En juin, le Grand Jojo se confiait à la DH pour la dernière fois: "Je prends ma retraite parce que j’ai été très affecté par le confinement"
A la suite du décès du Grand Jojo, nous republions intégralement sa dernière interview accordée à La DH en juin dernier
Publié le 29-06-2021 à 20h59 - Mis à jour le 01-12-2021 à 22h01
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Symbole du folklore belge et des Diables à Mexico, Le Grand Jojo rend le micro à 85 ans.
"Je prends ma retraite, tout simplement parce que j'ai été très affecté par le confinement, nous confiait Jean Vanobbergen. Je suis resté assez longtemps inactif, sans bouger, sans rien faire ni voir personne, cela a très très fort affecté mon moral."
L'interprète mythique de "E Viva Mexico" n'avait plus la force de continuer. La faute à la crise sanitaire. "Je ne suis pas malade mais ça se passe dans la tête, explique l'artiste qui fêtera ses 85 ans ce 6 juillet lorsqu'il évoque son dynamisme d'antan désormais perdu. Il faut que je retrouve mes forces et que je bouge car je suis resté un an sans rien faire. J'ai fait la chaise musicale du sofa à la table à manger. Ne plus voir personne et ne plus être en contact avec mon public m'a affaibli. C'est stationnaire. J'espère donc que ce n'est pas définitif. Je connais énormément d'artistes qui ont dit qu'ils aillaient arrêter… Mais bon, pour continuer, il faut être en forme. Si je la retrouve, ce n'est donc pas exclu que je reprenne quelques activités. Mais là, je ne me vois pas refaire des shows aussi speed, vivant et à 100 à l'heure. Je ne veux pas donner aux gens cette image. C'est pourquoi j'ai décidé d'arrêter, pour sortir par la grande porte."
Est-ce un souci de santé ?
"Non aucun. J’en ai eu dans le passé (un cancer de la prostate, NdlR). Mais disons que c’est moral, c’est dans la tête que cela se passe. Il faut que je me reprenne. Vu le manque d’exercice avec le confinement, j’ai du mal de me déplacer. C’est un tout mais c’est surtout dans la tête."
À la veille de vos 85 ans aussi… Est-ce un signe ?
"Oui, l’âge joue aussi. Je suis un dinosaure dans le milieu. Très peu ont eu ma chance. C’est déjà bien que j’ai pu continuer de la sorte et d’avoir vécu une aventure pareille. Aucun regret. J’ai pris le meilleur. La chanson ‘E Viva Mexico’sur le football a vraiment été extraordinaire. Plus jamais on ne refera un truc pareil ! Mais tout ce qu’on fait maintenant, c’est surtout sur Internet et cela n’a absolument aucun impact. Je remarque que, malgré toutes les chansons qui sortent dans les émissions de télé, c’est toujours ‘Olé olé we are the champions’qui passe quand les supporters marquent leur joie."
Avez-vous entendu l’hymne de Roméo Elvis et Pablo Andres, "Allez les Diables" ?
"Oui, c’est sympa. Mais on n’est plus dans la même époque. Dans le temps, il y avait des supports comme les CD, les albums. Et on faisait des disques d’or. Maintenant, ça n’existe plus et les chansons qu’on fait aujourd’hui passent un peu inaperçues."
Avez-vous encore gardé contact avec des Diables rouges de 1986 ?
"Oui évidemment. Avec Enzo Scifo. Mais c’est le seul. On est resté amis."
Suivez-vous encore nos Diables rouges ?
"Je les suis et j’espère qu’ils vont aller en finale. On pourra ainsi revoir à la télé ce grand moment vécu en 86 sur la Grand-Place. Avant ça, il y a l’Italie. Mais la France a été éliminée. Beaucoup disent que c’est bien fait pour leur gueule car ils sont trop prétentieux. Mais c’est surtout le sport. Ils doivent s’incliner et laisser la place à des gens qui jouent peut-être mieux !"
Comment voyez-vous votre retraite ?
"J’ai recommencé à dessiner, mais je sens que je suis aussi un peu à la fin du parcours, car j’ai refait beaucoup de dessins humoristiques. J’ai tout un mur rempli dans un restaurant à Bruxelles et en Espagne. Une autre page qui se tourne, même si le confinement m’a permis de recommencer cette activité. Mais qui dit dessin, veut aussi dire assis toute la journée. Et donc, aujourd’hui, je le paie."
Il y a aussi votre musée à Boussu-lez-Walcourt…
"C’est ma grande fierté pour les quelques années qu’il me reste à vivre. Lorsque je ne serai plus là, il restera toujours une trace du Grand Jojo grâce à mon ami Cyril. On y retrouve tous mes souvenirs. J’étais notamment un grand collectionneur de musique de jazz, car j’ai travaillé plus jeune dans une société de disques où j’étais spécialiste de musique de jazz. J’ai fréquenté dans les années 50 le milieu existentialiste, dans la rue des bouchers à Bruxelles où j’ai notamment rencontré Brel. C’est là que j’ai appris à aimer le jazz."
Et vous avez aussi été responsable de l’approvisionnement des juke-box en Belgique !
"Oui et il y en avait 28 000 dans le pays ! Tous les artistes venaient donc chez moi avec leurs disques que je prenais par 500 ou 1 000 exemplaires pour les mettre sur les appareils. C’était l’appareil qui faisait vendre. Aujourd’hui, ce n’est plus du tout la même chose."
Il n’est donc pas impossible de vous revoir sur scène un jour ?
"En effet. J’ai notamment été contacté par un DJ qui a beaucoup collaboré avec Daddy K ou Saule et qui rêverait de faire un hit avec moi. Je lui ai envoyé un truc très sympa. Il est occupé à travailler dessus pour en faire quelque chose qui est dans le coup."