Guillaume Canet mort de trouille avant la sortie du film événement : “Je trouvais drôle qu’Angèle fasse une crise de jalousie à Obélix”
À quelques jours de la sortie d'Astérix et Obélix, l'Empire du Milieu, le 1er février, il se dit “mort de trouille”. “Notre grande qualité, c’est notre inconscience. Je suis Bélier, donc je fonce, puis je réfléchis après.”
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Publié le 28-01-2023 à 15h01
La moustache et le casque ailé ont disparu, mais pas le stress. Que le ciel lui tombe sur la tête, voilà la crainte de Guillaume Canet, à quelques jours de la sortie de sa huitième réalisation, Astérix et Obélix, l’Empire du Milieu. Les sesterces ont largement remplacé la soupe à l’oignon dans le chaudron (65 millions d’euros), tout le cinéma français attend un défilé triomphal après une année 2022 décevante, et le banquet final se doit d’être gargantuesque, dans la lignée d’Astérix et Obélix contre César (8,9 millions d’entrées), Mission Cléopâtre (14,5 millions), Aux Jeux Olympiques (6,8 millions) et Au service de Sa Majesté (3,8 millions). “Je suis mort de trouille”, confie d’ailleurs lors de son passage à Bruxelles le cinéaste qui fêtera ses 50 ans le 10 avril, par ailleurs interprète du petit Gaulois rusé aux côtés de son ami déguisé en Obélix, Gilles Lellouche.
”Notre grande qualité, c’est notre inconscience. Je suis Bélier, donc je fonce, puis je réfléchis après. Au départ, je ne devais pas incarner Astérix, mais César. Quand Gilles est arrivé sur le projet, ce n’était pas certain que je serais Astérix. L’envie n’était donc pas de prendre les deux potes, cela aurait été bien simple même si on s’est rendu compte dès les premières répétitions que ce ne le serait pas du tout, et qu’il allait y avoir beaucoup de boulot pour trouver les personnages. Ils ne sont pas si évidents que ça. C’était une catastrophe. J’essayais de faire du sous-Clavier, pas bien, Gilles, je ne sais pas s’il essayait de faire Depardieu, mais on n’était pas dedans. On a donc travaillé avec un coach pendant un mois et demi, chacun de notre côté, et quand on s’est retrouvé, c’était fou de voir le travail. La tâche pour Gilles était très difficile, mais il a amplement réussi à faire vivre Obélix au-delà de Gérard Depardieu qui avait quand même “tué le game” au départ et était extraordinaire.”

Les costumes aident beaucoup dans ce cas-là ?
”Je ne voulais pas que les costumes et les décors fassent BD, mais soient ceux de films d’aventures. On devait y croire. Tous ceux des Gaulois, par exemple, étaient teints avec des pigments anciens et faits à la main. Pour l’armée chinoise, c’étaient des dés de cuir cousus à la main. C’était un travail astronomique, dingue. Il y avait l’envie d’être dans le réalisme, même si le pantalon bleu et blanc d’Obélix est très ancré dans la BD. Il fallait que cela s’intègre dans le film, que cela reste crédible. Puisque ce n’est pas un film d’animation, du point de vue artistique, je suis parti du principe qu’on devait croire au décor et tout ça, avec le côté grandiose, tout en restant fidèle à la BD.”
Astérix pleure, se trouve nul : ce n’est plus tout à fait le petit finaud des albums…
”Par moments, il se sent aussi en faiblesse dans la BD. Aujourd’hui, le monde a changé et les hommes se posent des questions. Goscinny retranscrivait à chaque fois l’actualité dans ce village. Cela nous faisait marrer de voir les Gaulois vivre des grèves ou des faits de société. Je trouvais amusant qu’Astérix se demande si la potion magique est vraiment bonne pour la santé. Il n’a plus le côté bon vivant qu’il pouvait partager avec son pote. C’est un peu le thème de la société actuelle de se poser des questions sur l’hygiène de vie, d’être un peu moins bon vivant, de faire attention à sa santé, à ce qu’on mange. C’est aussi une manière de le rendre assez touchant.”
Les femmes, elles, n’ont pas besoin de potion magique pour se battre…
”Elles ont le kung-fu. C’est un clin d’œil à Karaté Kid quand Tat Han apprend à la princesse à se battre. Les femmes ont toujours été très fortes dans les albums. Bonemine est toujours derrière le chef Abraracourcix. C’est elle qui décide de tout. Cléopâtre a toujours été une femme forte. Cela m’amusait d’appuyer un peu le trait.”

