Brendan Fraser bluffant dans "The Whale": "J’ai ressenti l’obligation de jouer ce rôle"
L’ancienne star de “La Momie” est en lice pour l’oscar, dimanche, pour son rôle dans “The Whale”. Signé Darren Aronofsky, un film malaisant, mais très fort sur l’obésité morbide. À découvrir ce mercredi au cinéma.
Publié le 08-03-2023 à 08h18
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Fin novembre, on avait rendez-vous, virtuellement, avec Brendan Fraser et Sadie Sink, les acteurs de The Whale qui, depuis New York, assuraient la promotion du dernier film de Darren Aronofsky. Une vraie expérience de cinéma, dans laquelle le cinéaste new-yorkais parvient à nous mettre dans la peau d’un homme atteint d’obésité morbide, quasiment incapable de se lever de son canapé. Un film qui provoque le malaise, mais aussi la réflexion…
Si l’acteur américano-canadien paraissait souriant, ravi de faire son retour sur le devant de la scène avec ce rôle difficile, il savait aussi se faire grave à propos du sujet du film. Brendan Fraser met ainsi en avant son travail avec la plateforme en ligne Obesity Action Coalition, histoire de contrer les réactions outrées de certaines personnes obèses aux États-Unis, qui ne se sont pas reconnues dans le portrait qui est fait de leur maladie.
Au-delà des préjugés
“Il faut comprendre que ce film et son propos, dès le titre (“la baleine” en français, NdlR) consistent à nommer ce préjugé qu’on plaque sur les gens qui souffrent d’obésité, commente l’acteur. Le titre n’est pas une blague pour se moquer d’eux, c’est une référence au roman de Melville Moby Dick. Ces gens qui vivent avec l’obésité comme Charlie existent. Ils restent cachés derrière les portes closes d’un deux-pièces, quelque part en Idaho ou ailleurs. On ne sait pas grand-chose d’eux, pour une raison pratique : leur mobilité est réduite. On doit tous manger… Ce dont ils ont besoin leur est apporté par des membres de la famille ou des travailleurs sociaux, avec lesquels se lie une relation embarrassante. Car ceux-ci les encouragent d’une certaine façon dans leurs comportements dysfonctionnels…”
Ce que décrit Fraser, c’est la situation que l’on peut voir à l’écran. Mais The Whale va beaucoup plus loin, en perçant la personnalité de ce héros atypique. “Au-delà des défis quotidiens avec lesquels il doit vivre, Charlie est par-dessus tout un homme qui ressent des choses. Il a eu une vie. Il est tombé follement amoureux d’un autre homme, ce qui a fait exploser sa structure familiale. Il a ensuite négligé sa fille… Quel que soit son poids, il n’est différent de personne… Sachant cela, j’ai ressenti l’obligation de jouer ce rôle. Au-delà dit maquillage, des costumes, nécessaires à l’authenticité au récit, il s’agit de défier les préjugés de gens qui pourraient voir Charlie comme un monstre, le regarder de haut. Notre espoir, c’est de faire changer la façon dont on voit et on ressent ceux qui vivent avec cette maladie. Je me sens donc une obligation morale de présenter ce personnage avec dignité”, explique l’acteur.
Je n’ai jamais été très loin, mais je suis heureux d’être de retour...
Une expérience physique
Pour faire exister Charlie à l’écran, cette masse de 250 kilos, Brendan Fraser a notamment travaillé avec Adrien Morot, créateur des prothèses qui a permis à l’acteur de ressentir, physiquement, ce que cela représente de vivre dans un tel corps. “Au moment des répétitions, Darren m’avait envoyé une boîte remplie de poids à accrocher à la veste, à la ceinture, aux chevilles… J’ai essayé de les porter une heure ou deux, en marchant dans la maison. Cela m’a mis en condition, pas vraiment pour faire de la gym, mais pour me faire ressentir comment mon dos, mes os se comportaient. J’ai aussi travaillé avec une coordinatrice de mouvements, une ancienne danseuse, rien que pour trouver comment Charlie se lève de son fauteuil, ce qui constitue pour lui un effort herculéen pour lui. C’était très important, car c’est un point capital de l’intrigue, qui mène au climax émotionnel du film. Oui, c’était compliqué de porter ces prothèses toute la journée. Cela prenait des heures d’y entrer et d’en sortir. Mais cela m’a vraiment permis de comprendre ce que cela signifie de vivre avec l’obésité. Le dernier jour de tournage, quand on m’a enlevé tout cet appareillage, j’étais profondément affecté. Parce que je sais ce que cela signifie de ne pas pouvoir se déplacer. Sauf que moi, je suis un acteur et je peux enlever tout cela… C’est intéressant, car cette sensation physique est restée avec moi. Je ressens parfois une sorte de vertige, comme si ce poids était encore là”, confie le comédien, visiblement toujours ému.

Un retour remarqué
Darren Aronofsky explique avoir cherché pendant 10 ans le bon acteur pour The Whale, avant de finalement tomber sur Brendan Fraser que, comme beaucoup de monde à Hollywood, le réalisateur avait perdu de vue… Comme pour Mickey Rourke avec The Wrestler (qui avait décroché le Lion d’or à Venise en 2008), le cinéaste offre à l’ex-star de La Momie un come-back remarqué avec The Wale, salué par une nomination à l’oscar du meilleur acteur. “Charlie est un personnage qui n’a jamais été représenté de façon aussi authentique à l’écran, je savais donc que cela allait attirer l’attention, commente Fraser. Ce rôle était une façon pour moi de frapper à la porte et de dire : ‘Toc toc je n’étais pas loin, me revoilà…’ Et en plus cela vient de Darren, un grand réalisateur art et essai… C’est un film qui va défier son public, l’obliger à se poser des questions morales. Et je sais que les spectateurs seront différents en sortant de la salle que quand ils y sont entrés. Je n’ai jamais été très loin, mais je suis heureux d’être de retour…”

À savoir
Star des années 2000 grâce au succès des films La Momie, désormais considérés comme des classiques du film d’aventures, Brendan Fraser s’était fait plus rare au cinéma ces dernières années. Souffrant physiquement des suites de certaines cascades dans ses films, l’acteur canadien n’a quasiment rien tourné entre 2014 et 2020. Avant de faire un retour remarqué en septembre 2022 à la Mostra de Venise dans The Whale , d'après la pièce de Samuel Hunter, où il incarne Charlie, un professeur d’université de 250 kg tentant, au seuil de la mort, de renouer avec sa fille, campée par l’excellente Sadie Sink, l’une des jeunes stars de la série Stranger Things. Un rôle très fort qui vaut au comédien américano-canadien sa première nomination à l’oscar, qu’il décrochera peut-être dans la nuit de dimanche à lundi.
Brendan Fraser est également à l’affiche de No Sudden Move de Steven Soderbergh (sorti directement en VOD) et on pourra bientôt le voir dans Killers of the Flower Moon, le nouveau film de Martin Scorsese, prévu sur AppleTV +. Tandis qu’on aurait dû le voir en Firefly, un ennemi de Batman, dans Batgirl des Flamands Adil El Arbi et Bilall Fallah, un film tourné mais mis au placard par la Warner.