L’influenceuse belge Milkywaysblueyes est l’invitée du Grand Entretien de la semaine: "Je ne vais pas perdre un moment de vraie vie, me détacher du moment présent pour publier"
Claire Marnette, 26 ans, a construit une entreprise sur son image mais aussi sa personnalité.
Publié le 30-10-2021 à 12h35 - Mis à jour le 02-11-2021 à 15h18
Elle fait partie du club fermé des influenceuses qui vivent bien de leurs comptes sur les réseaux sociaux en Belgique. Depuis 10 ans, Claire Marnette a construit une communauté de plus de 211 000 followers sur Instagram sous le nom de Milkywaysblueyes. Sur son site comme sur les réseaux, la blogueuse devenue influenceuse met en scène sa passion pour la mode, ses conseils lifestyle, ses voyages, ses bonnes adresses en Belgique et ailleurs et sa fantaisie aussi.
"Futile", "connais pas", "Les influenceuses, ça sert à rien", critiques sur son physique : Claire Marnette s'est blindée "en béton armé" contre les commentaires désobligeants, péjoratifs, négatifs, et préfère souligner le travail et l'entreprenariat derrière images glam, vidéos et textes. Influenceuse ? Elle accepte bien sûr ce terme mais regrette sa connotation négative et péjorative. "Le métier regroupe beaucoup plus de choses intéressantes que cette simple définition. Je préfère dire que je suis créatrice de contenus. Notre métier n'est pas d'influencer, c'est une conséquence de tout un travail en amont."
À 26 ans, diplômée d'un master en droit, avec 10 ans d'expérience sur les réseaux, elle a engagé 4 personnes et une free-lance, a créé Atelier Milky, sa boîte de stratégie digitale et conseil en image. Et continue de prendre du plaisir à partager ses plans mode et autres, avec pas mal de fantaisie : c'est son "côté geekette" adorant les nouveautés qui ressort. Dans ses vidéos, on peut la voir changer 6 fois de tenue en 4 secondes ou apparaître 5 fois simultanément dans des posts drôles, qui plaisent.
A-t-elle grandi trop vite sous le regard constant des réseaux ? " C'est une vitrine. Il faut accepter cela bien sûr et donner de soi. C'est moi oui, mais ce n'est pas tout moi. Avec l'expérience, j'ai réussi à créer mon univers pour pouvoir compartimenter ma vie privée de ma vie pro... qui est ma vie aussi (Rires) ! Et puis le Covid, comme pour tout le monde, m'a fait relativiser ma vie à mille à l'heure. Je suis plus posée ", analyse Claire, lovée dans son pull noir loose et son grand canapé blanc, dans un très bel appartement avec une hauteur impressionnante sous plafond... De la hauteur sur sa situation, c'est ce qu'elle semble avoir cette jeune fille qui nous a accueillis toute naturelle et souriante, en chaussettes ! Bien loin d'une jeune diva fashion.
Que faites-vous quand vous êtes off?
"Le boulot, cela me prend toute la semaine de 9 h à 21 h, et samedi-dimanche si j’ai du retard. Mais j’essaye d’avoir mes week-ends pour ma famille, sortir, aller au resto.
Je fais du sport… mais je ne dirais pas que c’est ma passion ! C’est plutôt de me déconnecter, de ne rien faire. Mon travail consiste tellement à "faire" des choses à longueur de jour que le week-end, ça me fait un bien fou de marcher dans un parc, être avec mon compagnon, voir ma maman, appeler une copine, faire un dîner avec des amis à la maison et sortir aussi, j’adore Bruxelles, même si je suis originaire de Liège."
Vous êtes quand même accro à votre téléphone, à vos fils RS, vos feeds? En vrai?
"Pas du tout! Quand je suis dans ma vie pro, je suis sur mon téléphone toute la journée parce que c’est pour mon travail mais quand je rentre à la maison, ou que je suis à un dîner avec mes amis, mon téléphone est dans mon sac. Mes amis me disent que je devrais être la plus connectée de toute l’assemblée et c’est l’inverse au final. Je ne pense pas story-story-story. Et je ne vais pas perdre un moment de vraie vie, me détacher du moment présent pour publier. D’ailleurs, j’imagine très bien mon mariage en juillet 2022 sans téléphone à la main!"
