"Le service militaire ferait probablement du bien à la génération actuelle": Walter Chardon, gamin de Charleroi devenu directeur du Sporting, se livre
Walter Chardon, directeur commercial du Sporting de Charleroi, publie un livre sur son parcours atypique. Humain, drôle et inspirant.
Publié le 28-01-2023 à 07h17
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Connu et reconnu dans les sphères commerciale, entrepreneuriale et sportive à Charleroi (Base, Action 21, le tennis de table, l’Open Walter Wear, les spectacles Saive-Pirette…) et ailleurs, Walter Chardon a ajouté une plume à son chapeau. Une plume qu’il a partagée avec son ami et journaliste Frédéric Deborsu pour écrire son histoire. L’Itinéraire inspirant d’un gamin de Charleroi, dixit la couverture de son livre. Le parcours d’un autodidacte, profondément positif, qui a préféré les expériences de vie et l’audace aux diplômes. Et qui rayonne aujourd’hui comme directeur commercial du Sporting de Charleroi. Entretien.
”Tu ne feras jamais rien de bon.” Qui vous a assommé avec cette phrase ?
”Un professeur lorsque j’étais en secondaire à l’Athénée royal de Charleroi, après un fou rire avec mon ami et camarade de classe de l’époque, Luc Maton (ex-RTL-TVi). Ça m’a marqué. C’est peut-être anecdotique mais, en y repensant lorsque je me suis retourné sur mon parcours, c’était une phrase forte.”
Qui a constitué le déclic, la genèse de votre livre ?
”L’idée de base, c’est mon ami Philippe Saive qui me l’a soumise. Dans un premier temps, j’ai éclaté de rire. Mon épouse et mes amis m’ont convaincu, mais cela n’a pas été simple. Après un mois d’écriture avec Frédéric, j’ai failli tout arrêter, persuadé que ça n’intéresserait personne. Ne pas avoir fait d’études et réussir dans la vie, je ne suis pas le premier à l’avoir fait. Mais, finalement, je me suis dit que si ça pouvait aider l’un ou l’autre gamin un peu perdu à l’école, ça valait quand même le coup. Et aujourd’hui, quand je vois que Philippe Dubois, le recteur de l’université de Mons, écrit un mot dans mon bouquin, moi qui n’ai pas fait d’études, c’est un truc de fou, non (rires) ? ”

Vous êtes père de trois enfants. Vous ne partagez pas aujourd’hui l’inquiétude que vos parents pouvaient ressentir à l’époque quand vous avez stoppé vos études de comptabilité ?
”Mes parents ne m’ont jamais forcé à quoi que ce soit, ni jamais été véritablement inquiets. J’ai vécu une situation semblable il y a quelques années avec William, mon fils aîné. Il voulait arrêter l’école alors qu’il était en rhéto. Il en avait ras le bol. Ma femme était tracassée. Vous savez quoi ? J’ai passé un accord avec mon fils : il finissait sa rhéto et puis je lui foutais la paix après pendant un an, libre à lui de choisir ses études ou même de prendre une année sabbatique. Il a tenu parole et s’est ensuite lancé dans la communication digitale. Aujourd’hui, il occupe douze personnes et travaille comme un fou.”
Les études, définitivement, ne font pas tout…
”Bien sûr que non. Évidemment que c’est un avantage indéniable, mais ça ne définit pas votre avenir. On peut ne pas être apte à réussir des études, mais être capable d’autres choses de positives, si on est sérieux. Quel que soit le secteur. C’est ça, mon message.”
Anecdote cocasse : vous êtes un commercial sans permis de conduire…
”C’est assez bizarre, on peut le dire (sourire). En fait, j’ai vécu au Zaïre et, à 16 ans, on pouvait acheter son permis de conduire sans le passer. En rentrant en Belgique, on l’a juste transformé en permis belge, mais j’ai quand même suivi une vingtaine d’heures d’auto-école pour ne pas me lancer sur la route sans rien. Durant mon service militaire, j’ai ensuite passé mon permis C et, je touche du bois, je n’ai jamais eu d’accident.”
