Très sale temps sur la planète et la Belgique, tous dépressifs à l'horizon ? La chronique psy-toyenne
Inflation menaçante, froid et obscurité à venir, prix de l'énergie qui explosent et qui inquiètent, guerre, incertitude sur une reprise potentielle du Covid, méchante grippe saisonnière... Bref, aucune bonne nouvelle à l'horizon : va-t-on tous tomber dans la dépression ? Les consultations sont-elles en augmentation exponentielle ? La psychothérapeute Anne-Françoise Meulemans revient sur cette sinistrose anxiogène.
- Publié le 02-10-2022 à 09h28
- Mis à jour le 02-10-2022 à 10h39
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Comme les saisons, comme la météo, les mauvaises nouvelles nous impactent aussi, surtout quand elles s'enfilent en un collier funèbre.
Les consultations, déversoirs du trop-plein émotionnel, témoignent d'un coût caché du fonctionnement de la planète : un coût existentiel énorme ! On devrait d'ailleurs en prendre régulièrement la mesure, interroger la société au travers du prisme des consultations, de ses maux et mots.
Les infos, agents d'angoisse
Sur ce fond de mauvaises nouvelles et d'inquiétudes qui nous assaillent, il n'est pas facile d'être heureux en 2022. Certains font le choix de ne plus écouter les infos à la radio, d'éteindre la télévision aux heures des JT, c'est presque une question de vie ou de mort ! D'autres consomment à tout va pour essayer de nourrir un semblant de contrôle par une "connaissance" approfondie... souvent sans succès. Les enfants, eux qui gardent le plus souvent pour eux leur malaise, osent même parler à leurs parents de leur angoisse à la vue des images du JT...
Mais que ce soit en recevant trop d'infos qui nous tétanisent de stress, ou nous anéantissent de dépression, ou en coupant tout canal d'infos, dans une ultime tentative de déni, le résultat est le même : nous nous vivons dans toute notre impuissance.
Le problème, c'est que nous portons tous en nous une ambivalence, un sentiment d'amour-haine par rapport aux informations qui sont partout, même sur les réseaux sociaux qu'on voudrait fréquenter uniquement comme un loisir. Finalement, on veut tout savoir, et on ne veut rien savoir. On a envie d'entendre de bonnes nouvelles, mais apparemment les mauvaises nouvelles font plus de chiffres. Et malheureusement, nos cerveaux les retiennent bien mieux que les bonnes.
Générations futures en danger
Mauvais temps sur la planète, avec en plus un constat cinglant : il n'y a pas de solidarité vis-à-vis des générations futures de la part de ceux qui gouvernent la planète. Le "NO FUTURE" se décline de mille manières dans les actes et les discours politiques, et à côté de cela, on doit trouver sa place, son chemin, penser à celui de nos descendants. Ou décider de ne pas penser pour continuer à avancer ! D'où cette question alors : est-ce finalement les gens qui vont mal qui vont bien ou ceux qui vont bien qui vont mal ? Quel abîme !
Autre piste : et si cette période accablante était un exutoire, la réponse "facile-à-penser" à notre mal-être individuel ? Car oui, cela fait parfois du bien de penser que si on va mal c'est à cause des événements extérieurs. Disons-le, le lien de causalité n'est pas clair, mais du moins la concomitance est parlante.
Pourtant, lorsque l'on est en souffrance revient également le questionnement sur le sens et l'éthique de ce que l'on vit. Dans l'intimité des cabinets (ou des e-consultations qui permettent aussi de "lâcher" dans la sécurité de chez soi), les thérapeutes sont confrontés à des questions plus globales que le "soi", des interrogations plus philosophiques, et politiques.
Il ne faut jamais oublier que le bien-être des gens ne relève pas que de la responsabilité individuelle mais aussi de la responsabilité collective !
Quelles réponses alors face à l'adversité ?
- L'humour, qui permet de remettre du bon sens dans cet apparent chaos.
- La quête de sens: se repositionner dans sa vie, et suivre notre intuition dans notre besoin d'exister, de nous projeter.
- L'action: devenir acteur à toute échelle, poser des actes au sein de la famille, du voisinage, de la communauté, de la société. Des actes qui marquent effectivement une solidarité avec les générations futures.
- La réflexion sur la société de consommation. Nous sommes devenus des êtres conditionnés à consommer de tout, au nom de la croissance. Un terme qui est un faux-ami : il évoque quelque chose de toujours meilleur, sans limite ni conséquence collatérale. Or, dans le discours des économistes et des politiques comme dans la société, il signifie tout autre chose : faire du profit pour certains.
- On doit prendre la tangente de la décroissance, et bouger de quelques degré notre angle d'attaque, en changeant subrepticement notre rôle de consommateur en rôle d'acteur, d'activiste, de consommacteur. Dire, comme je le fais dans ces lignes, cela ne change pas grand-chose. Mais faire et agir en unique conclusion d'une pensée réfléchie, c'est la seule chose qui compte.
> Anne-Françoise Meulemans est médecin psychothérapeute, coordinatrice d' e-mergence et CentrEmergences . Chaque semaine, elle aborde ici une question psy ou citoyenne que chacun pourrait se poser par rapport à soi ou à la société.