C’est un milieu concurrentiel, comment on fait pour rester au top?
"Je ne suis pas la plus suivie, disons que je fais partie du top 10 des influenceuses en Belgique. Et le marché ici est relativement nouveau. Avant d’atteindre beaucoup d’abonnés, cela se construit sur plusieurs années alors je n’ai jamais ressenti de concurrence. Enfin, une influenceuse c’est tellement une personne, une individualité: on n’exprime pas les choses de la même façon, on n’a pas les mêmes affinités, on ne travaille pas de la même façon avec les mêmes marques. Au final, il n’y a pas de concurrence entre nous."
Vous avez connu des creux?
"Oui, vu que c’est un métier que l’on fait beaucoup avec son cœur et en relation avec sa vie privée fatalement, quand il se passe quelque chose de grave, c’est difficile d’apparaître tout sourire sur les réseaux sociaux, c’est même insupportable : on ne peut pas tricher, à l’inverse de ce que pensent certains ! À la mort de mon père, je suis restée off un long moment et j’ai eu du mal à me remettre dans le bain. J’ai même pensé à tout remettre en cause, à faire le barreau parce qu’il me voyait avocate. C’était une décision trop drastique, trop émotionnelle cependant et je ne regrette pas d’être restée sur cette voie. J’ai eu aussi des moments difficiles avec des problèmes de santé… Alors oui j’ai eu des bas et je pense qu’il faut s’écouter soi et les respecter parce que si on se force trop, ça casse. C’est pour ça aussi que j’ai lancé Atelier Milky, pour me protéger et avoir une porte le jour où je n’aurai plus le cœur à faire ce que je fais encore avec plaisir aujourd’hui."
C’est un métier à risque non, avec la violence des réseaux sociaux, les trolls, la haine anonyme…
"Je suis assez détachée par rapport à tout ça. A partir du moment où tu te permets de te montrer, les gens se permettent de juger, c’est comme ça malheureusement. J’avoue que j’ai choisi de ne pas communiquer sur des sujets de controverse. Par contre, quand un média illustre un article sur mon agression par un chauffeur de taxi (voir par ailleurs, NdlR) avec une photo de moi… en sous-vêtements, je n’ai pas compris et me suis même interrogée sur le but de cela, c’est misogyne et cela réveille les loups sur les réseaux."
On ne critique pas votre physique?
"J’ai la chance d’être préservée et d’avoir une communauté bienveillante. Mais ça arrive évidemment. Le truc que l’on me dit tout le temps en ce moment c’est: "Est-ce que tu es enceinte?" Parce que j’ai pris un peu de poids, ce n’est pas méchant en soi mais cela peut vexer! Dès que l’on montre une image plus réelle, les gens te la retournent en quelque sorte. C’est ça aussi qui contribue à lisser les images… Pour ma part, j’ai un peu laissé tomber et j’aime exprimer mon côté naturel, plus qu’auparavant."
C’est quoi l’envers du décor d’un post d’influenceuse?
"Il y a tout un travail de fond qui se fait derrière, en équipe. Il faut de l’imagination, trouver la manière d’aborder le sujet que l’on veut aborder, innover aussi. Je communique si je vois la plus-value que ma publication peut apporter à la personne qui va le voir. Soit une information, soit du ressenti personnel, des conseils au quotidien, une photo, des montages spéciaux, un peu surnaturels. On ne parle pas d’une manière objective d’un produit, il faut l’associer à quelque chose de personnel."
Combien êtes-vous payée?
"J’en vis, j’ai une entreprise! Pour la rémunération, il y a des grilles de prix. C’est finalement comme une page de pub dans un magazine, en fonction de ce que la marque demande, de la quantité de travail que cela demande, de la visibilité."
Vous choisissez vos collaborations pour ce que cela rapporte?
"Mais non! Cela doit être des coups de cœur, sinon cela ne marche pas, d’ailleurs, je noue beaucoup de collaborations à long terme. Ce sont uniquement des produits, des choses que je consomme ou que j’ai envie d’essayer de toute façon. Je suis la copine à grande échelle qui teste tout et qui partage ses bons conseils. C’est vraiment comme ça que j’envisage encore mon travail."