"Le prince des esthètes": Charles de Bestegui, un homme d'une époque révolue
Publié le 05-03-2023 à 21h00
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C’est la biographie d’un homme d’une époque désormais révolue "Charles de Bestegui, le prince des esthètes" par Thomas Pennequin. Fils de Juan Antonio de Beistegui, ancien ministre plénipotentiaire du Mexique à Madrid et de Maria Dolores de Yturbe, Charles voit le jour den 1895 dans l’élégant hôtel de maître de ses parents avenue d’Iéna à Paris. La famille d’origine basque avait émigré au Mexique qu’elle dut quitter en 1867 au terme du bref règne de l’empereur Maximilien et de l’impératrice Charlotte, née princesse de Belgique.
La famille de Bestegui tire sa fortune de l’exploitation de mines d’argent. Cette aisance dès le berceau permit à Charles de Bestegui de se consacrer entièrement à ses passions : la décoration, l’achat de maisons et l’organisation de fêtes - tel un metteur en scène - qui comptent parmi les plus élégantes du XXe siècle.
Son enfance se passe à Paris, à la villa Zurbiac à Biarritz et le palais Bestegui de la Castellana à Madrid. Scolarisé à Eton, il entreprend au cours de la Première Guerre mondiale un tour en Asie avec son frère Juan Francisco.
Âgé de 25 ans, il devient rapidement l’un des membres les plus convoités de ce que l’on nomme la Cafe Society. Composée à la base d’aristocrates dont les Noailles, les Beauvau-Craon, les Polignac mais aussi une société cosmopolite issue des grandes fortunes industrielles, tous tournés vers l’avant-garde et les arts. Ce petit monde entre soi se retrouve aux quatre coins du monde en fonction des saisons et de l’agenda mondain.
Le rythme de vie de Charles de Bestegui divise son année comme suit : le printemps à Paris, Madrid et Londres, Cannes et Biarritz l’été, l’automne à Venise et l’hiver à Saint-Moritz.
Il se lance corps et âme dans la rénovation d’une grande bâtisse du XIXe siècle le château de Groussay à Montfort-l’Amaury, dotée d’un parc de 29 hectares. Le chantier dure tout au long de la Seconde Guerre mondiale, il a obtenu l’extraterritorialité de son bien en sa qualité d’attaché d’ambassade d’Espagne. Charles de Bestegui se soucie comme d’une guigne des restrictions liées à la guerre. Lui veut créer le beau et faire la fête. En 1948, nouveau projet avec l’acquisition du Palais Labia à Venise. Il convoque les meilleurs artisans et architectes pour redonner tout son lustre à ce palais qui abrite des fresques de Tiepolo.
Le 3 septembre 1951 se tient Le Bal du Siècle, plus de 400 gondoles apportent les 1000 invités triés sur le volet, accueillis par leur hôte et 75 valets de pied en livrée. Lui est costumé en Procureur Dolfino. Ses amis (Dali, Orson Welles, la vicomtesse Jacqueline de Ribes, Pierre et Marie-Laure de Noailles, l’Aga Khan, le baron Alexis de Redé, les princes de Faucigny-Lucinge,…) se prêtent au jeu avec une succession de différents "tableaux" à la chorégraphie minutieusement exécutée et longuement répétée.
En 1960, il inaugure un théâtre de 300 places en son château de Groussay, la princesse Paola est présente comme le duc et la duchesse de Windsor mais c’est déjà le chant du cygne de l’ère de la Cafe Society. Charles de Bestegui ne se reconnaît plus dans ce "nouveau" monde. Il sort très diminué de deux attaques. Il vend le Palais Labia puis fait disperser ses collections d’art. Il avait déjà fait don d’une importante partie en 1942 au musée du Louvre.
Il s’est éloigné aussi progressivement de son noyau d’amis fidèles qui ne supportent plus ses sautes d’humeur. Il est emporté par une nouvelle attaque en janvier 1970 au château de Groussay à l’âge de 74 ans. Il est inhumé au cimetière de Passy. Le Palais Labia sur le Campo San Geremia est devenu le siège de la RAI, tandis que Groussay est classé monument historique depuis 1990.