Oscars 2023 : Michelle Yeoh et “Everything Everywhere All at Once” triomphent
La comédie fantastique de Daniel Scheinert et Daniel Kwan décroche six statuettes. Netflix en gagne six autres. Belgium : 0 point.
Publié le 13-03-2023 à 06h23 - Mis à jour le 13-03-2023 à 09h46
Était-ce un clin d’œil à la défunte Elisabeth II – très prisée du cinéma – ou une métaphore du saut dans le vide d’une cérémonie des oscars qui jouait gros ? Jimmy Kimmel, présentateur de la 95e édition s’est mis en scène éjecté d’un avion de Top Gun avant d’arriver sur la scène du Dolby Theatre, alors que deux avions de chasse ont survolé Hollywood Boulevard.
L’an dernier, dans un premier réflexe désespéré, l’Académie avait tenté de contenir l’impact médiatique de la Gifle de Will Smith. En vain. Jimmy Kimmel a d’emblée pointé l’éléphant dans la salle – il y fera allusion plusieurs fois : “Si quelqu’un dans ce théâtre commet un acte de violence à un moment quelconque de ce spectacle, vous recevrez l’Oscar du meilleur acteur et serez autorisé à prononcer un discours de 19 minutes. […] Si quelque chose d’imprévisible ou de violent se produit pendant la cérémonie, faites simplement ce que vous avez fait l’année dernière. Rien.”
La cérémonie n’a pas gagné en rapidité, avec ses inévitables “tunnels” d’oscars techniques entre les récompenses emblématiques et les pauses chantées. Kimmel s’est fendu des blagues classiques sur le sujet : “Je sais que nous avons perdu une heure à cause du passage à l’heure d’été [la nuit dernière aux États-Unis], mais j’ai parlé aux producteurs et bonne nouvelle, nous avons ajouté cette heure à l’émission.”
La soirée, très polissée, n’a réservé ni controverse, ni réelle surprise, que ce soit sur scène ou dans le contenu des enveloppes scellées. À une exception majeure prête : presque tout le monde s’attendait à un troisième oscar pour Cate Blanchett et sa performance magistrale dans Tár de Todd Field.
Mesdames, ne laissez personne dire que vous n’êtes plus assez fraîche.
Mais Michelle Yeoh l’a coiffée au poteau, alliant action, drame, émotion et comédie dans Everything Everywhere All at Once. Elle devient la première lauréate asiatique de la catégorie. “Merci pour tous les petits garçons et filles qui me ressemblent et qui sont en train de regarder ce soir, a-t-elle précisé . C’est un signal d’espoir et de possibilités. C’est la preuve que les rêves peuvent être grands et que les rêves se réalisent. Et mesdames, ne laissez personne dire que vous n’êtes plus assez fraîche.”
Dans la foulée, Everything Everywhere All at Once a clôturé la soirée en beauté en recevant l’oscar majeur, celui du meilleur film, le sixième de la soirée. Ses réalisateurs, Daniel Scheinert et Daniel Kwan, outre l’oscar de la meilleure réalisation, ont reçu celui du meilleur scénario original. Daniel Scheinert s’est autorisé une des très rares saillies de la soirée, en saluant ses parents : “Merci de ne pas avoir écrasé ma créativité quand je faisais des films d’horreur vraiment dérangeants ou que je m’habillais en drag queen quand j’étais gamin, ce qui n’est une menace pour personne”, allusion à la polémique en cours aux États-Unis sur le sujet.

Outre le montage, leur film truste trois des quatre oscars d’interprétation. Celui de Ke Huy Quan (meilleur second rôle masculin) était attendu. Le sympathique acteur a effectué un come-back comme Hollywood les aime : il a débuté en tant qu’enfant acteur dans Indiana Jones et le Temple Maudit en 1984, et a également joué dans Les Goonies, avant de se cantonner comme cascadeur. En larmes sur scène, l’acteur d’origine vietnamienne (sa famille a fui le pays en 1978, alors qu’il avait 7 ans) a remercié sa mère de 84 ans.
Nous venons de gagner un Oscar ensemble !
Jamie Lee Curtis faisait pour sa part face à la concurrence plus sérieuse d’Angela Bassett (Black Panther : Wakanda Forever) pour l’oscar de la meilleure actrice dans un second rôle. Mais elle a reçu le premier oscar de sa longue carrière, qui a commencé en 1978 dans Halloween de John Carpenter. Elle a remercié ses fans : “A toutes les personnes qui ont soutenu les films de genre que j’ai faits pendant toutes ces années, ces milliers, ces centaines de milliers de personnes. Nous venons de gagner un Oscar ensemble !”
