20 ans après la fin de la série phare, Sarah Michelle Gellar se confie : "Des fans en transe m'appellent encore Buffy"
En 2003, il y a 20 ans, la série "Buffy contre les vampires" tirait sa révérence. Sarah Michelle Gellar, 45 ans aujourd'hui, en était l'héroïne. Du genre bondissante et pas dénuée d'intelligence...
Publié le 25-03-2023 à 17h54
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A part quelques sanguinaires réussites - comme “Scream” - il faut se rendre à l’évidence, la veine de l’horreur semble se tarir aujourd’hui. Faute d’imagination, les scénaristes préfèrent se contenter de plagier les grands classiques. La race des cinéphiles ou téléphiles sensibles à la poésie du carton-pâte, aux Edgar Poe de Roger Corman, aux Dracula et Frankenstein est indéniablement une espèce en voie de disparition. C’est vrai quoi, que reste-t-il des sorcières voluptueuses et crucifiées de Mario Bava ? Des monstres du cirque de Tod Browning (“Freaks”) ? Des orgies sataniques de... Jésus Franco ? Rien. Nada.
Les grands mythes fondateurs, remplis d’onirisme, de symbolisme et de lyrisme, sont allés se rhabiller, las d’être parodiés. “Buffy the Vampire Slayer”, naïve série américaine qui s’est arrêtée il y a tout juste 20 ans en était la “parfaite” illustration. Le zéro absolu de la nullité, une bouffonnerie que seuls les yankees capables du meilleur, mais aussi du pire étaient à même de concocter. Heureusement, nous direz-vous, que le ridicule ne tue plus. Pour celles et ceux qui n’étaient peut-être pas nés, c’était l’histoire d’une étudiante - plutôt bien roulée dans sa mini-jupe - qui, tout en gérant ses soucis scolaires, sortait la nuit pour protéger les mortels que nous sommes contre de méchants vampires. Merci Buffy ! Finis les sinistres manoirs transylvanesques traversés d’éclairs. Touchés par la crise du logement, les Dracula et consorts hantaient les campus. En l’occurrence celui de Sunnydale.

La môme avait du pain sur la planche. Et pour cause : la chambre de cette infortunée “student” était située juste sur une hellmouth (littéralement la bouche de l’Enfer). Une sorte de brèche, de porte, ouverte accidentellement, qui crachait toutes sortes de gargouilles, démons, mutants, et autres “trucs” pas catholiques du tout du tout ! Pour renvoyer “ad patres” ces immigrés indésirables, notre blonde à croquer disposait de sérieux atouts : primo, une stupéfiante maîtrise des arts martiaux. Plus besoin de pieux de bois, ni d’hectolitres d’eau bénite, l’atémi apparaissait dans cette feuilletonnade doublement plus efficace que la quincaillerie de naguère. Il fallait la voir mouliner avec ses petits bras musclés. C’est simple, comparés à la bluffante Buffy, Bruce Lee et Jackie Chan réunis passaient pour des rhumatisants ! Secundo : des amis sur qui compter. Comme Giles Rupert, bibliothécaire de l’Université, grand érudit des sciences du Mal, à la fois son mentor et son ange gardien. Sans oublier, deux copines de classe tout à fait au courant de ses activités nocturnes. A savoir, Willow, spécialiste en piratage informatique et Xander, hyper-jalouse depuis que l’héroïne de service a copulé avec Angel (David Boreanaz) : un vampire de 242 ans, rudement bien conservé et accessoirement ancien bras droit du Maître des Prédateurs. Histoire de ne pas déboussoler les non-initiés, on précisera à toutes fins utiles que “Buffy” était un produit de consommation courante à mi-chemin entre les frissonnants “Contes de la crypte” et le glamour Clearasileux de “Beverly Hills”. Et il ne fallait pas compter sur les vampires de la série - garantis pur latex - pour remonter le niveau. En effet, ces couillons confondaient la lumière du jour avec une vulgaire lampe de poche ! Moralité: ces “mordus” de l’épouvante ne nous terrifiaient guère : “Il y a des moments où l’absence d’ogre se fait cruellement sentir”, disait Alphonse Allais.
