Kid Noize : "Au départ, l’idée n’était pas d’incarner ce personnage"
L’homme à la tête de singe est de retour avec un troisième album, Nowera, et la bande dessinée qui l’accompagne. Rencontre.
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Publié le 18-03-2023 à 12h04
Dix ans après la sortie de son premier single, "KDNZ", sept ans après le premier album Dream Culture qui a précédé The Man With a Monkey Face sorti en 2019, Nowera boucle la trilogie annoncée dès le départ par Kid Noize. L'album est taillé pour les dancefloors, comme d'habitude avec Greg Avau qui se cache derrière le masque de singe. Il y a quelques réminiscences de Front 242 sur ce disque, un gros gimmick à la Daft Punk et un autre qui vient nous rappeler que Stardust avait mis le monde à ses pieds avec son tube "Music Sounds Better With You", en 1998. Bref, ça donne la bougeotte et c'est diablement bien ficelé.
Nowera l'album s'accompagne du troisième tome de la BD racontant les aventures de Kid Noize. Une nouvelle fois, celle-ci nous entraîne dans le monde imaginaire du personnage, celui dans lequel on rêve sa vie et on vit ses rêves. "Grâce à Kid Noize, j'ai pu réaliser mes rêves de gosse. C'est ce que j'essaye de mettre dans la bande dessinée, qu'il faut s'accrocher à ses rêves. Le mien, c'était de faire une BD. Je l'ai faite. C'est fou ! Mon attrait pour les pochettes de disques (qui l'a conduit à suivre une formation en arts graphiques, NdlR.) est né avec Iron Maiden. Quand j'étais môme, j'avais une fascination pour le personnage d'Eddie (the Head) qui est sur tous leurs pochettes. Par contre, je n'aimais pas la musique. C'est tout ça qui a fait mûrir le projet Kid Noize."
Quatre ans après le deuxième album, voici la trilogie annoncée qui s’achève ?
"Tout à fait. Enfin, qui s’achève ou qui est complète…"
C’est un soulagement ?
"Oui, parce que j’ai réussi à le faire. Je ne vais pas mentir, quand j’ai annoncé la trilogie, je n’avais pas toutes les réponses. Au début, tu as tendance à ouvrir plein de portes parce que ça donne du suspens. Puis, il faut tout expliquer. Je suis assez fier de ce gros travail réalisé avec Dupuis et Universal. C’est une solide équipe pour un projet totalement atypique. Cela signifie qu’il y a de la place pour des projets un peu outsiders."
C’était audacieux de se lancer là-dedans…
"Heureusement que je n’ai pas mis cela noir sur blanc avant de me lancer. Je ne me suis pas dit que le concept c’était ça avec ça et ça. Au début, il s’agissait de créer un personnage, un peu comme pourraient le faire Daft Punk, Gorillaz ou Kraftwerk, et de lui faire vivre des aventures que moi je ne pourrais pas faire. L’idée n’était pas de devenir ce personnage. Mais le public a rencontré Kid Noize. C’est assez fou."
Vous êtes désormais prisonnier de ce personnage ?
"Non. Grâce au masque, il y a un vrai travail de dédoublement. Quand je le mets, c’est comme si mon moi profond ressurgissait à du 3 000 %. Ça force à avoir une différence entre le moment où j’incarne ce personnage et celui où je suis moi-même, avec mes problèmes et mes envies, comme tout le monde."
Dès que vous vous glissez dans la peau de Kid Noize, les problèmes s’évaporent et c’est la belle vie ?
"Un peu, oui. Il faut l’avouer, ce sont tous les avantages sans les inconvénients. Moi, j’ai les inconvénients du masque mais pas Kid Noize."
Ce nouvel album et la BD qui l’accompagne constituent la fin de la trilogie annoncée. Qu’y a-t-il après ?
