Cannabis, tabac, cocaïne, alcool et autres sucreries... Que nous racontent nos addictions ? La chronique psy-toyenne

Tout ce qui nous récompense nous renforce dans nos habitudes liées à ces récompenses. Nous avons tous des comportement ou habitudes plus ou moins addictives. Les addictions sont autant de soupape de sécurité pour les individus comme pour la société. La psychothérapeute Anne-Françoise Meulemans nous explique pourquoi.

A.F.M & E.W.
Cannabis, tabac, cocaïne, alcool et autres sucreries... Que nous racontent nos addictions ? La chronique psy-toyenne
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Ce petit morceau de chocolat indispensable pour terminer un repas, cette activité sportive qui nous permet de tenir, le besoin de relations,... Tout ce qui nous récompense nous renforce dans nos habitudes liées à ces récompenses.

Sachez-le pourtant : il n'y a pas deux populations, une addict et une qui ne l'est pas. On est tous addicts à différents degrés. Sauf que, quand l'addiction vient empiéter sur notre autonomie, elle est pathologique.

Pourquoi notre société sanctionne-t-elle certaines addictions et cautionne avec un certain degré d'ambivalence d'autres, comme l'alcool ou la cigarette ? Juste avant la séance de cinéma, je reçois frontalement 4 annonces différentes m'incitant à consommer de l'alcool. Et en même temps on parle de la consommation de cannabis comme le pire des maux concernant les jeunes.

Tolérance à deux poids, deux mesures

Bien sûr, il y a une raison historique dans la tolérance à ces addictions, pourtant nocives pour la santé. Derrière elles, des pouvoirs économiques colossaux, pensons à l'industrie du tabac, de l'alcool, … Ces lobbies agissent au niveau politique. Le cannabis est moins sexy de ce point de vue, vous le plantez dans votre jardin, vous l’achetez illégalement. Il y a les drogues plus « dures », qui sont totalement disqualifiées, pourquoi, pourquoi pas ? Il faut reconnaître la règle de deux poids deux mesures, si on fait la comparaison avec les méfaits de l'alcool et du tabac.

Les addictions sont autant de soupape de sécurité pour les individus comme pour la société. Une sorte de contention chimique délibérément choisie. Pour apporter du plaisir, au départ. Mais ces addictions nous parlent très vite d'un besoin de compenser des frustrations, du stress, un état de mal-être social, existentiel. Certaines sont plus visibles : certaines addictions alimentaires conduisent à un surpoids, à l’obésité. Certaines sont plus cachées comme les médicaments.

La société doit voir les deux faces de l'addiction

Vouloir freiner ces addictions par un règlement purement punitif est de ce point de vue aberrant. C'est comme retirer une béquille à une personne qui boîte ! Voyons d'abord la fonction de cette addiction. L'addiction a une utilité dans la vie de cette personne. Comment y suppléer, comment l'aider à gagner en autonomie, trouver d'autres moyens de compensation ou d'addiction moins toxiques? On ne peut plus rester dans cette logique binaire qui promeut certaines substances toxiques comme l'alcool, ou en prescription des benzodiazépines, et en condamne sans nuances d'autres, comme les joints, ou d'autres substances de synthèse.

Il n'est ici pas question de faire l'apologie de l'un ou de l'autre, il n'est pas question de sanctionner l'un ou l'autre. Il est question d'avoir une réflexion et une proposition d'accompagnement basées sur la compréhension au niveau individuel comme au niveau sociétal et visant un maximum l'autonomisation de chaque individu.

Augmenter les chances de chacun

La disqualification n'aide personne, au contraire, elle met au ban des accusés des individus présentant les addictions non approuvées. Cette réflexion plus ouverte et néanmoins cadrée dans une réflexion sanitaire individuelle et d'intérêt collectif permet d'augmenter les chances de chacun, en contextualisant chaque situation. Continuer à voir des pubs pour l'alcool au cinéma, le sponsoring de l'alcool dans le sport, chez les étudiants est une énorme claque dans une approche inclusive mettant toute addiction sur le même plan. On s'habitue dans notre société avec ces injonctions contradictoires: fumer nuit à votre santé, le tabac t'abat et en même temps les taxes prélevées par l'État sur la vente du tabac, boire avec modération et le sponsoring des cercles d'étudiants ou la vente d'alcool sucrés pour attirer les plus jeunes, la lutte contre l'obésité et la mise en vente des produits sucrés, caloriques, les publicités visant les enfants pour la consommation de sucreries et de soda.

Adopter la réglementation sur des critères sanitaires au lieu de prioriser des critères économiques (on peut dans cette logique cubique aller très loin et considérer que le travail que donne au monde médical les traitements des ravages de l'alcool et du tabac sont positifs d'une point de vue PNB), permettrait d'avoir un regard beaucoup plus inclusif et constructif dans ce que l'on peut appeler le spectre des addictions.

Une substance n'est pas l'autre et une personnalité n'est pas l'autre non plus.

> Anne-Françoise Meulemans est médecin psychothérapeute, coordinatrice d' e-mergence et CentrEmergences . Chaque semaine, elle aborde ici une question psy ou citoyenne que chacun pourrait se poser par rapport à soi ou à la société.

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