L'actrice s'est aussi adressée à ses défunts parents, Janet Leigh (nommée en 1961 pour son rôle dans Psychose) et Tony Curtis (nommé en 1959 pour son rôle dans La Chaîne) : "A ma mère et à mon père qui ont tous deux été nominés aux Oscars dans différentes catégories : je viens de gagner un Oscar !"
À peu de chose près, le palmarès correspond aux pronostics – en ce compris les lots de consolation pour Top Gun : Maverick (meilleur son) et Avatar : la voie de l’eau (effets spéciaux). Autre relative surprise : on attendait Austin Butler pour l’oscar du meilleur acteur, grâce à son incarnation d’Elvis. C’est Brendan Fraser qui a séduit les membres de l’Académie avec sa métamorphose en The Whale, “un film déstabilisant, dont on se demande par moments s’il est révulsant de cynisme ou bouleversant de sincérité” écrit Hubert Heyrendt dans lalibre.be.
Si la deuxième moitié de la soirée a été, littéralement, Everything Everywhere All at Once, la première fut placée sous la domination de A l’Ouest, rien de nouveau d’Edward Berger. Non content de rafler l’oscar du film étranger à Close de Lukas Dhont, le film allemand a totalisé raflé quatre statuettes (dont photographie, musique originale, décors).
Six fois "merci" à Netflix
Il contribue aussi au succès de Netflix, qui l’a produit. La soirée qui a débuté avec la remise de l’oscar du meilleur film d’animation a ouvert le bal Netflix. Il a été remis, sans surprise, à Guillermo Del Toro pour son Pinocchio. Le réalisateur mexicain a livré un plaidoyer : “L’animation est du cinéma, l’animation n’est pas un genre et l’animation est prête à passer à l’étape suivante.”
Jimmy Kimmel a ouvert la cérémonie en se félicitant que “le monde [soit] enfin sorti de chez lui pour voir les films pour lesquels vous avez travaillé si dur de la façon dont vous vouliez qu’ils soient vus : dans un cinéma”. Ironie : la plateforme au N rouge a été remerciée six fois sur scène (aussi pour le court métrage documentaire The Elephant Whisperers).
Symbole de cet air Netflix du temps, la cérémonie a été marquée par la standing ovation du public sur “Naatu Naatu”, du film Bollywood RRR qui cartonne sur la plateforme. Le titre est devenu, un peu plus tard dans la soirée, la première chanson indienne primée aux oscars.

Le palmarès
- Meilleur film : Everything Everywhere All at Once
- Meilleur réalisateur : Daniel Kwan et Daniel Scheinert, Everything Everywhere All at Once
- Meilleure actrice : Michelle Yeoh, Everything Everywhere All at Once
- Meilleur acteur : Brendan Fraser The Whale
- Meilleure actrice dans un second rôle : Jamie Lee Curtis, Everything Everywhere All at Once
- Meilleur acteur dans un second rôle : Ke Huy Quan, Everything Everywhere All at Once
- Meilleur scénario original : Daniel Kwan et Daniel Scheinert, Everything Everywhere All at Once
- Meilleur scénario adapté : Sarah Polley, Women Talking
- Meilleure musique originale : Volker Bertelmann, A l’Ouest, rien de nouveau
- Meilleure chanson originale : Naatu Naatu, RRR
- Meilleur film d’animation : Pinocchio de Guillermo Del Toro
- Meilleur film étranger : A l’Ouest, rien de nouveau (Allemagne)
- Meilleur documentaire : Navalny
- Meilleurs maquillages et coiffures : Adrien Morot, Judy Chin et Annemarie Bradley, The Whale
- Meilleurs costumes : Black Panther. Wakanda Forever
- Meilleurs décors : A l’Ouest, rien de nouveau
- Meilleure photographie : James Friend, A l’Ouest, rien de nouveau
- Meilleur montage : Paul Rogers Everything Everywhere All at Once
- Meilleur son : Top Gun : Maverick
- Meilleurs effets spéciaux : Avatar. La voie de l’eau
- Meilleur court métrage : An Irish Goodbye
- Meilleur court métrage documentaire : The Elephant Whisperers
- Meilleur court métrage d’animation : L’enfant, la taupe, le renard et le cheval