Loïc Nottet sort son premier bouquin : “J'ai peur pour les générations futures"
Le roman fantastique “Les Aveuglés” est sorti ce jeudi dans les librairies et traite du jugement et du regard que l'autre porte sur soi.
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Publié le 10-02-2023 à 09h38
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Avec deux albums à son actif - le troisième sortira dans les prochaines semaines et comprend les titres Mélodrame ou encore Danser -, une victoire à Danse avec les stars, une expérience de coach dans The Voice Belgique et une collaboration avec la maison Natan, on a l’impression qu’à seulement 26 ans, Loïc Nottet a déjà vécu plus de mille vies. Ce jeudi, l’artiste belge, qui sera bientôt de passage au Cirque Royal de Bruxelles, rajoute une corde à son arc en sortant Les Aveuglés, son premier roman fantastique aux 272 pages qui réussissent à faire suivre avec appétence les aventures de Natan, Miko, Théo et de leurs camarades et surtout de plonger dans le monde du démoniaque Narcyss dont l’objectif est “d’aveugler ceux qui se contemplent trop dans la glace, de les faire sombrer dans le désespoir et la haine d’eux-mêmes pour, enfin, les attirer de l’autre côté du miroir dans son terrifiant et fantastique palais des murmures, où ils seront réduits en esclavage.” Un bouquin original qui traite, vous l’aurez compris, de l’importance du regard que les autres portent sur nous et de celui que nous portons sur nous-mêmes.
Quand l’idée de ce livre a-t-elle commencé à germer dans votre tête ?
”Mes personnages existent depuis l’enregistrement de Selfocracy, en 2017. Je faisais beaucoup de recherches sur Narcisse et sur le miroir parce que c’était le thème de mon album. Je connaissais l’apparence physique de mes personnages mais je devais attendre qu’ils en aient assez à me raconter. Avec les années, ils ont grandi dans ma tête. J’ai créé tout un univers, le monde de Narcyss.”
Est-ce que ces personnages sont inspirés de personnes que vous connaissez dans la vraie vie ?
”Si on fusionne les personnages de Miko, Thara, Penny, Natan et Théo, on sait qui je suis. Il y a une partie de moi dans chacun de ces personnages. Mais il y a aussi une part d’inconscient. Je me suis probablement aussi inspiré de choses que j’ai vues ou qui m’entoure et qui sont dans un coin de mon cerveau.”
Avez-vous apprécié l’exercice de l’écriture ?
”Beaucoup. Mais, j’ai voulu être entouré pour ne pas faire n’importe quoi. J’ai apporté le plan, l’univers, les personnages mais je voulais qu’on m’aide en ce qui concerne la structuration de l’histoire. Au début, j’étais triste de voir certains éléments supprimés mais au final, je me dis qu’on a bien fait de faire comme ça parce qu’ils appartiennent au deuxième tome que je suis déjà en train d’écrire.”
Cette histoire est en quelque sorte le reflet de notre société centrée sur l’ego…
”La société de manière générale ou celle qui a existé. Je me rends compte qu’on est vite aveuglés de se regarder soi-même, de parler aux gens ou de regarder ce qu’ils font via les écrans. On en oublie ce qu’il y a autour. À côté de tout ça, on a la terre et la nature, plein d’endroits magnifiques qu’on oublie parce qu’on est en permanence collé à son téléphone. Ce livre fait clairement référence à cette société qui nous expose aux réseaux en permanence et qui fait qu’on a toujours besoin d’attirer l’attention, de se mettre en avant.”
Quel est votre rapport personnel avec les réseaux sociaux ?
”J’ai beaucoup de mal avec le monde virtuel. Je n’aime pas partager ma vie sur les réseaux sociaux. Je le fais parce que ça plaît aux gens qui me suivent. Je me souviens que lorsque j’ai dévoilé une première story Instagram depuis mon salon, j’étais très mal à l’aise. J’avais l’impression de montrer mon jardin secret. Je trouve que je dévoilais déjà beaucoup de choses sur moi dans ma musique et donc, ça me dérangeait un peu.”
Les réseaux sociaux sont un fléau selon vous ?
”Je ne dirais pas un fléau parce qu’il y a du bon et du mauvais dans la technologie. C’est bien parce qu’on peut être au courant de tout ce qu’il se passe dans le monde. Ça permet de nous réveiller. Moi, en tant qu’artiste, je suis contente que les réseaux me permettent de faire circuler ma musique. Mais, d’un autre côté, on ne déconnecte jamais vraiment. Parfois, je me demande si on n’était pas plus heureux sans ça. Avant, le bonheur se résumait à des choses simples. Aujourd’hui, on normalise beaucoup de choses. En fait, il faut trouver le juste équilibre.”
Vous aussi vous avez parfois besoin de tout couper et laisser les réseaux de côté ?
