Sorties ciné de la semaine: Jeremy Renner dans le thriller psychologique Wind River
Publié le 19-09-2017 à 18h20 - Mis à jour le 19-09-2017 à 18h31
À 46 ans, Jeremy Renner regrette parfois d’avoir opté pour Hollywood plutôt que de mener une vie simple, comme dans Wind River. Œil de Faucon dont l’agilité arc à la main ferait passer Robin des Bois pour un amateur de lance-pierres pour le compte des Avengers, successeur désigné de Matt Damon dans The Bourne Legacy et de Tom Cruise dans la saga Mission : Impossible , Jeremy Renner renoue, dans Wind River , avec le thriller psychologique qui tire sa force du contexte, genre dans lequel il avait explosé grâce à Démineurs de Kathryn Bigelow. Peut-être parce qu’à 46 ans, la pression hollywoodienne commence à peser lourd sur ses épaules.
"Je peux m’identifier, comme plein de personnes, à la vie dans un coin perdu. J’ai vécu en Californie dans une petite communauté. Je pense que nous sommes tous le produit de l’endroit où nous avons grandi. Et on en accepte les limites que vous impose l’environnement. On essaie parfois d’y échapper, en prenant un van par exemple, ou bien vous restez sur place si vous n’avez pas le courage de partir. Et cela se retrouve dans ce film Moi, ce n’est pas le courage qui m’a poussé à partir. C’était le désir, le besoin d’explorer. Parfois, je suis jaloux de ceux qui sont restés à Modesto, en Californie. Je suis retourné aux réunions des anciens du collège 10 ans, 15 ans et 20 ans après ma sortie. Durant cette période, mon statut d’acteur a beaucoup évolué. Au début, je faisais des pubs, puis je suis devenu une big star. Et pourtant, j’envie toujours ceux qui ont fait ce que je voudrais faire maintenant, à savoir être un père présent à la maison. Tout ce qui concerne l’architecture, le design d’une maison, me passionne. Je ne dis pas que je suis bon, mais j’aime ça. C’est comme pour les films : on construit une maison pour la laisser en héritage. Contrairement à la comédie, c’est quelque chose de tangible, qu’on peut toucher, sentir."
Comment vous êtes-vous connecté à ce personnage ?
"Tout d’abord, je suis père. Et c’est le véritable moteur de ce personnage. Mon expérience familiale, je l’ai donc projetée sur lui tout en l’endossant. Mais j’ai surtout suivi les instructions de Taylor Sheridan, qui possède une vision très intéressante de l’histoire et de la manière de la chorégraphier. Au bout de quelques scènes, dans la neige, j’ai commencé à ressentir le rôle et trouver la vérité du personnage. Je suis devenu comme un seau d’eau qui fuit lentement. J’ai dû me mettre à courir parce que je n’arrivais pas à contenir mes émotions. Ce type est beaucoup plus dur que je ne l’imaginais au début."
Ce fut un rôle difficile ?
"J’ai connu la mort dans un berceau et d’autres choses comme ça dans ma famille. Quand tu vois un enfant de six mois décédé, ce n’est pas facile. Ou bien tu fuis, ou bien tu affrontes les événements. Quand on a subi une perte, il n’y a pas de bonne ou de mauvaise manière de le gérer. Deux de mes proches ont perdu un mari, un père et un enfant la même année : ma grand-mère et mon coach de comédie. Aussi forts et imperturbables fussent-ils, la mort d’un enfant fut l’événement qui leur a fait perdre la tête. Je ne peux pas dire que je comprends totalement cette expérience, mais vous savez, une perte est une perte et à la fin, on ne sait pas comment faire. C’était donc intéressant de voir comment mon personnage gère cela, comment il se met au service d’autres personnes alors qu’il tente toujours de contenir sa propre peine. Moi, je viens de la même école que lui, celle où on ne pleure pas. Ce n’est pas acceptable. Je réalise à quel point c’est stupide, mais ce qui m’intéressait, c’était le combat intérieur qui le ravage."
La culture indienne tient un rôle capital dans le film…
"Je pense qu’on devrait la célébrer. C’est une culture qui les soutient depuis si longtemps. Il faut la chérir et non tenter d’en tirer profit sous prétexte qu’on voudrait faire passer un pipeline à travers leur territoire. J’ai rencontré quelques membres de tribus. Leur éducation est merveilleuse. C’est une bénédiction d’apprendre leur culture."
Notre avis : Bien
Wind River : le scénariste de Sicario passe derrière la caméra avec un succès mitigé.
Au service de la protection de la nature du Wyoming, tel un sniper des neiges, Cory Lambert passe ses journées seul à piéger des loups qu’il abat à distance. C’est ainsi qu’il découvre le cadavre d’une femme, pieds nus, à plusieurs kilomètres de toute habitation, en pleine réserve indienne. Une mort mystérieuse pour laquelle le FBI envoie Jane Banner, une jeune femme intelligente mais sans aucune expérience du terrain.
Notre avis Après avoir signé les scénarios de Sicario et de Hell or High Water , Taylor Sheridan signe sa deuxième réalisation (après Vile, passé inaperçu en 2011). Un événement tant sa maîtrise dans l’art du thriller glaçant dans un contexte social très riche avait fait mouche à l’écriture. Et une petite déception à l’arrivée.
