Une demi-finale d’un très bon niveau mais… pas de Belge en finale du concours Reine Elisabeth de chant
C’est à minuit 15, ce jeudi, sur le plateau du studio 4 de Flagey et en présence de la Reine Mathilde, que s’est déroulée la proclamation des demi-finales de ce 10e concours Reine Élisabeth de chant.
- Publié le 27-05-2023 à 13h08
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Avant d’annoncer les résultats, le président du jury, Bernard Foccroulle, a d’abord adressé ses félicitations aux 5 pianistes qu’il invita à venir sur scène. “Ils ont accompli un magnifique job ; ils ont préparé deux programmes de récital pour chacun des 24 candidats ; votre présence attentive et bienveillante a été très appréciée. Nous vous en remercions.” Et de citer, sans préambule et selon l’ordre de passage de la demi-finale, les noms des heureux élus qui pourront se produire, sur le plateau du Palais des Beaux-Arts, les premiers, deux et trois juin. Mais ce sera sans les 2 candidates belges…
Par contre, restent en compétition, les concurrents de huit nationalités : trois Coréens sur sept, deux Françaises sur quatre, une Américaine sur deux et l’unique candidate de quatre pays (Portugal, Pays-Bas Bas, Russie et Australie) dont l’âge varie entre 22 et 31 ans.
Sur le plan des tessitures, nous pourrons apprécier l’unique et remarquable contralto américaine du concours, Jasmin White, 4 mezzo-sopranos, 1 basse et 2 barytons. Tous ces finalistes, au talent accompli, ont fait preuve d’une grande maturité. On n’eut jamais l’impression qu’ils passaient un concours, mais plutôt qu’ils se produisaient en récital, devant un nombreux public qui a répondu présent à chacune des quatre séances.
Nous avons, à nouveau, été impressionnés par le talent, la présence et l’agilité vocale de la contralto américaine Jasmin White. Quelle douceur dans la Berceuse de Montsalvatge ; The Negro speaks of Rivers est d’une grande sincérité ; elle incarne avec vérité les rôles de Tancredi de Rossini et d’Ulrica du Ballo in maschera de Verdi.
La basse coréenne Inho Jeong nous a encore séduit par son charisme. Il est habité par le personnage de Fiesco dans Simon Boccanegra de Verdi, de Rodolfo de La Sonnambula de Bellini. Il révèle le sens du tragique du Manoir de Rosemonde de Duparc. Et, après sa prestation, d’avouer : “J’étais nerveux avant d’entrer, mais j’ai éprouvé du plaisir dès que j’ai été sur scène. Lorsque j’ai commencé le chant, j’étais ténor, puis, je suis devenu baryton, ensuite, baryton basse et finalement, j’ai trouvé ma voix de basse.”
On est encore imprégné de l’émotion forte que dégage l’interprétation du baryton coréen Daniel Gwon. Il est doté d’un timbre de voix chaleureux qui se révèle dès le Schubert, dont l’articulation allemande est impeccable, tout comme celle, du reste, en italien et en anglais. Il se révèle aussi bien comédien que chanteur. Son visage et son regard expressifs reflètent les sentiments qu’il ressent, au cours de chaque pièce de son récital. L’air de Rodrigo de Don Carlo de Verdi, il le joue comme s’il était à l’opéra, avec une sincérité bouleversante qui traverse tout son être.
Que dire du benjamin du concours, le merveilleux baryton coréen de 22 ans, à la belle couleur de voix, Taehan Kim. Quelle classe ! Outre que posséder une technique sans faille, il a le sens de la profondeur dans Tchaïkovsky, l’expression juste du drame dans Verdi ; il fait régner une atmosphère dans Schoenberg, par un lyrisme bien conduit.
