruxelloise au nom explicite de “Rhum Attitude”. “Cette réputation lui a collé longtemps à la peau. Bien sûr, on buvait des caribbean dream, de la piña colada, du daïquiri, vanté par Hemingway ou des cuba libre mais c’était loin d’être un alcool populaire.”
Du cocktail sucré aux produits plus typés

Et “comme pour le gin, c’est l’offensive marketing et commerciale des grandes marques industrielles sur le marché du cocktail qui a fait sortir le segment de sa réputation douteuse”, continue Florian. Qui voit un (seul) point positif à l’arrivée massive des rhums sucrés comme ceux de Diplomatico (Vénézuela, années 60) et surtout de Don Papa (Philippines) : “À une base de rhum vieilli, ils ont ajouté du sucre, beaucoup de sucre et des arômes caramel ou vanille. Ces rhums sirupeux à 40° associés à de gros moyens marketing et créatifs ont fait le reste : ils devinrent la base de nombreux cocktails, dans les bars et les boîtes tendance”, explique encore l’expert qui met cependant le doigt sur l’abus de sucre contenu : “certaines gammes en contiennent 21 ou même jusqu’à 45 g par bouteille” ! Cependant, un nouveau public intéressé était né. Ce qui a alors “ouvert le marché à des marques plus petites, artisanales”. Et à la curiosité : des buveurs de rhum sucré vont découvrir des choses plus sèches, plus artisanales (notamment les amateurs de whisky, de cognac).
Que l’on retrouve pour la plupart sur les étagères de Rhum Attitude dont l’offre en la matière est carrément pléthorique : 800 références de rhum sur les 1 200 proposées en magasin. Et une singularité : dans la boutique, le client peut remplir sa bouteille (achetée sur place ou amenée) à l’un des 3 fûts : un d’armagnac et deux de rhum provenant de Jamaïque et de Trinidad. Des alcools de belle qualité proposés à un bon prix grâce au conditionnement et au recyclage.

Ce magasin, en face de l’hôtel Amigo est la déclinaison physique de l’eshop RhumAttitude.com, l’un des sites les plus importants de ventes de spiritueux en Europe avec environ 4000 références d’alcool (surtout du rhum mais aussi du whisky, du cognac et d’autres spiritueux), lancé par Olivier Mignon dont la carrière a commencé chez Pernod-Ricard. A l’époque, il sent que le segment est en passe de décoller. Et c’est vrai : en quelque 10 ans, le marché du rhum s’est économiquement fortifié avec de nouvelles marques et une grande diversification des pays producteurs : Cap Vert et même Hawaï.
Des bouteilles de collection

Les touristes poussent la porte, curieux, entre un saut sur la Grand-Place et une visite à Manneken-Pis. Des connaisseurs et des collectionneurs (et des investisseurs aussi) ont aussi rapidement débusqué le lieu : on vend ici des bouteilles de rhum Caroni dont la plus abordable affiche 490€ ! Mais il y en a donc beaucoup d’autres, que Florian Perolini et l’autre expert Florian Prost font découvrir à tous selon les penchants. Et globalement les rhums (agricoles, bruns ou arrangés) de petits producteurs coûtent parfois moins cher que les marques connues que l’on trouve dans les supermarchés. “Et ils ont surtout un rapport qualité/prix vraiment intéressant grâce aux circuits d’approvisionnement que nous avons construits grâce à notre site”, explique Georges Mignon qui a accompagné son fils Olivier dans l’aventure de la boutique belge.
Démocratisé, le rhum s’invite même sur les tables gastronomiques : bien choisi, “il remplacera à merveille un vin sucré avec du foie gras par exemple”, décrit Florian, “en atténuant la sensation de gras”. Et que dire d’un vieux rhum avec du chocolat noir…
* Tout se consomme avec modération