Sans doute trop occupé par l’aspect esthétique de son œuvre, il accorde toute son attention aux décors (splendides), à la description des conditions de vie déshumanisantes des Indiens parqués dans des réserves, au côté cow-boy solitaire du héros que le destin a rendu particulièrement dur (la mort de sa fille) ou au contraste avec sa partenaire qui applique les règlements parfois en dépit du bon sens. Et il en oublie l’essentiel : le suspense.
Autant tout ce qui l’entoure se révèle fascinant, original, intéressant, subtil, autant l’enquête verse dans les développements archiprévisibles, les coups de théâtre caricaturaux, les fusillades de séries télévisées et les jeux de pistes un peu trop simples. Une balourdise surprenante, heureusement bien rattrapée par un final terriblement cruel mais cohérent.
Wind River fascine donc par son contexte foisonnant jamais pesant et déçoit un peu par son intrigue trop appuyée. Ce thriller enneigé mérite donc plutôt de se faire une petite place au soleil dans le cœur des amateurs de polars intelligents.
Les Proies
Les proies Western féminin Faire l’amour ou la guerre ?
Durant la guerre de Sécession, un soldat nordiste blessé est recueilli dans un orphelinat de jeunes filles quasiment à l’abandon, en territoire sudiste. La règle est claire : il suffit de nouer un foulard sur la grille et les hommes du général Lee viendront s’emparer de l’ennemi. Mais leurs valeurs humanitaires s’y opposent. Et puis, le jeune homme ne manque pas de charme…
Notre avis
Vous avez le sentiment d’avoir déjà vu ce film ? Normal, Don Siegel a tourné Les proies avec Clint Eastwood en 1971. Mais entre les deux versions, il y a une différence gigantesque : cette fois, c’est le point de vue féminin qui prime. Et on ne sait plus trop bien qui sont vraiment les proies : les femmes, de tout âge, manipulées par le séducteur ou le blessé sur lequel chacune des pensionnaires projette ses fantasmes ? Derrière la civilité et l’angélisme de circonstance, Sofia Coppola distille un parfum à la fois vénéneux et sensuel, qui pousse de plus en plus les protagonistes à agir avec leurs tripes. Autour de cet homme, la petite communauté se déchire progressivement, de jalousies en petits mots doux, jusqu’à un dénouement qui fera le bonheur des psychanalystes freudiens. Comme souvent dans les films de Sofia Coppola, les apparences sont trompeuses et les vérités qu’elles cachent assez destructrices. Kirsten Dunst (parfaite en institutrice qui ne veut pas laisser passer sa dernière chance de ne pas finir vieille fille) et Elle Fanning (aussi naïve qu’insolente) sont habituées à ce jeu de faux-semblants de Coppola, et pourtant, elles se font voler la vedette par une Nicole Kidman magnifique, déchirée entre son rôle de modèle et ce soldat qui fait tout pour lui plaire. Elle se maintient brillamment sur le fil du rasoir, sans laisser deviner de quel côté elle finira peut-être par tomber. Et au final, on se demande si faire l’amour ou la guerre, c’est vraiment si différent que ça. Pour les cinéphiles, c’est un must. Les autres risquent de trouver ça un peu trop lent..
Mon garçon

Mon fils ma bataille
Julien (Guillaume Canet) reçoit de son ex-femme (Mélanie Laurent) le coup de téléphone qu’aucun parent ne devrait recevoir : "Je ne sais pas si tu es en France mais rappelle-moi vite. Il est arrivé quelque chose à Mathys." Il débarque dare-dare dans la colonie de vacances. Sous le tipi, ses affaires sont là mais pas le petit garçon… Estimant que la police ne travaille pas assez vite, Julien décide de mener lui-même l’enquête.
Notre avis
Abandonnant les reconstitutions historiques bienveillantes (Joyeux Noël, En mai, fais ce qu’il te plaît), Christian Carion retrouve l’univers du polar qu’il avait déjà tâté dans L’affaire Farewell. Passée l’intro plutôt réussie - où l’on partage l’inquiétude et la tension de parents ne sachant pas ce qu’il est arrivé à leur enfant, avec une Mélanie Laurent très touchante -, Guillaume Canet est de tous les plans, campant avec gravité ce père justicier aux méthodes peu orthodoxes. La question de ce qu’un parent est capable de faire pour sauver son enfant est intéressante. Mais le cinéaste ne la pose pas réellement. Il se contente d’un récit très écrit, trop mécanique dans ses enchaînements. Surtout, Carion ne peut s’empêcher de rester le gentil qu’il est. Toujours conciliant avec son héros, il n’émet jamais le moindre doute sur ses actes, même quand celui-ci passe les bornes. Pas plus qu’il ne creuse réellement la personnalité de ce père resté trop longtemps absent et qui tente de se rattraper. Peu intéressant en tant que héros, bien trop lisse en tant qu’antihéros, le personnage manque de complexité pour porter un récit aussi noir que celui-là. Même si, côté mise en scène, Carion fait le job dans un genre où on ne l’attendait pas.