"Je me pose la question tous les jours mais je n’ai pas de réponse. Ou j’en ai cent ! Le cycle est complet mais je n’ai pas encore commencé les concerts. Le futur, c’est avant tout le présent. C’est de rencontrer les gens en concert. Les trois premières dates sont complètes, c’est un super signe. Je suis présent dans tous les plus gros festivals. Et on termine en beauté avec La Madeleine à Bruxelles. Que demander de plus, même si la condition humaine et peut-être personnelle est d’être un éternel insatisfait ? Mais ça, c’est ma recherche de perfection. Si tu te contentes de ce que tu as, tu disparais. Tu es constamment obligé de nager pour te maintenir là où tu es."

Peut-être plus aujourd’hui qu’hier puisque dans le monde de la musique tout va beaucoup plus vite qu’avant… Les succès sont plus éphémères, il faut être au charbon en permanence ?
"C’est bien résumé. Et il y a les réseaux sociaux. Être bon sur les réseaux, ça demande déjà de quatre à cinq heures par jour. Pour un influenceur, dont c’est son métier, ce sera même plus de temps. Il faut trouver les idées, la création de contenu et répondre aux gens. Moi, je sais qu’il faudrait que je passe au moins quatre heures par jour rien que sur les réseaux. Mais ce n’est pas mon métier. Il y a cette complexité d’être présent sans l’être de trop. Celle du masque aussi. Chaque fois que je fais une story, je dois mettre le masque. Il faut aussi choisir ce dont on parle sans que cela fasse rentrer des gens dans ma vie privée. C’est vraiment compliqué. C’est pourquoi je dis que je ne suis pas un influenceur. Ce n’est pas mon métier d’être omniprésent sur Internet. D’ailleurs, je déteste les algorithmes. Sur les réseaux sociaux, c’est la plus grosse menace à venir. Après quelques mois passés sur mon téléphone, je constate qu’on ne me propose plus que la même musique et les mêmes images. L’algorithme qui est censé t’ouvrir au monde referme ton univers. Moi, je suis grand, je sais que le monde ne se milite pas à ce qu’il me montre, mais imaginez un ket de 12, 16 ou 20 ans… il se dit que c’est ça la vie. Par exemple, je ne supporte pas Spotify qui nous interdit de choisir notre top 10. Mon morceau préféré n’est même pas dans mon top 10 décidé par l’algorithme ! C’est quoi cette stupidité ? On ne peut pas demander à un algorithme de faire des choix à ta place, c’est la plus grosse bêtise que les réseaux sont occupés à faire. Il faudrait pouvoir paramétrer son algorithme : est-ce qu’au bout de quelques mois, tu acceptes que ton 360 degrés devienne 20 degrés ? Oui ou non ? Ou que ton 20 degrés en devienne 360."
Aujourd’hui, être un artiste multidisciplinaire comme vous l’êtes, c’est une nécessité pour exister dans la musique ?
"Je n’ai besoin de personne d’autre, en effet. C’est ce qui fait que je tire mon épingle du jeu. Et si je travaille avec plein de gens, c’est parce que j’en ai envie. Je suis fort parce que j’arrive à comprendre ce qu’on appelle le 360 degrés. C’est dans l’ADN du projet. Ce qui ne l’était pas, c’étaient les réseaux sociaux. C’est là-dessus que j’ai les plus grandes discussions avec tout le monde. Qu’est-ce qu’on fait ? Est-ce assez ou de trop ? Sinon, ce n’est pas une obligation de savoir tout faire. Moi, c’est ma force : quand j’ai envie de faire quelque chose, je sais comment y parvenir. Ce qui ne vaut pas dire que je sais tout faire. Avec Kid Noize, j’ai un bon niveau, mais on ne peut pas être bon dans tout. Le côté DJ paillettes, c’est la teuf et c’est ce qu’il y a de plus important car c’est l’ADN du projet : faire danser les gens. Mais ce n’est que le sommet visible de l’iceberg."
En concert : 25/03 Le stock, la Louviere (complet), 07/04 Reflektor, Liège (complet), 28/04 Inc’rock, Incourt, 29/06 Feel Good, Aywaille, 30/07 Les Gens d’ère, Tournai, 04/08 Ronquières, 27/08 Scène-Sur-Sambre, Thuin, 14/10 La Madeleine, Bruxelles.