Sorties ciné de la semaine: un Woody Allen élégant et une suite plutôt foutraque d'Alice au Pays des Merveilles (VIDEOS)
Au programme cette semaine: Café Society, avec une Kristen Stewart au top du glamour ; De l'autre côté du miroir, où Alice n'est plus une gamine ni même une jeune fille et Elle, le film le plus choquant du Festival de Cannes. Critiques.
Publié le 24-05-2016 à 20h22 - Mis à jour le 24-05-2016 à 20h38
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Café Society
"La célébrité, c’est toujours utile"
Kristen Stewart et Jesse Eisenberg décrochent un de leurs plus beaux rôles dans Café Society de Woody Allen. Glamour n’est pas le premier mot qui vient à l’esprit en pensant à Woody Allen. Avec ses grosses lunettes noires et ses éternelles chemises bleues sur un pantalon beige, il détonnerait à tous les coups sur les tapis rouges hollywoodiens… s’il les fréquentait. Mais l’éternel polisson de 80 ans n’a pas son pareil pour sublimer les comédiens et surtout les actrices à l’écran. Emma Stone (L’homme irrationnel), Cate Blanchett (Blue Jasmine), Owen Wilson (Midnight in Paris), Naomi Watts (You Will Meet a Tall Dark Stranger), Penelope Cruz, Scarlett Johansson (Vicky Cristina Barcelona) ou Jonathan Rhys Meyers (Match Point) peuvent en témoigner.
Une longue et prestigieuse liste à laquelle il faut ajouter Jesse Eisenberg (déjà à l’affiche de To Rome with Love) et la nouvelle venue dans l’écurie allenienne, Kristen Stewart. Le premier épate comme jamais par la subtilité et les nuances de ses émotions, tandis que la seconde marche sur les traces des grandes divas classieuses hollywoodiennes comme Ava Gardner ou Audrey Hepburn. Et ça, ça en jette dans une filmographie…
"La célébrité, c’est toujours utile pour un artiste, explique Jesse Eisenberg. C’est peut-être la monnaie qui a le plus de valeur. Mais c’est parfois inconfortable, puisqu’on n’a plus vraiment de vie privée."
Point de vue que ne partage pas tout à fait Kristen Stewart. "Il est clair qu’à Hollywood, il y a beaucoup d’opportunistes qui ne s’intéressent qu’à leur carrière. Vous êtes un artiste, vous voulez raconter une histoire mais vous ne le faites pas parce que vous voulez distraire le public et gagner beaucoup d’argent. Gagner de l’argent, c’est ce que tout le monde veut, ce n’est pas une mauvaise chose en soi. Mais il faut aussi un désir authentique lié au métier. À Hollywood, on marche sur la tête des autres pour arriver à quelque chose. C’est vrai dans beaucoup d’endroits, mais surtout à Hollywood."
Elle, c’est par sa simplicité qu’elle a convaincu le cinéaste de l’engager après un casting. "Elle est aussi crédible en petite fille bien sage, avec ses chaussettes blanches et sa belle robe, qu’en manipulatrice sophistiquée, constate Woody Allen. Nous avons eu de la chance de pouvoir l’engager."
"Parfois, vous entendez une chanson et vous la reconnaissez immédiatement, conclut Kristen Stewart. C’est la même chose avec Woody Allen. Vous reconnaissez son style d’emblée. Ses films vous sont d’office familiers. Je le savais, je me demandais si je serais à la hauteur. J’ai essayé de travailler au mieux avec beaucoup de spontanéité. J’ai des défauts, ma propre personnalité, et j’ai essayé de dépasser tout ça pour m’abandonner complètement dès le début du tournage. Avant, je pensais qu’il fallait apprendre par cœur chaque réplique et me préparer minutieusement. Mais avec Woody Allen, dès que le tournage commence, les choses s’imposent d’elles-mêmes. Je ne sais pas comment décrire cela. J’ai l’impression qu’on s’est bien compris très naturellement. Il a réussi à me faire puiser en moi des éléments cachés dont je n’étais pas consciente, et j’ai beaucoup apprécié cet exercice. C’est la meilleure relation qu’on puisse avoir avec un réalisateur."
D’évidence, ce n’est que le début de leur collaboration.

Kristen Stewart au top du glamour
Café Society : un Woody Allen élégant et classique.
RÉSUMÉ
Jeune, naïf et plein d’ambition, Bobby quitte son Bronx natal pour travailler avec son oncle, un des agents de stars les plus influents d’Hollywood en ces années folles. Divine rencontre : il se découvre une vocation pour les relations publiques et tombe immédiatement follement amoureux de Vonnie, une secrétaire de son âge avec qui il passe beaucoup de temps, sans deviner qu’elle est la maîtresse de son oncle Phil.
NOTRE AVIS
Woody Allen est un malin. Qui utilise avec humour le triangle amoureux pour… parler de sa propre situation (il est marié à une femme de 35 ans sa cadette) et fait semblant de rendre hommage à l’âge d’or du cinéma (l’image et les décors sont splendides) pour régler ses comptes avec Hollywood. Comme souvent chez lui, le rire est amer, un peu désespéré, et les situations cruelles. "La vie est une comédie écrite par un auteur sadique", précise d’ailleurs le narrateur.
Tourné à la manière d’un film des années 30, Café Society touche par sa sensibilité, sa subtilité amoureuse, mais ne contient pas ces innovations extraordinaires qui ont fait la réputation du cinéaste new-yorkais de 80 ans. Tout y est beau, à la manière des vieux films hollywoodiens, mais rien ne vient jamais surprendre visuellement (comme dans La rose pourpre du Caire ou Zelig, par exemple) ou dans la narration (à la manière de Match Point).
Le charme de l’œuvre repose en grande partie sur des dialogues joliment ciselés et, surtout, sur la prestation infiniment glamour de Kristen Stewart. Difficile d’imaginer que la Bella de Twilight ait réussi la métamorphose de la classe pour marcher dans les pas d’Ava Gardner ou Audrey Hepburn. À l’écran, elle occupe littéralement tout l’espace. Et parvient même à faire de l’ombre à un Jesse Eisenberg qu’on n’a pourtant jamais vu aussi convaincant dans la passion, les doutes et la roublardise.
Les fans de Woody Allen seront ravis de découvrir qu’il n’a rien perdu de son allant avec les ans, mais ses détracteurs ne seront pas convaincus par une comédie sentimentale amère très classique pour lui.
--> Café Society. Comédie. Réalisé par Woody Allen. Avec Kristen Stewart, Jesse Eisenberg, Blake Lively, Steve Carell. Durée 1 h 36.
Alice de retour vers le futur

