Problématique du Covid dans les écoles: "La communication du gouvernement est un peu erratique et à contretemps"
Ce mardi, le Secrétaire Général de l’Enseignement Catholique Etienne Michel était l’invité de "Il faut qu’on parle" sur DH radio pour parler de la problématique du Covid-19 dans les écoles.
Publié le 07-12-2021 à 09h55
En marge du dernier Codeco, dont les mesures ont largement ciblé l’enseignement, le Secrétaire Général de l’Enseignement Catholique Etienne Michel a répondu aux questions de Maxime Binet sur DH Radio.
Il a notamment fait le point sur la situation sanitaire compliquée dans les écoles libres, fortement touchées par l’épidémie de coronavirus et au port du masque, devenu obligatoire dès 6 ans dans les écoles. "Personne ne le souhaitait mais certains parents ont bien compris que le port du masque était devenu nécessaire."
Pour ses détracteurs, le masque entraverait l’apprentissage de la langue. Mais Etienne Michel préfère prendre le problème par l’autre bout: "Entre le port du masque obligatoire ou la fermeture des écoles, l’alternative du masque dès 6 ans est d’une certaine manière un moindre mal."
Il fallait faire quelque chose dans l’enseignement fondamental
C’est notamment l’absentéisme, plus important dans le fondamental que dans le secondaire depuis de nombreux mois, qui a motivé cette décision d’imposer le port du masque aux élèves du primaire. "Il y avait une évidence qu’il y avait un problème spécifique dans le fondamental qu’on peut expliquer par le taux de vaccination moins élevé que dans le secondaire et par le port du masque obligatoire dans le secondaire."
Mais les mesures prises par le Codeco de vendredi dernier sont-elles suffisantes? S’il estime qu’il "fallait faire quelque chose dans le fondamental", Etienne Michel pense que l’enseignement hybride dans le secondaire ne va "pas avoir beaucoup d’effectivité" en raison des examens qui débutent petit à petit.
En ce qui concerne la fermeture des écoles maternelles et primaires dès le 18 décembre prochain, une semaine avant les congés de Noël, le Secrétaire Général de l’Enseignement Catholique parle de "compromis boiteux entre ceux qui voulaient fermer les écoles immédiatement et ceux qui ne voulaient pas".
Dès lors, peut-on dire qu’il y a trop d’effets d’annonce de la part du gouvernement lors des Codeco? "La communication est un peu erratique et à contretemps. Il n’est pas toujours facile de s’y retrouver pour les enseignants et les directeurs."
"On a eu une explosion anormale de l’absentéisme"
Selon les chiffres, l’absentéisme est de 16-17% dans le fondamental, contre 8-10% dans le secondaire, aussi bien au niveau des enseignants que des élèves. La réalité derrière ces chiffres, c’est que des classes doivent fermer et que des cours ne peuvent pas se donner.
"La semaine dernière, dans un échantillon de 50% de nos écoles, il y avait environ 380 classes fermées. On peut donc faire l’hypothèse que dans l’enseignement catholique, il y avait plus de 500 classes fermées et que dans l’ensemble des réseaux d’enseignement, il y avait peut-être 1.000 classes fermées", détaille Etienne Michel.
Peut-on expliquer cet absentéisme simplement par les cas de Covid ou surtout en raison des quarantaines? "A cette période-ci de l’année, il y a toujours un certain pourcentage d’absents. On s’est bien rendu compte que le Covid est un facteur aggravant, de manière directe mais aussi de manière indirecte via les quarantaines. C’est comme cela qu’on a eu une explosion de l’absentéisme. En 2 à 3 semaines, on a eu un doublement du nombre d’élèves et d’enseignants absents, ce qui est tout à fait anormal."
Le monde francophone de l’école s’est-il voilé la face?
Selon une étude de la KULeuven, l’école reste le milieu où le virus circule le plus. Le monde flamand de l’enseignement avait conscience que le taux d’incidence dans la région était l’un des plus élevés d’Europe, notamment à travers les classes. Certains experts parlaient même des enfants comme l’un des principaux moteurs de l’épidémie. Se serait-on voilé la face du côté francophone?
"Pendant de nombreux mois, il n’y avait pas d’évidence à ce sujet. Mais depuis quelques mois, il est apparu très clairement que le virus circulait plus dans le fondamental qu’en secondaire, à tel point que c’est devenu relativement grave ces dernières semaines. Les éléments déclencheurs, ce sont les variants Delta et Omicron", explique le Secrétaire Général de l’Enseignement Catholique.
Clé de voûte de la lutte contre l’épidémie, le tracing est organisé par les régions, qui semblent avoir du mal à suivre. Auparavant, c’étaient les écoles qui s’occupaient de ce tracing, avant de demander de s’en décharger. "Il y a eu énormément de tergiversations autour de ce tracing. Aujourd’hui, ce n’est toujours pas au point. J’espère qu’à la faveur d’une petite accalmie de l’épidémie et d’une amélioration des procédures, on va enfin trouver un système qui fonctionnera en vitesse de croisière."
Détecteurs de CO2: "La vraie difficulté, c’est leur disponibilité sur le marché"
Lors du dernier Comité de concertation, il a été décidé de rendre obligatoire des appareils de mesure du CO2 dans chaque classe ou local où se réunissent de nombreuses personnes. L’objectif est de mesurer le taux de concentration de dioxyde de carbone pour voir s’il faut aérer les classes. Mais dans les faits, est-ce si simple?
"La décision du gouvernement de la FWB tient en trois points: il faut des détecteurs de CO2 le plus rapidement possible, il faut en mettre dans les lieux les plus opportuns et un détecteur peut être partagé entre plusieurs classes. La vraie difficulté dans cette affaire, c’est la disponibilité de ces appareils sur le marché. On a une centrale d’achat qui a pu fournir 500 détecteurs aux écoles de secondaire. Le stock a été épuisé immédiatement et, quand on a voulu le reconstituer, nos fournisseurs nous ont dit: ‘On peut vous en trouver 1000 pour la mi-janvier et 1500 pour la fin janvier.’ Si on voulait mettre des détecteurs dans toutes les classes, on devrait arriver à fournir 10 fois plus de détecteurs que ce que l’on serait capable de faire à la fin janvier. Les écoles s’équiperont au rythme où ces détecteurs seront disponibles sur le marché."
Outre les détecteurs de CO2, Etienne Michel rappelle l’importance de la ventilation des locaux. "Il faut une bonne pédagogie de la ventilation en faisant passer des détecteurs de CO2 d’une classe à l’autre et en permettant à chacun de se rendre compte que l’air ambiant se sature assez vite de CO2. Si on répète l’expérience plusieurs fois, on a vite compris qu’il faut aérer plus que d’habitude."
Carton rouge à ceux qui instrumentalisent la crise, carton vert aux directeurs et aux profs
Etienne Michel donne son carton rouge à tous ceux qui ont "tendance à instrumentaliser la crise sanitaire dans des perspectives idéologiques et politiques. Il y a des logiques comme celles-là qui sont difficiles à accepter. Je vois cette tentation au nord et au sud du pays et dans plusieurs partis."
Le Secrétaire Général de l’Enseignement Catholique adresse par contre son carton vert "aux directeurs d’école et aux enseignants qui, malgré tout ce chahut, gardent la tête froide et gardent sereinement le cap."