N’ayons pas pour autant la dent trop dure avec ces Nosferatu d’amphithéâtre aux canines creuses car ne faut-il pas en effet vivre à sang pour sang avec son époque ? Et ce n’est pas la délicieuse Sarah Michelle Gellar qui nous soutiendra le contraire ! God Bless her, c’est une âme charitable !
Reprenez-moi si je me trompe, mais à l’origine “Buffy the Vampire Slayer”, était un film de cinéma. Sorte de compromis entre « Karaté Kid » et « Dracula »
Oui, le film était sorti dans les salles en 1992 et fût un bide monumental. Un nanard comme seul Roger Corman savait les produire à la chaîne. A l’époque c’était Kristy Swanson, une blonde avec des gros seins qui se frottait à des gueules pas possibles. Joss Whedon, le scénariste de “Alien”, de “Toy Story”, “Twister” et de “Speed” eu alors l’idée de ressuscité “Buffy” lorsqu’il s’aperçut que la cassette vidéo issue du film avait - elle - connu un succès phénoménal auprès des teenagers ! Le plus important fût tout d’abord de prendre ses distances avec le film. De ne pas réitérer les mêmes erreurs. Joss ne voulait plus de pom-pom girl frivole avec un pois chiche, mais une lycéenne mâture et réaliste ! La série était née. Mais comme Kristy Swanson n’était plus toute fraîche, la production s’est rabattue sur moi. Nous étions des centaines d’actrices à auditionner. Au cours du casting, j’ai déclaré “ A propos, je pratique le taekwondo depuis quatre ans. Vous croyez que ça peut servir ? “. Ils m’ont alors répondu : “Et comment !!!””
“Buffy contre les vampires” cartonna c’est clair. Aux Etats-Unis, le TV show a même été élevé au rang de série-culte. Pensiez-vous qu’on atteindrait une telle folie ?
Non ! C’était un électrochoc ! Pensez donc, je venais de débarquer à Los Angeles. J’ignorais tout de Hollywood et de la manière dont cet univers fonctionnait. Je ne savais même pas ce qu’était la Warner Bros - qui pourtant produisait le show. Bref ! J’étais loin de me douter que “Buffy “ allait connaître un tel succès. Puis, progressivement, j’ai compris pourquoi le public aimait cette série. On le devait, je crois, à l’originalité de l’intrigue, à la qualité des dialogues, à interaction entre les personnages, à...
A vos mini-jupes surtout !
- (rires) J’étais sûre que vous alliez y faire référence Frank. J’ose espérer que le succès de la série ne résidait pas que là !
Admettez tout de même que “Buffy” était une jolie fille et que sa plastique a fait grimper l’audience....
Buffy Summers n’était pas la Pamela Anderson de la lutte contre les vampires. Jamais, je n’aurais pu tenir ce rôle si je ne m’étais pas reconnue dans ce personnage. Ce que j’aimais chez elle, c’est sa forte personnalité et son indépendance. Ce qui ne l’empêchait pas non plus de vivre des conflits intérieurs comme toutes les adolescentes de son âge. Bref ! Cela n’avait strictement rien à avoir avec la blondasse des séries télé habituelles. Vous savez, celles qui couinent comme une truie à chaque fois qu’elles voient une goutte de sang !
Ce show a généré également des produits dérivés. Ça vous a fait quel effet de découvrir votre joli minois sur des taies d’oreiller, des tee-shirts, des tasses ou des postes géants ?
J’assume ! Un jour, j’ai donné une interview à un journaliste américain. Il m’assurait que sa fille était tombée, par hasard, dans une boutique où était vendus des tampons et des serviettes hygiéniques estampillés “Buffy”. L’emballage était même rouge sang ! Entre nous, je voyais mal les responsables du merchandising “Buffy” commercialiser de tels produits ! Mais sait-on jamais. On m’a bien fait part également de la vente de gousses d’ail “Buffy” censées faire fuir les mauvais esprits ...
Vous mesurez, “five foots, three inches” (grosso-modo : 1 mètre 60), ce n’était pas un peu court sur patte pour alpaguer les vampires ?