”Oui même si ma façon de couper implique aussi le smartphone puisque je me rends sur Spotify pour écouter des bandes originales de films. J’essaye également de plus passer des heures sur Tik Tok, une des plus grosses addictions depuis le confinement. Je pense qu’aujourd’hui, on est tous devenus des drogués à Tik Tok.”
Quel est le danger pour les prochaines générations selon vous ?
”Je pense qu’aujourd’hui on a tellement à notre disposition qu’on n’arrive plus à savourer les choses. C’est là où j’ai peur pour les générations qui nous suivent. L’Homme devient gourmand et impatient. Moi, le premier. Aujourd’hui, on s’énerve si on doit attendre le bus plus de deux minutes. Avant, on n’avait pas ce genre de réaction. En fait, on grandit dans un monde où tout doit aller vite et où on n’a jamais assez.”
Qui serait Narcyss dans la vraie vie ?
”On est tous un peu Narcyss. Moi, le premier. Maintenant, je ne dis pas qu’il ne faut pas du tout avoir d’ego. Au contraire. On doit savoir ce qu’on vaut, ne pas se laisser marcher dessus et être fier de sa personne mais pas tomber dans la démesure en devenant quelqu’un qui prend tout le monde de haut.”
Le personnage de Théo a un problème avec son apparence physique. Vous aussi vous avez eu du mal à vous accepter à un moment de votre vie ?
”Bien sûr. Aujourd’hui encore, j’ai quelques séquelles. Je ne me sens pas encore 100 % à l’aise avec moi-même. Il y a tout un temps où je ne pouvais pas me voir sourire, où je n’aimais pas mon profil ou mon nez. Et cela était renforcé par le fait que certains me faisaient comprendre que j’étais différent. Je pense à mes coéquipiers de foot, par exemple. À la maison aussi, je ressentais ça quand je voyais dans les yeux de mon père qu’il aurait préféré que son fils rêve d’être Ronaldo et pas Thierry Mugler.”
Que pensez-vous justement de cette société qui ne veut plus mettre les gens dans des cases et qui tend vers le non genré ?
”Je pense que demander l’avis à tout le monde n’est pas une bonne idée. Qu’on soit non-binaire, femme, homme, bisexuel, homosexuel ou hétérosexuel, on s’en fout. Certains se permettent de juger les autres mais la vie de ces derniers ne les concerne pas. L’important est de vivre dans un monde heureux où tout le monde s’accepte et se tolère.”
Peut-on dire qu’il y a une morale dans Les Aveuglés ?
”Dans tous les projets que je mène, j’essaye d’apporter des messages mais je ne fais pas de morale parce que je suis le premier à apprendre. Ce qui me semblait important dans ce livre, c’était d’écrire le mot suicide et pas de le remplacer par “mettre fin à ses jours”. Arrêtons de rendre tabou ce genre de choses. Les gens qui ont besoin d’aide pensent que c’est tabou, du coup ils ne parlent pas de ce qu’ils ressentent et au final passent parfois à l’acte. Il faut, au contraire, leur dire que c’est humain et normal de ne pas se sentir bien des fois et que ce n’est pas grave du tout. C’est comme ne pas avoir honte de dire qu’on va chez le psychologue. C’est en ne mettant pas de mots sur les choses qu’on s’égare et qu’on n’évolue pas.”
Est-ce que ces regards et ces remarques vous ont parfois donné des idées noires ?
”Je m’en suis toujours foutu. Je me suis créé une sorte d’armure. Mais, je me posais évidemment certaines questions telles que “Qu’est-ce que c’est que d’être un homme du coup ? Selon mon père et ses potes, c’est de faire du foot alors que moi, je ne fais pas ça. Alors, je suis quoi en fait ?” Tout ça fait qu’on a du mal à s’apprivoiser soi-même. Des idées noires, je n’en ai jamais eu. Je me suis peut-être déjà dit que ce serait mieux ailleurs quand j’avais un vrai ras-le-bol des choses mais je pense qu’on a déjà tous eu ça. C’est plus de la curiosité de savoir ce qui se passerait après mais sans vouloir pour autant passer à l’acte. Quand je n’ai pas le moral, je pense à mes grands-parents et mes arrières grands-parents qui sont toujours là et qui ont toujours la pêche. Aujourd’hui, j’ose beaucoup plus. Sortir un livre et travailler avec une maison de haute couture en est la preuve. J’ose mettre de grosses épaulettes et prendre de la place. On me remarque quand je rentre dans une pièce. Et, je le fais pour ça, parce que j’ai envie d’exister.”
Après la chanson, la danse et l’écriture du livre, quelle est la prochaine étape ? Le cinéma ?
”J’adorerais, tant devant que derrière. On m’a déjà fait plusieurs propositions mais qui ne me convenaient pas. Aujourd’hui, je me concentre sur ma musique et sur cet univers que j’aimerais développer en plusieurs tomes. Peut-être qu’un jour je l’adapterai à l’écran. Ce serait un rêve. Mais, il y a encore du travail à faire. Ce que je peux espérer avant ça, c’est de le voir traduire en différentes langues.”