Le service militaire ferait probablement du bien à la génération actuelle.
Avis tranché : vous êtes pour la réinstauration du service militaire.
”Tout à fait. Ça m’a apporté énormément de choses. Bon, après six mois, j’estimais avoir fait le tour, donc il faudrait peut-être alléger la durée. Mais je suis persuadé que cela permet d’entrer en contact avec des personnes d’horizons totalement différents, de cultures différentes, d’un niveau social différent… Et puis, pour ce qui est de vivre ensemble, de respect et surtout d’autorité, c’est une expérience qui ferait probablement du bien à la génération actuelle.”
Moins drôle : lorsque vous travailliez pour le club de futsal Action 21, vous êtes passé par la case commissariat.
”Cela m’avait un peu traumatisé. Quand on est sérieux et qu’on n’a jamais rien fait d’illégal, se retrouver suspecté d’avoir participé à ceci ou à cela, dans les affaires qui ont secoué Charleroi à l’époque, et être convoqué pour une audition, c’est malaisant. Ça marque. J’y suis resté une bonne heure et je n’ai plus jamais revu personne après. Cet épisode prouve que tout n’est jamais tout rose ou tout noir dans la vie. Qu’on peut avoir des embûches, mais qu’on peut aussi très bien rebondir.”
Plus personnel : vous croyez à la vie après la mort…
”Ah ça (il soupire). La vie est tellement éphémère, faite de belles choses en tous genres… Effectivement, je pense qu’il se passe quelque chose après. Sinon, c’est un peu ridicule, non ? Tout va tellement vite ! C’est une réflexion assez personnelle, spirituelle, et pas facile à partager d’ailleurs. Je me suis rendu compte qu’écrire un tel livre, c’était en réalité une confession permanente, d’autant plus que ma femme, l’un de mes fils et des amis s’expriment aussi. Ça m’a beaucoup questionné : est-ce que j’expose ceci ou cela ? Ou pas ? Ce sont des questions qui m’ont accompagné tout un temps durant ce projet.”
Une suite, c’est possible ?
”Non, non. Enfin, on ne peut jamais dire jamais, mais ça me paraît irréaliste. Ou peut-être dans dix ou quinze ans, si je suis toujours en vie.”

Une anecdote que vous avez oublié de raconter ?
”Quelques mois après la reprise du Sporting de Charleroi, en 2012, je pars en voyage en Chine avec WalBusiness. Mehdi Bayat savait que son oncle Abbas (ancien propriétaire du club, NdlR) venait d’acheter une bâche pour couvrir le terrain du Mambourg durant les intempéries hivernales. Il me demande d’aller voir sur place, en Chine donc, à quoi ça ressemble. Je fais une heure trente de route pour me rendre compte qu’il s’agissait en réalité de douze éléments, comme douze châteaux gonflables, avec des transfos. Il fallait une quinzaine de Chinois pour monter le truc ! J’appelle Mehdi et je lui dis que la seule chose à espérer, c’est qu’on n’ait jamais à monter cette bâche en hiver, sinon on est foutus. Quelques mois plus tard, on se chope un hiver de dingue. On joue contre Zulte Waregem (le 23 février 2013, NdlR) et, heureusement, l’arbitre décide de remettre le match, indépendamment de notre bâche. Sans ça, on aurait perdu 5-0 par forfait. En tout, on l’a montée quatre fois, mais à notre façon, sans la gonfler (rires). Un vrai cirque !”
Quels projets nourrissez-vous encore ?
”Il reste beaucoup de choses à réaliser avec le Sporting. Le jour où tu as envie de goûter à autre chose, c’est que tu stagnes ou que tu as fait le tour de la question, que tu t’ennuies. Ici, le projet du stade et le développement commercial représentent des défis encore motivants, excitants. Donc, je m’éclate !”
> Tu ne feras jamais rien de bon, L’Attitude des héros, 269 pages. 20 €.