On a retrouvé l’authentique Orient-Express
À la fin des années 1970, deux entrepreneurs, James Sherwood et Albert Glatt, imaginent de ressusciter le mythique train “Orient-Express” et rachètent 35 voitures éparpillées à travers l’Europe et vouées à la destruction pour les restaurer à grands frais.
Publié le 12-03-2023 à 15h23
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Sherwood l’Américain conçoit le Venise-Simplon-Orient-Express entre Calais et l’Italie. Son train sera géré, plus tard, par le groupe hôtelier de luxe Belmond. Glatt, voyagiste suisse, fait tourner son Nostalgie-Istanbul-Orient-Express entre Zurich et Istanbul et crée le Paris-Tokyo via Moscou et la Sibérie, avec un transbordement vers Yokohama par bateau. Cet Extrême-Orient-Express va malheureusement ruiner son propriétaire.
Par la grâce de Google Maps
En 2015, Arthur Mettetal, historien d’entreprise de la SNCF chargé de l’inventaire mondial des Wagons-Lits et de développer le label Orient-Express dans l’univers du luxe et de l’hôtellerie, entend parler de 13 voitures perdues à la frontière biélorusse, sans autre précision. Premier défi : retrouver ces voitures spécifiques de l’Orient-Express. Au hasard de ses recherches, il tombe sur une vidéo du train légendaire en gare de “Malaszewicze”, toutefois il existe une dizaine de villes ainsi nommées en Pologne. Après des heures passées sur Google Maps à inspecter chaque parcelle de rail polonais, il tombe sur ces historiques 13 voitures, toutes parfaitement alignées. En zoomant un peu, on reconnaît les fameux toits gris tirant sur le blanc si caractéristique de ce célèbre train.
Deuxième défi, à la frontière biélorusse. Arthur Mettetal est accompagné d’une traductrice, d’un photographe et d’un dirigeant de la SNCF. La zone de triage émerge au milieu de la steppe, où bruissent d’inquiétants cris de cigognes. La délégation parvient jusqu’à la gare. C’est bien l’Orient-Express qui traîne ici.
Le lendemain, les voilà autorisés à visiter le train : l’impression d’un retour dans le passé, les voitures sont en bon état, les pièces les plus précieuses sont toujours là comme des panneaux de verre Lalique intacts, gravés aux motifs “merles et raisin” typiques du style Art déco. Parfaitement conservées également, les marqueteries aux motifs exotiques en ivoire signés René Prou.

Le rachat de la rame par la SNCF
C’est un ancien cheminot allemand, Johannes Klings, qui a racheté ces 13 voitures après la faillite d’Albert Glatt. Il a sacrifié tout son argent pour que perdurent les croisières du Nostalgie-Istanbul-Orient-Express, mais son train a été bloqué en 2008 à la frontière biélorusse. Dans cette gare de triage, jadis construite par les Allemands pour envahir la Russie, les voies des réseaux ferrés russes et européens n’ont pas le même écartement et l’ancien cheminot a dû abandonner son trésor. Après deux années de tractation, la rame est revendue en juillet 2018 à la SNCF, et ce trésor ferroviaire est rapatrié par camion à Clermont-Ferrand. Les 13 voitures sont en cours de rénovation profonde : de la marqueterie d’étain aux panneaux lambrissés, tout sera remis en état d’origine.
La SNCF possède déjà une flotte de 7 authentiques voitures rachetées à la Compagnie Internationale des Wagons-Lits. Alliée avec le géant hôtelier Accor et titulaire des droits sur le nom CIWL&Wagons-Lits, la SNCF mise désormais sur son train de luxe, l’Orient-Express, qui roulera à nouveau en 2024 entre Paris et Vienne à l’occasion des Jeux olympiques de Paris, une deuxième résurrection que l’on doit à l’esprit de recherche et la détermination d’Arthur Mettetal.
Notons que 3 voitures des Wagons-Lits, longtemps garées à Haine Saint-Pierre, sont également parties dernièrement en Italie en vue d’une restauration complète.