Épinglons aussi la prestation époustouflante de la soprano russe Julia Muzychenko-Greenhalgh qui ne parvenait pas à réaliser qu’elle est admise en finale. Sa voix chaleureuse, son charme, sa gestuelle gracieuse et naturelle, sa grande souplesse corporelle nous ont éblouis dans le rôle d’Ophélie de Hamlet d’Ambroise Thomas. Quelles belles demi-teintes elle a déployées dans la Romance de Rimsky-Korsakov… Sa technique accomplie se reflète aussi dans le super aigu de Bellini ; combien elle est coquette et coquine, quand elle incarne Norina du Don Pasquale de Donizetti. Bref, voilà une véritable bête de scène qui ne craint pas d’affronter le public, dont elle semble adorer le contact !
Chez la soprano canadienne Anna-Sophie Neher, soulignons l’habileté dans les vocalises du Messiah de Haendel, la sensibilité de Pamina du Zauberflöte de Mozart, l’intensité et l’émotion de la mélodie “C” de Poulenc, sa présence scénique dans le rôle d’Aspasia du Mitridate de Mozart.
Il nous est aussi agréable de citer la prestation de grande qualité de la mezzo-soprano australienne Fleuranne Brockway, qui nous a séduit par la finesse des mélodies de Debussy, la profondeur et la belle diction allemande dans Brahms, l’émotion du Nebbie de Respighi et son sens du tragique dans l’incarnation du personnage de Romeo de I Capuleti e i Montecchi de Bellini.
Quant à la mezzo-soprano hollandaise Maria Warenberg, elle nous a livré son beau timbre et sa sensibilité dans les mélodies de Malher et de Viardot. Elle crée un climat avec beaucoup d’intensité et d’émotion dans Tchaikovsky. Elle a déclaré : “Je suis venue prendre la température de la salle quelques heures auparavant. J’ai préféré un répertoire presque exclusivement de mélodies, puisque c’est avec accompagnement de piano. Avant le chant classique, j’ai commencé par étudier la pop et j’ai chanté du Tina Turner !”
La soprano française Juliette Mey (23 ans) nous a conquis dès le Meyerbeer, par son agilité dans les vocalises du “Nobles seigneurs, salut ! (à la France…), par son style dans “Voi che sapete” , un des airs du Cherubino des Nozze di Figaro. Dans son interview : “J’ai essayé de faire de la musique et j’ai surtout voulu montrer de la musicalité ; j’ai une affinité particulière avec la musique baroque et c’est par ce style que je voudrais commencer ma carrière”. Elle affirmait ne pas avoir été gênée par les 3 sonneries de téléphone qui ont retenti durant sa prestation. Mais, à la suite de cette perturbation, le président du jury, Bernard Foccroulle, agacé, s’est adressé au public en trois langues, pour rappeler que, pour la bonne tenue du concours, il fallait éteindre les téléphones !
La mezzo-soprano française, Floriane Hasler, a choisi un programme en demi-teinte qui est adapté à son tempérament car, dit-elle, “Je veux faire passer des émotions, raconter une histoire au public”. Elle a fait ressortir le climat intimiste et sensuel des Chansons de Bilitis de Debussy, l’émotion de la Chanson de Mélisande de Fauré, le dramatisme du “Disprezzata regina de Monteverdi.
Quant à la soprano canadienne Carole-Anne Roussel, élève de José Van Dam à La Chapelle et qui a chanté avec bonheur dans quatre langues, elle nous a séduit en nous montrant plusieurs facettes de son talent : de la délicatesse dans l’Elisir d’Amore de Donizetti, des jolies demi-teintes et de la profondeur dans “3 Songs” d’Amy Beach et son don de comédienne-chanteuse dans “Les Mamelles de Tirésias “de Pounlenc. Tout y était : attitude, gestuelle et facilités dans les 3 registres.
N’oublions pas la voix ample et pleine d’intensité, ainsi que l’émotion de la soprano portugaise Silvia Sequeira qu’elle nous offre dans “Pace, pace mio Dio “de La forza del Destino de Verdi et dans Salomé de Massenet.
Rendez-vous pour la finale, au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles, les 1er, 2 et 3 juin à 20 h 15.