Une suite, plutôt foutraque, d’ Alice au Pays des Merveilles
RÉSUMÉ
Alice n’est plus une gamine, ni même une jeune fille; c’est une jeune femme accomplie. Après trois années passées sur les mers de Chine à la barre du vaisseau de son défunt père, elle revient à Londres, où elle doit faire face à l’avidité de ses créanciers. Son échappatoire à la difficulté du monde réel, elle va la trouver en basculant de l’autre côté du miroir.
De retour au Pays des Merveilles, elle retrouve tous ses amis, qui la supplient de venir en aide au Chapelier, plus fou que jamais à l’idée de retrouver sa famille, que tout le monde pense pourtant morte. Pour la ressusciter, Alice va devoir défier le Temps, et lui voler sa Chronosphère. Laquelle lui permettra de remonter dans le passé pour épargner les parents du Chapelier de l’attaque du monstrueux Jabberwocky…
NOTRE AVIS
De l’autre côté du miroir est une suite fidèle d’Alice au Pays des Merveilles. Le film de Tim Burton en 2010, pas le roman de Lewis Carroll publié en 1871. Burton (qui se contente ici du rôle de producteur) avait en effet déjà largement puisé dans le second volet des aventures d’Alice pour son film. À part le Jabberwocky, un clin d’œil au jeu d’échecs, des apparitions de Humpty Dumpty et de Tweedledum et Tweedledee, cette production Disney se détourne en effet complètement de l’œuvre originale.
Confiée à la scénariste Linda Woolverton, déjà derrière le premier Alice mais aussi le récent Maléfique, le scénario se présente comme une suite très commerciale, qui permet de retrouver Alice (Mia Wasikowska, cette fois vraiment trop âgée pour le rôle), le Chapelier (Johnny Depp, plus que jamais en roue libre), les Reines Rouge (Helena Bonham Carter) et Blanche (Anne Hathaway)… Seul nouveau venu, Sacha Baron Cohen, savoureux dans le rôle du Temps, avec sa horde de petits mécanismes tout droit sortis de Star Wars, voire de Transformers…
On est loin ici de l’inventivité foisonnante de Lewis Carroll, véritable surréaliste avant l’heure. Formaté pour le grand public international, De l’autre côté du miroir se résume à un film d’aventures assez convenu - empruntant son ressort éculé à Retour vers le futur - et à la 3D superflue. À nouveau assez sombre et très kitsch esthétiquement, cette suite ne transige pas à la nouvelle règle de Disney : donner sa chance même au méchant. Ainsi, découvrira-t-on comment, et surtout pourquoi, la Reine de Cœur est devenue totalement folle et pourquoi sa tête est aussi proéminente…
-> De l’autre côté du miroir. Fantaisie. Réalisé par James Bobin. Avec Mia Wasikowska, Johnny Depp, Anne Hathaway, Helena Bonham Carter, Sacha Baron Cohen. Durée 1 h 48
Elle

Le film le plus choquant du Festival de Cannes
RÉSUMÉ
Viols en série. La première scène débute par le viol extrêmement brutal de Michèle (Isabelle Hupert) à son domicile. Au lieu de porter plainte, elle se contente de nettoyer sa maison et d’annoncer à ses amis ce qui lui est arrivé comme s’il s’agissait d’un incident banal. Pire : après un deuxième viol, elle démasque son agresseur mais continue d’entretenir avec lui des relations dénuées d’agressivité ou de rancœur.
NOTRE AVIS
Écœurant. Paul Verhoeven aime mêler sexe et thriller (Basic instinct, Showgirls, Hollow Man). Le voir adapter le roman de Philippe Djian, Oh…, ne surprend donc pas. Mais cinq scènes de viol en 2 h 10, c’est au-delà du soutenable et de l’écœurement. La désinvolture de l’héroïne choque aussi, les agressions et abus violents étant ici assimilés à un simple jeu sexuel entre adultes (sous-entendu consentants). Alors oui, Isabelle Huppert est parfaite pour incarner une femme sans émotion ni ressenti; oui, Paul Verhoeven sait instaurer un climat malsain, mais le suspense ne tient pas la route (on devine tout de suite qui est l’agresseur), Laurent Lafitte en fait des tonnes et le sujet révulse tellement qu’on a qu’une seule envie : quitter la salle.
-> Elle. Drame. Réalisé par PAUL VERHOEVEN. Avec ISABELLE HUPPERT, LAURENT LAFITTE, VIRGINIE EFIRA, ANNE CONSIGNY. Durée 2 h 10.