L’EcoBeautyScore, un “Nutri-Score” pour les cosmétiques les plus écologiques ou un outil de green-washing ?
Il devrait être lancé en 2023 par un consortium regroupant les géants du secteur de la beauté et des cosmétiques. Et c’est là que ça pourrait bien coincer.
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Publié le 12-03-2023 à 08h16
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En 2021, 36 entreprises mondiales de la beauté lançaient le consortium EcoBeautyScore. L’objectif : définir un système de notation commun de l’impact environnemental des produits cosmétiques. Un dispositif au service des consommateurs a priori, toujours plus curieux de mieux connaître les produits qu’il utilise pour l’ensemble de la famille : une part importante d’entre eux (42 %) souhaite consommer des marques qui suivent des procédés circulaires et durables, d’après l’Institut de recherche Capgemini.
Une bonne idée ? Dans sa philosophie, très certainement. Le nom de cette “cote” est directement inspiré des nouveaux Eco-Scores établis par des chaînes bio comme Färm ou Colruyt. Eux-mêmes directement influencés par le Nutri-Score, un système d’information nutritionnel créé par la France, et soutenu et repris par nombre de pays européens. Ce code de couleurs et de lettres sans être un label tenu à un cahier des charges strict, influe largement sur les choix posés par les clients des grandes surfaces.
Cette démarche donnerait ainsi naissance à une banque de données commune sur l’impact environnemental d’ingrédients, de formulations, d’emballages, Une mine d’or d’informations pour mieux produire et choisir les cosmétiques de demain.
Un scoring qui devrait être indépendant
Oui mais… On connaît aussi les polémiques autour de ce Nutri-Score, que certains trouvent bien trop cléments vis-à-vis des géants de l’agro-alimentaire et trop dur avec les produits alimentaires issus des traditions et de l’artisanat comme les fromages AOP par exemple. L’EcoBeautyScore suivrait-il le même chemin ? L’idée de départ est à attribuer à Henkel, L’Oréal, LVMH, Natura&Co et Unilever. Les plus gros du secteur, qui regroupent un nombre incalculable de marques allant de Garnier à Sisley en passant par Guerlain, Séphora, Schwarzkopf, Eugene Perma ou encore Louis Widmer, Dove, Signal, Rexona, Diadermine… Des groupes qui ont les moyens de créer le désir en lançant des “nouveautés” tous les trois mois… avec la poudre aux yeux marketing et cosmétique entourant ces produits de plus en plus “naturels” surtout grâce à quelques inscriptions minuscules sur les emballages et trous dans les législations régissant le secteur.
Pour contourner ces suspicions, le consortium joue la carte de l'” open source” et de l’approche scientifique. Il travaille ainsi “avec le cabinet de conseil Quantis, pour garantir une approche robuste et scientifique”. La méthodologie, les bases de données et l’outil de ce système seront vérifiés par des auditeurs indépendants”, indique encore le communiqué de presse commun aux 36 fondateurs qui ont été rejoints entre-temps par d’autres groupes et associations professionnelles.
Le dispositif EcoBeautyScore prendra en compte le sourcing des ingrédients, la biodégradabilité de la formule, et l’empreinte des packagings, en s’appuyant notamment sur la méthode scientifique proposée par l’Union européenne en la matière, la Product Environmental Footprint.
L'association Slow Cosmétique tique
Une mine d'informations ? Sans doute ! Mais il ne faut pas oublier que des labels et d’autres systèmes d’évaluation performants existent, réellement indépendants comme Peta, Cruelty Free, Eco-cert, Nature&Progrès, ou encore Natrue, Cosmebio ou Slow Cosmétique. Sans parler des applis comme Yuka. Des logos qui sont dans l’ensemble jamais apposés sur les produits des géants de la beauté…
Julien Kaibeck, cosmétologue et aromathérapeute est fondateur du mouvement Slow Cosmétique en 2012, une association militante et internationale basée en Belgique. Pour lui, “l’idée d’un repère unique pour identifier les cosmétiques les plus “green” est évidemment excellente”. Et c’est le rôle des labels comme le sien et Peta, Cruelty Free, Eco-cert, Nature&Progrès, Cosmebio ou Natrue. Sans parler des applis comme Yuka. “Ils ont acquis une légitimité méritée depuis le début des années 2000 sur le plan des formules cosmétiques écologiques, du fait de la rigueur et de la transparence de leurs cahiers de charge”. Encore faut-il être assuré de l’indépendance de ce scoring qui émane “d’entreprises leaders de la cosmétique conventionnelle, critiquée depuis plus de 10 ans sur l’impact écologique et sanitaire de ses formules”, pointe-t-il en avançant tout de go : “N’est-on pas là plutôt devant un outil développé avant tout pour répondre à la critique constante, et justifiée en partie, sur les produits conventionnels ? Il est probable que l’EcoBeautyScore a pour but premier de récupérer des parts de marché perdues dans un contexte tendu”.
Et si des associations similaires à celle qu’il a lancée, comme Cosmebio et Natrue, ont décidé d’être membres du consortium, Slow Cosmétique a pris le parti de ne pas demander à être membre : “Il est évident que l’EcoBeautyScore sera partiellement trompeur. Le score des silicones, de certains parabens ou du phenoxyethanol sera bien meilleur que ce que les scorings indépendants ont l’habitude d’en dire”, dénonce Julien Kaibeck. Et puisqu’il n’est pas obligatoire, il ne serait utilisé que sur les produits correctement notés d’une marque, laissant dans l’ombre les gammes moins green.