Stromae décrypté : “Paul est un traumatisé de la vie”
Dans son livre “Stromae Les dessous d’un phénomène”, Thierry Coljon analyse en détail ce qui rend l’artiste belge différent de tous les autres.
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Publié le 14-03-2023 à 17h09
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”Ceci n’est pas une biographie”, souligne Thierry Coljon dès la première ligne de son avant-propos dans Stromae Les dessous d’un phénomène (Éditions Mardaga), un livre disponible dès ce 14 mars en librairie. La précision est importante note l’auteur. Parce que malgré ses multiples sollicitations, Stromae, alias Paul Van Haver, n’a jamais donné son feu vert pour l’écriture d’une biographie. Pas avant qu’il soit mort, se plaît à dire celui qui garde une discrétion totale sur sa vie privée. Tous les ouvrages parus sont donc des biographies non autorisées, ce que se refuse de faire Thierry Coljon.
Dès lors, qu’y a-t-il dans son livre. Mieux qu’une biographie : une analyse du phénomène Stromae. Le journaliste du Soir décortique la personnalité, l’univers et les ambitions du Maestro, avec, tout de même, des éléments de portrait pour permettre de comprendre son aventure incroyable. Il explique pourquoi et comment Paul Van Haver est devenu “un artiste complet, rassembleur, aimé dans le monde entier et par toutes les générations”. Une icône artistique qui marque son époque.
Il passe l’héritage belge de Stromae en revue. Un ancrage déterminant dans lequel on croise Brel mais aussi Arno, Telex, la new beat et même Front 242. Et Benny B, parce qu’au départ, celui qui n’était pas encore Stromae faisait dans le rap sous le pseudo d’Opsmaestro. L’auteur décrypte la naissance du personnage aujourd’hui incarné par Paul Van Haver. Comment, il a cultivé sa singularité “pour ne pas se complaire dans un style qui ne lui apportait que frustrations”. Tout cela en n’omettant pas de mettre en lumière ceux qui, autour de lui, ont contribué à sa métamorphose artistique.

Stromae est unique. Encore faut-il cultiver cette singularité. En la matière, il sait y faire en choisissant des chemins audacieux. Impossible de tous les décrire ici. Notons par exemple, ce contrat de licence signé en 2009 avec Universal. Contrairement à la plupart des artistes, il a gardé tous ses droits sur ses productions. Il est libre d’en faire ce qu’il veut. Il y a aussi le concept du “buzz artistique” qu'” Il a pour ainsi dire inventé”. On pense au clip de “Formidable”, avec les premières images qui ont “fuité”, laissant penser que le chanteur était saoul dans les rues de Bruxelles. Ou encore à son coup lors du JT de TF1 lorsqu’il a dévoilé son titre “L’enfer”.
Tout est passé à la loupe, le projet Moseart comme l’évolution du style Stromae, ses collaborations avec d’autres artistes, ses valeurs (”Tous les mêmes” affiche son féminisme quatre ans avant l’affaire Weinstein !), son rêve américain, ses 2320 jours de silence (cela fait 6 ans, 4 mois et 5 jours) ou les conditions de son retour. Mais aussi le modèle qu’il est devenu pour tant d’autres artistes. Il est “un vecteur, un influenceur, une machine à penser et à faire réfléchir”, écrit l’auteur.
Même la polémique de la rémunération des figurants du clip “Fils de joie” est abordée. Ou son côté “control freak”, cette volonté d’absolument tout contrôler.
Le livre ne fait pas l’impasse sur ce qu’il y a aussi de très sombre chez Stromae. Son obsession pour la mort, par exemple. Ou ce désespoir qu’il a en lui depuis qu’il a pris conscience que le monde n’est pas celui des Bisounours comme il le rêvait. Le journal britannique The Gardian ne s’y est pas trompé en qualifiant “Alors on danse” de chanson la plus déprimante de la dance music, rappelle l’auteur.
Thierry Coljon termine par ces mots : “Paul (Van Haver) est un traumatisé de la vie. […] Il ne peut s’empêcher, tel un enfant refusant de grandir, de voir le monde en noir, d’en avoir peur, d’en refuser les codes et les obligations.” Ce qui ne l’empêche pas de nous rappeler que la vie vaut la peine d’être vécue, malgré l’absurdité de notre destinée.
Stromae Les dessous d'un phénomène, Thierry Coljon, Éd. Mardaga, 160 pages, 19, 90 euros.