C’était un défi de faire un film familial avec de l’humour multigénérationnel ?
”J’avais très envie de cet équilibre, à l’écriture, et après, ce que je n’avais jamais fait pour mes autres films, on a organisé une projo-test avec 500-600 personnes. Ils ne savent pas ce qu’ils vont voir, et on leur pose une multitude de questions et ils notent ce qu’ils aiment ou pas, et pourquoi. À la fin, on a un dossier de 80 pages avec des schémas, des pourcentages. Je l’ai étudié pour voir tout ce qui était négatif. C’est là que j’ai trouvé intéressants les équilibres, de voir que les enfants aimaient certaines choses et qu’il n’y en avait pas assez. Les adultes n’aiment pas d’autres choses, et il y en avait trop.”
Lesquelles, par exemple ?
”Les adultes trouvaient qu’il y avait trop de disputes entre Astérix et Obélix. Il y en avait plus, et cela devenait redondant. Arrivé à la scène de l’acupuncteur, elles n’avaient plus la même force. En gommant les prises de bec du début, la scène de l’acupuncteur prend plus de force et cela explose. J’ai enlevé l’engueulade dès la première scène dans la forêt, par exemple. On n’a pas envie de partir en vacances avec deux mecs qui se crient dessus dès le début du film (rire). C’étaient des détails, très intéressants. On a eu un taux de 97 % de recommandation chez les enfants, ce qui est historique. Pathé n’avait jamais vu ça. C’était hyper gratifiant : les enfants adorent le film, c’est très positif aussi chez les adultes avec 86 %.”
Vous rendez hommage à plein de films, comme La chèvre, 100 000 dollars au soleil, Dirty Dancing, Tigre et dragon…
”J’adorais l’idée de lier le souvenir enfantin de la BD à une certaine nostalgie du cinéma que j’aimais. C’était une belle manière d’accompagner le film. Quelqu’un m’a dit qu’à partir du moment où il a vu la scène de La chèvre, avec Pierre Richard qui s’enfonce dans les sables mouvants, avec Gilles qui joue Obélix derrière Gérard Depardieu, il était entré immédiatement en enfance. C’est le plus beau des compliments.”

Comment avez-vous convaincu Angèle et Zlatan Ibrahimovic de se joindre au casting ?
”Bizarrement, je n’ai pas eu à les convaincre. Angèle a été partante très rapidement quand je lui en ai parlé : elle trouvait ça amusant. Elle était séduite et heureuse que je lui propose. Il y avait une histoire de planing mais ça c’est fait rapidement. Je trouvais drôle de faire un petit clin d’œil, et j’ai écrit une scène où elle fait une crise de jalousie à Obélix. Là, j’ai eu un petit souci. Hachette ne voulait pas de cette séquence : Falbala est amoureuse de Tragicomix et ne pouvait donc pas faire une crise de jalousie à Obélix. Mais on peut être amoureux de quelqu’un et ne pas apprécier qu’un autre ne vous aime plus. Moi, j’adore cette scène. Zlatan était aussi hyper enthousiaste. Il m’a juste demandé comment c’était possible que César joue le bras droit de César (rire). Il est extraordinaire. Il n’est pas du tout le personnage que vous voyez. J’ai dîné avec lui au restaurant à Milan, où il n’y a pas une seule personne, même dans la cuisine, qui ne s’est pas levée pour lui demander un autographe. Il était hyper gentil, puis il faisait du Zlatan pour les autographes, avant de redevenir extrêmement touchant. Il m’a raconté : 'J’ai créé ce personnage quand j’étais ado, et quand je rentrais sur un terrain, il fallait que je me convainque que j’étais le meilleur joueur au monde.' Il l’a développé, c’est ce qui l’a rendu célèbre, et il joue avec ça. Quand il a quitté Los Angeles, après avoir tout gagné avec le club, il a fait une photo de lui sur la colline avec le stade, et dit : 'Vous vouliez Zlatan, je vous ai offert Zlatan, maintenant vous pouvez retourner regarder du base-ball !' Genre, il n’y a plus de foot maintenant aux États-Unis (rire)”.

Qui fut le plus difficile à Caster ?
”Titanix. Je voyais le capitaine Igloo, donc Berléand ou quelqu’un comme ça, mais ce n’était pas clair. Comme Titanix est à totalement à l’Ouest, il ne sait pas où il va, j’ai pensé à quelqu’un d’un peu 'fly”, et c’est comme ça que j’ai proposé le rôle à Orelsan.”
Comment avez-vous fait pour les différences de tailles, visibles à l’écran et pas à la ville ?
”C’est la magie du cinéma. Avec des décors en pente, des pompes plus hautes pour Gilles, des cadrages différents. Je jouais beaucoup enfoncé, parce qu’Astérix a les jambes arquées, donc je jouais avec les jambes ouvertes pour me baisser un peu plus. C’était un vrai souci pendant le tournage. Je l’ai oublié pour certaines séquences, où on est à peu près à la même hauteur. Quand je les vois, ça me fait tiquer : c’est rapide, mais on n’a pas fait suffisamment attention.”
Votre référence préférée ?
”Je suis fan des Douze travaux d’Astérix, avec son côté absurde, décalé, comme quand ils entrent dans une caverne et arrivent dans la station de métro Alésia.”
Quelle est la ligne rouge à ne pas franchir au niveau des anachronismes ?
”La limite était indiquée par Hachette et les ayants droit. À l’écriture, parfois, j’étais un peu parti dans Deux heures moins le quart avant Jésus-Christ, cela allait un peu trop loin. On m’a dit que ce n’était pas l’humour. Au départ, c’était une contrainte de les avoir tout le temps sur le dos, en train de vérifier chaque scène, mais en même temps, c’est plutôt génial car on est vraiment dans l’ADN et les codes d’Astérix. Et ça, c’est grâce à leur aide précieuse et précise. Pour le langage, par exemple, il ne faut pas être trop grossier. J’ai revu récemment une vidéo de moi dans le bureau d’Albert Uderzo, en train de lui lire une des premières versions. J’étais sur un canapé en cuir, en t-shirt, en nage. C’était magique de le voir avec ses yeux d’enfant, écouter et se marrer. Je lui ai fait la promesse de respecter l’univers d’Astérix.”
A chacun de décider, maintenant, si elle est tenue et si Astérix et Obélix, l'Empire du Milieu mérite les lauriers de César.
