Philippe Léotard: 'Mes poches sous les yeux, je les ai attrapées à force de larmes'
- Publié le 27-08-2001 à 13h00
:focal(99x109:109x99)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/FF4SELOGOFGMFGSSVKZXRLW3AE.jpg)
Philippe Léotard s'est éteint à 60 ans. Il sera inhumé au Père-Lachaise, mardi
PARIS Au lendemain de la mort de Philippe Léotard, d'une insuffisance respiratoire, dans une clinique parisienne, les hommages ont afflué. `Pour tous les Français, il restera comme l'un de nos artistes les plus émouvants´, a écrit Jacques Chirac. Jospin, de son côté, a souligné `sa sensibilité à fleur de peau´ et la ministre de la Culture, Catherine Tasca, a estimé qu'il fut `avant tout un acteur, passionné et vibrant. Il part alors qu'il semblait découvrir une certaine paix´...
Mais les plus beaux des mots d'amour, qui sonnent aujourd'hui comme des mots d'adieu, c'est sans doute à son frère, François, qu'on les doit. Ils ont plus de dix ans mais pas une ride. `Il était devenu peu à peu, par des blessures non refermées, le lieu de ma propre tendresse: celle qui n'est jamais écrite, à fleur de terre, gisement inépuisable de mots et de musique. J'ai vécu à travers lui la vie qu'il s'était faite, les matins qui n'en finissent pas, les nuits comme des orages, les silences de la mort. Peu à peu, j'étais lui, le cachant bien, soucieux d'avoir en moi ce qui me sauvait à mes yeux: un homme qui me ressemblait, comme un frère´, écrivait l'ancien ministre de la Culture et de la Défense. `J'ai atteint toutes les frontières, regardé sous les slips, sous les trains, ingurgité toutes les liqueurs, fumé, sniffé´, disait ouvertement celui qui, en guise de clin d'oeil à son frangin, s'était proclamé ministre de la Défonce. `J'ai pris cette béquille dans les années 70, et je n'ai pas voulu m'en cacher, voilà mon erreur´, confiait-il après sa condamnation, en 1995, à dix-huit mois de prison avec sursis dans le cadre d'une affaire de trafic de cocaïne. Dans son livre Clinique de la raison close, paru en 1997, il avait raconté sa longue cohabitation avec la cocaïne et l'alcool. `Mes poches sous les yeux, je les ai attrapées à force de larmes. Les mauvaises langues diront que c'était au fond d'un verre. Je ne veux pas la ramener avec mes souffrances...´ Des douleurs d'écorché vif, d'artiste funambule sur le fil de ses rêves.
Né le 28 août 1940 à Nice, Philippe Léotard n'a pourtant pas donné toute sa vie à l'art. Caporal de la Légion étrangère, professeur de philo, il en a fait des détours avant de fonder, avec Ariane Mnouchkine, en 1964, le Théâtre du soleil.
Le cinéma lui tend les bras en 1970. C'est François Truffaut le premier qui entend, derrière la voix rauque, les battements d'un coeur passionné. En 30 ans, Léotard accrochera son nom au générique de près de 100 films, dont La balance qui lui vaudra un César, en 1983. Malgré ce succès, il connaît, quelques années plus tard, un terrible passage à vide. `En France, on a trop mélangé ma vie privée et ma vie professionnelle. Du coup, plus personne n'a voulu m'engager.´
Celui qui voulait être le `dernier poète de la décadence´ et qui rêvait qu'on retînt de lui quelques pages de son premier livre et quelques morceaux de son premier disque, à bout de souffle, a tiré sa révérence. Il laisse sa jeune compagne Clara, de 35 ans sa cadette, avec ces quelques mots: `Mon souhait, le seul, c'est une femme écrivant sur ma tombe: Il a aimé.´