Bouli Lanners envisage d’arrêter la réalisation : “Je suis Taureau, je réfléchis longtemps avant de prendre une décision, mais ensuite je m’y tiens”
Rencontre en coulisses avec le grand triomphateur des Magritte, mais aussi avec Emilie Dequenne, en route pour les Oscars avec Close.
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Publié le 05-03-2023 à 15h07 - Mis à jour le 05-03-2023 à 15h22
Sur la scène des César, voici une semaine, Bouli Lanners avait fait sensation avec son désormais célébrissime “Putain, je viens de Liège quand même !” (”Ce n’est pas une marque déposée, vous pouvez en faire ce que vous voulez”, lâche-t-il en riant). Ce week-end, sur celle des Magritte, il a de nouveau retenu toute l’attention. Après Les géants en 2012 et Les premiers les derniers en 2017, il réalise pour la troisième fois de suite le doublé film-réalisation lors de la fête du cinéma belge avec Nobody Has to Know. Un exploit d’autant plus incroyable qu’il y ajoute, en prime, le prix d’interprétation pour La nuit du 12 de Dominik Moll.
”C’est complètement dingue, reconnaît-il en coulisses. Le monde a beaucoup changé sur cette période et on est toujours en course. Mais aujourd’hui, je me classe parmi les vieux, et il est temps de laisser la place aux jeunes. Cela fait 25 ans que je fais de la réalisation, c’était une période merveilleuse, mais j’ai l’impression que tout ça forme un cycle.”
Autrement dit, il pourrait lâcher la caméra. “Peut-être”, répond-il. Mais le reste de son discours semble dire “oui”. “Je suis Taureau, je réfléchis longtemps avant de prendre une décision, mais ensuite, je m’y tiens.”
Son plaisir, désormais, se situe plutôt du côté du jeu. “C’est une grande fierté de remporter ce Magritte du meilleur acteur pour La nuit du 12. C’est très rare de travailler dans une telle symbiose artistique et humaine. Surtout pour un film qui traite d’un aussi beau sujet de société. Mais c’est un prix collectif. On peut rarement briller dans une mauvaise histoire…”
Un raisonnement déjà tenu sur scène lors de la remise du Magritte de la réalisation qu’il voudrait “couper en tranches” pour remercier toute l’équipe. En coulisses, bière à la main et sourire en coin, fort de ses neuf trophées au total (il avait aussi été sacré meilleur acteur dans un rôle secondaire pour De rouille et d’os en 2013 et meilleur acteur pour C’est ça l’amour en 2020), une autre option se présentait à lui : “Ouvrir un bowling avec tous les Magritte ? Ça, c’est une idée !”
Emilie Dequenne: "Il y a moins de pression en Belgique"
Un sens de l’humour et de la simplicité que partage Emilie Dequenne, meilleur rôle secondaire féminin pour Close, le film le plus “Magrettisé” de la soirée avec sept récompenses. “Je ne suis pas fan des prix, mais quand j’étais petite, cela me faisait rêver, explique-t-elle. Si les Magritte avaient existé à ce moment-là, cela m’aurait encore plus incitée à poursuivre mon rêve. Cela fait 20 ans que je vis à Paris, mais quand on dit que je suis française, je le corrige immédiatement. Je me sens totalement belge. On dit toujours qu’on n’est pas prophète en son pays, mais je l’aime et je sens en retour l’amour du public : il y a donc moins de pression ici.”
Et dans quelques jours, c’est à Los Angeles qu’elle défendra nos couleurs. “Je pars vendredi. C’est une chance inouïe de pouvoir participer aux Oscars pour Close. Sans doute pas à côté de Lukas Dhont, mais quelque part dans la salle quand même. C’est un rêve. Et même plus que ça. Comme un prix d’interprétation à Cannes ou une Palme d’or, on n’ose pas y penser. J’espère vraiment que Close décrochera l’Oscar du film étranger : il le mérite, tant c’est beau, juste, touchant.”
Elle croise les doigts et part en souriant, des rêves hollywoodiens plein la tête.
Le grand show de Patrick Ridremont
Présentateur de la 12e cérémonie des Magritte, Patrick Ridremont a multiplié les audaces et les vannes pour tenter de dérider une salle assez glaciale. Il a brocardé les organisateurs (“On s’en fout de l’Académie” et “de ses codes”), la RTBF (“C’est un peu chiant ce que je dis, mais c’est le service culture de la RTBF qui produit l’émission”), les producteurs (notamment celui de Close, venu chercher le prix de l’image à la place de Frank Van den Eeden : “Où est Franck ? Il travaille beaucoup ? Et vous ? Vous ne foutez rien… C’est ça être producteur”), les ministres Hadja Lahbib (assise sur le siège de Sandrine Kiberlain : “Vous aimez bien prendre la place des autres après celle de Sophie Wilmès”,puis comparée à Avatar : “Vous êtes une étrange créature bleue”) ou Bénédicte Linard (à qui il a fait jouer le rôle de perchiste preneuse de son avant de faire semblant d’aller l’arroser de Champagne car il rêvait “de faire quelque chose de débile”), les eurodéputés (“Le Qatar est un pays formidable, berceau des droits des hommes”, a-t-il lâché en ouvrant une enveloppe remplie de billets) et s’est moqué de lui-même (en se faisant passer pour Kody pour pouvoir rentrer dans la salle…) entre deux fausses pubs. Un show très drôle, entrecoupé de quelques belles idées : la décomposition d’une séquence en fonction des métiers (“un film sans les professionnels du cinéma, c’est ça : un écran noir”), la mise en musique d’une scène muette de Mr. Nobody pour générer différentes émotions, la prestation musicale de Charles pendant l’hommage aux disparus, ainsi que les larmes d’Agnès Jaoui pour son Magritte d’honneur. Dommage que le public dans la salle n’ait pas eu autant envie que lui de faire la fête.
Le Palmarès des Magritte
Close de Lukas Dhont : 7 prix : film flamand, scénario, rôles secondaires féminin (Emilie Dequenne) et masculin (Igor Van Dessel), espoir masculin (Eden Dambrine), image et décors.
Bouli Lanners : acteur pour La nuit du 12, réalisateur et meilleur film pour Nobody Has to Know.
Virginie Efira : actrice pour Revoir Paris.
Rien à foutre : 3 trophées (premier film, montage et costumes).
Sophie Breyer : espoir féminin pour La ruche.
La nuit du 12 de Dominik Moll : film étranger en coproduction et meilleur acteur.
Rebel : musique.
Agnès Jaoui : Magritte d’honneur.