(rires) Cela dépendait de la taille des gambettes des dits vampires ! Avec un peu de chance, il arrivait aussi que certains de ces prédateurs se prenaient les pieds dans leur cape ! Quand ce n’était pas le cas, je ne pouvais compter que sur-moi-même. Le port des mini-jupes était donc indispensable ! Il me permettait d’avoir plus d’amplitude dans mes mouvements ! Essayer de filer le train d’un vampire dans un tailleur étriqué. Cela dit, je n’ai pas toujours eu le dessus. Dois-je rappeler que je me faisais couper en rondelles dans “Souviens-toi, l’été dernier” et réduire en charpie dans “Scream 2” ?
Gamine, vous étiez du genre à jouer avec des poupées barbies ou plutôt des monstres en plastique multifonctions ?
Je n’ai jamais été attirée par les Barbies. Du moins telles qu’on les connaît. Mes “Barbie” à moi étaient plutôt destroy. Je me souviens en particulier d’un pendentif qui représentait une poupée sans bras et sans jambe. Je ne le quittais pas. Un truc à vous envoyer direct chez un pédopsychiatre !
Les vampires carburent ordinairement à l’hémoglobine. Et vous ?
A la vanille ! Je suis une accro de la vanille. Et sous toutes ses formes. Glace à la vanille, rouge-à-lèvre à la vanille, bougies à la vanille, lait pour le corps à la vanille, bain moussant, etc. Vous ne vous attendiez tout de même pas à ce que je vous dise que c’est à la gousse d’ail que je me parfume !!!

"La célébrité, j'en rêvais depuis l'âge de 4 ans"
La célébrité, vous l’avez gérée comment à l’époque ?
J’en rêvais depuis l’âge de quatre ans alors le jour où elle m’est tombée dessus, je n’allais tout de même pas me plaindre ! Je vivais cela comme un rêve. Je baignais en pleine irréalité. Je vous donne un exemple. Môme, j’étais une big fan de Madonna. Je dansais comme elle, m’habillais comme elle, me maquillais comme elle, me coiffais comme elle. Bref ! C’était une déesse pour moi. Une divinité inaccessible. Lors d’un MTV awards, je me suis retrouvée assise à côté d’elle. Eh bien, j’avais beau avoir que 22 ans à l’époque, j’étais aussi excitée qu’une gamine de 12 ans !
Mais je présume qu’il y a aussi l’envers de la médaille. Etre connue au point de déclencher des scènes d’hystérie collective, c’était aussi perdre une forme d’intimité non ?
C’est vrai ! Encore aujourd’hui, je me fais appeler “Buffy” dans la rue par des fans en transe. Et ça, voyez-vous, je m’en passerais bien.
Vous avez des anecdotes concernant des actions « borderline » de fans ?
Un soir, je m’étais rendue dans un de ses bars branchés de Sunset Boulevard. Je pensais que noyée dans la foule et dans la lumière tamisée on ne me reconnaîtrait pas. Manque de bol, un groupe de jeunes m’a débusquée. Si je suis encore entière aujourd’hui, c’est grâce au réflexe d’un barman qui a eu la présence d’esprit de me faire sortir dare-dare par la réserve de l’établissement ! Même angoisse lorsque je voyageais. J’étais contrainte de mettre de fausse “étiquettes” à mes bagages - j’entends par-là, prendre une fausse identité - de peur qu’un fan qui tomberait sur mes valises me les piquent sur le tapis roulant ! Les gens s’attendaient peut-être à trouver des grimoires anciens ou des crucifix en or massif entre deux jupettes ! Plus rien ne m’étonnait vous savez à l’époque ! C’était de la folie ! Avec l’expérience, j’ai appris a faire la différence entre une meute de groupies et une meute de chasseurs d’autographes. Les groupies sont des specimens incontrôlables, imprévisibles qui vous sauteraient presque dessus au restaurant en vous demandant, alors que vous avez des nouilles plein la bouche, “HEY BUFFY, POUVEZ-VOUS ME SIGNER, VOTRE SERVIETTE ? ”. C’est du vécu ! Les chasseurs d’autographes, eux, sont plus organisés puisqu’ils vous pourchassent après dans la rue en brandissant un feutre indélébile et une dizaine de photos de moi sous toutes les poses !
