Pourquoi un enfant-roi serait une menace pour la démocratie ? La chronique psy-toyenne
Le "culte de l'enfant", dans les familles comme à l'école, met-il vraiment nos démocraties en danger ? Anne-Françoise Meulemans, médecin psychothérapeute, coordinatrice d'e-mergence et CentrEmergences, nous aide à trancher.
- Publié le 12-06-2022 à 11h22
- Mis à jour le 25-08-2022 à 17h30
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Une étude menée par une équipe de scientifiques de l’UCLouvain a fait parler d’elle cette semaine. On y abordait la question du "culte de l’enfant" tant au sein des familles que des écoles. Avec un titre choc : "Le culte de l’enfant = danger pour nos démocraties".
Cela me mène à deux réflexions. D’abord sur les questions de l’éducation et de la place que l’on donne à l’enfant dans notre société actuelle. Mais avant tout, pourquoi a-t-on donné à cette étude un effet d’annonce qui tend vers le buzz, avec un titre aussi fort ? Je ne pouvais pas aborder ce sujet sans parler de ce type de communication anxiogène.
Quand on parle d’enfant-roi, on veut parler du "trop" : trop d’attention, trop de laxisme, trop de laisser-faire, trop de pression mais aussi trop de jugement.
Nous devons être dans la nuance et regarder l’existence de ce présumé enfant-roi à qui l’on vouerait un culte à la lumière de notre société actuelle. Aujourd’hui, on semble pencher vers une critique négative de l’éducation des enfants, comme si on avait une nostalgie rousseauiste de l’éducation d’avant. Mais avant, on n’écoutait pas les enfants, on était dans un autoritarisme de bon ton, qui allait de soi.
Attention, je ne veux pas tomber dans l’erreur de dire : c’était mal avant, c’est mieux maintenant. Il faut analyser le phénomène à l’aune de la société actuelle, et se poser la question du cadre et des valeurs qu’elle véhicule. Cadre et valeurs qui formatent enfant, parents, famille, école.
En fait, il n’y a pas de "vérité éducative", elle est temporelle, elle s’inscrit dans le présent de la société. Là où l’on croit avoir trouvé la vérité, elle disparaît quelques années plus tard. C’est un peu comme la façon de coucher un nouveau-né : certaines années, c’était sur le dos, d’autres sur le ventre, et d’autres fois sur le côté !
Les modèles familiaux ont volé en éclat
L’idée de l’enfant-roi, du culte de l’enfant, c’est une nouvelle vérité qui peut apaiser les consciences : voilà, on sait, c’est la faute du culte autour de l’enfant. Mais cela culpabilise aussi les parents. Depuis la nuit des temps, les parents veulent le mieux pour leurs enfants ! Aujourd’hui, des adultes soumis à de multiples et incessantes pressions veulent des enfants "parfaits"… Mais cela paraît presque normal dans une société aussi normative ! Mais comme les parents parfaits, cela n’existe pas ! Résultat, ces petits êtres que l’on chérit, que l’on écoute, que l’on pousse à être les meilleurs deviendraient alors des petits tyrans narcissiques et anxieux, paresseux et individualistes.
La solution serait de "combiner une discipline ferme et juste avec de la bienveillance ; et enfin de laisser les enfants respirer, vivre des expériences et surmonter des épreuves sans la présence parfois étouffante des parents". Mais le cadre et l’écoute bienveillante ne signifiaient pas la même chose en 1950, en 1980 et en 2022 et en 2030 ce sera aussi autre chose ! On retrouve au sein des familles ce qui est à l’extérieur des familles : l’air du temps.
Avant de parler de l’enfant-roi posons-nous d’abord la question des modèles familiaux qui ont volé en éclat ces dernières décennies. Nous donnons aux enfants l’éducation que la société de consommation produit. Et sans jeter l’opprobre sur cette société de consommation, je pense que l’on doit oublier de parler d’enfant-roi pour avoir une réflexion plus globale et plus sociétale sur la famille. Sans culpabiliser les parents, avant tout.