Hergé raconté par ceux qui l'ont aimé

Hergé raconté par ceux qui l'ont aimé
©Photonews

Le maître incontesté de la bande dessinée nous quittait voici 25 ans

Dubus du jour

BRUXELLES Hergé fut-il, ce 3 mars 1983, voici vingt-cinq ans aujourd'hui, une des premières victimes du sida, contaminé par une des transfusions sanguines auxquelles il devait se soumettre chaque semaine, en un temps où cette maladie n'était guère connue et les contrôles inexistants ? C'est la question que pose son biographe, Philippe Goddin. Avec des arguments à développer en ce sens. Le dessinateur belge souffrait d'anémie et s'était senti très faible dès 1980. Il apparut qu'il souffrait d'une maladie congénitale rare, la coproporphyrie. D'où les nombreuses transfusions sanguines. "Je vais faire le plein", disait-il avec le sourire et son humour caractéristique.

Ses dernières apparitions publiques datent de mars 1981 lorsque le journaliste Gérard Valet réussit le coup de force de ramener de Chine le sculpteur Tchang Tchong-Jen qui, au début des années trente, avait aidé Hergé à construire son album Le Lotus bleu et l'avait surtout conduit à considérer la bande dessinée comme un art exigeant un maximum de rigueur. Ces retrouvailles, cinquante ans plus tard, comblaient Hergé de bonheur mais, sous le masque, ses proches constataient qu'il était affaibli.

Il le fut davantage encore dans les derniers mois de sa vie, lorsqu'il se trouva accablé de grippes, de bronchites et de pneumonies à répétition qui ne pouvaient avoir aucun rapport avec la maladie pour laquelle il était soigné. La médecine parla alors de leucémie, mais ces complications s'expliqueraient mieux par l'hypothèse d'un sida qu'en 1983 on connaissait encore très peu. D'où les interrogations de Philippe Goddin.

Sur la fin, Hergé venait encore au studio une fois par semaine et ses collaborateurs s'inquiétaient de l'évolution de son apparence. En fin février, il fut hospitalisé à clinique Saint-Luc où il est mort après une semaine de coma.

Stéphane Steeman "étranglé de pleurs"

Le dernier album de Hergé, Tintin et les Picaros, date de 1976. Deux ans plus tard, il avait commencé à travailler sur un nouveau projet, Tintin et l'Alph-Art, qui est resté inachevé.

À sa mort, personne ne savait ce qu'il convenait de faire. Bob De Moor, son premier assistant, souhaitait terminer l'Alph-Art. Fanny, la femme de Hergé, admettait que son mari n'avait laissé aucune instruction écrite. Mais Stéphane Steeman : "Hergé avait si souvent dit, à des journalistes notamment, qu'il ne voulait pas que Tintin lui survive". Finalement, il fut décidé de laisser les choses en l'état et l'Alph-Art fut publié exactement tel que Hergé l'avait laissé : en chantier !

Stéphane Steeman n'a jamais oublié cette journée du 3 mars 1983 : "Je me trouvais aux sports d'hiver et, à l'heure du repas, un membre du studio Hergé m'a téléphoné. La personne qui m'accompagnait, ne me voyant pas revenir, s'est approchée de la cabine téléphonique. J'étais étranglé de pleurs, écrasé, effondré... Il n'était plus question évidemment d'aller encore skier."

1.400 Amis d'Hergé

Vingt-cinq ans plus tard, Stéphane Steeman continue à présider un Club des Amis d'Hergé qui se réunira le 8 mars au motel de Nivelles-Sud. "Avec 150 tables de collectionneurs, pour des ventes, des achats, des échanges..." Le club réunit encore 1.400 membres. Stéphane Steeman a compté qu'en 25 ans, 160 livres consacrés à Hergé et à son oeuvre sont sortis de presse. "Et, si l'on dit que les albums de Tintin se vendent moins bien que dans les années 80, il faut quand même savoir qu'en 2007, il s'en est vendu 1,8 million ! Ce qui reste appréciable." L'un d'entre eux, un Tintin chez les Soviets numéroté et signé par Tintin (Hergé) et Milou (Germaine, sa première épouse), a été acheté pour 40.000 euros.



© La Dernière Heure 2008


Hergé était ravi

BRUXELLES Tintin au Vietnam ! Ça ressemble à un album. Ça a la couverture d'un album. Mais ce n'est pas un album. Pas même un pirate. Harry Swerts : "C'est une simple couverture, et rien à l'intérieur. Ils vendent ça ainsi, au Vietnam." Le collectionneur a fait carrière à la RTBF : monteur pour la télévision. "Les copains journalistes me ramenaient souvent des choses insolites qu'ils trouvaient au cours de leurs voyages. Ils savaient que ça m'intéressait."

Justement, son métier lui a permis de rencontrer Hergé. "À l'époque où je faisais du montage pour les émissions scientifiques de Paul Danblon, notre productrice Jacqueline Pierreux s'est engagée sur un projet de Gérard Valet et Henri Roanne, Moi, Tintin. Tout naturellement, je me suis trouvé mêlé à cette affaire. À plusieurs reprises, je me suis retrouvé aux côtés des journalistes à des déjeuners, en compagnie de Hergé. Jacobs nous a même rejoints une fois ou l'autre. Et une autre fois, je me suis retrouvé chez Jacobs, à Céroux-Mousty, à une soirée à laquelle Hergé participait aussi. Un jour, je lui ai offert une pièce de ma collection. Au début des produits surgelés, la firme Findus proposait, d'une part, des décalcomanies et, d'autre part, dans le fond de ses boîtes, des décors sur lesquels les enfants collaient leurs décalcomanies. Hergé ignorait jusqu'à l'existence de ces curiosités. Mais il trouvait ça comique. Il était ravi que les personnages qu'il avait créés permettent aux enfants de s'amuser."

La dernière fois que Harry Swerts a vu Hergé, ce fut à la RTBF : "Peu après ses retrouvailles avec Tchang. Ils étaient invités tous les deux. Nous avons encore bu une tasse de café, lui et moi. Mais il était déjà fort malade et amaigri. On voyait qu'il n'était pas en forme..."



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