Pendant des années une certaine presse a dit de vous que vous étiez anorexique. Je ne voudrais pas jeter de l’huile sur le feu, mais dans des épisodes de “Buffy”, vous sembliez un peu frêle…
L’anorexie est à Hollywood ce que le Maccarthysme fût à une époque : un thème récurrent ! Entre l’âge de 18 et 23 ans, les gens - et en particulier les filles...une question d’hormones - se métamorphosent. J’ai donc changé comme tout le monde. A l’époque, si j’avais perdu sept kilos et demi, c’est parce que j’avais arrêté d’avaler la nourriture servie sur le plateau de “Buffy”. Des mets immondes qui baignaient dans l’huile ! Comme s’était dégueulasse, je m’étais mise à sauter des repas. Aujourd’hui, je vous rassure, je m’alimente sainement.
Puisqu’on parle d’alimentation, j’ignorais que vous aviez participé aux Etats-Unis à une pub Burger King !
Des pubs, j’en ai fait des centaines ! Mais celle-là, je ne suis pas près de l’oublier. Elle m’a effectivement foutu dans un sacré pétrin ! J’avais cinq ans et en regardant la caméra, je disais : “Si j’ai l’air 20 % plus petite que la normale, c’est parce que j’ai mangé des hamburgers McDonald 20 % plus petits que ceux préparés par Burger King “. C’était la première fois dans les annales de la réclame qu’on avait recours à la publicité comparative. McDonald n’a pas apprécié. Si bien que Burger King, ainsi que l’agence qui avait pondu cette campagne et...MOI-MEME, avons été poursuivi en justice ! J’avais cinq ans ! Je ne savais même pas ce qu’était un avocat. Ni à quoi ça ressemblait. Je me revois encore dire à mes quelques amis : “Je ne pourrais pas tourner d’autres spots le mois prochain, je dois faire une déposition au tribunal ! “
Vous en avez d’autres histoires dans ce genre à partager ?
Toujours au chapitre pub, pour “Shake ‘n Bake” - une marque de plats cuisinés -, j’ai dû engloutir 98 morceaux de poulets en une journée ! A la suite de cette expérience, tout ce qui rapportait de près ou de loin aux volailles me donna des envies de vomir !
Vous avez décidé, il y a quelques années, d’arrêter de tourner pour vous consacrer à votre mari, l’acteur Freddie Prinze Jr et à vos enfants. Comment voudriez-vous qu’Hollywood parle de vous aujourd’hui ?
J’apprécierais que les gens disent de moi, c’est une femme qui en a dans le ciboulot, qui a toujours su ce qu’elle veut, qui a fait des choix et qui les assume, qui a fait son job consciencieusement plutôt que - comme je l’ai souvent lu : « une énième poulette blonde au sourire niais ! ». Ce que je ne suis assurément pas !
"J'effectuais moi-même 85 % des scènes de combat !"
En parcourant je-ne-sais-plus-quel-hebdomadaire américain, j’ai cru comprendre que vous étiez une vraie surdouée à l’école ! Confirmez-vous ?
Surdouée, je ne sais pas ! Je dirais plutôt que j’étais une excellente élève. Cela fera moins prétentieux. J’ai décroché l’équivalent de votre bac à quinze ans avec mention “très bien”. Pour atteindre la perfection, il me manquait que quelques points. C’est le B+ de la trigonométrie qui m’a planté ! J’ai toujours aimé étudier. D’ailleurs lorsqu’il m’a fallu faire un choix entre un parcours universitaire et la comédie, cela ne fût guère évident. A l’issue du bac, je me suis donnée trois ans pour réussir dans la carrière d’actrice. Ma mère était OK. Passé ce cap, je lui avais promis de retourner sur les bancs de la fac. Le succès de “Scream 2” et de “Buffy” m’a prouvé que j’avais fait le bon choix.
Revenons à Buffy ? Comment s’articulaient vos journées lorsque vous ne chassiez pas les vampires ?
Je travaillais comme une damnée, en moyenne quinze heures par jour. En théorie, je disposais du week end pour souffler un peu. Seulement, il nous arrivait très souvent, de poursuivre le tournage jusqu’à l’aube du samedi matin ! Une fois chez moi, je devais en plus apprendre le script des épisodes que nous enregistrions la semaine suivante. Quant au dimanche, il y avait toujours une presse conférence à donner, une séance photo ou un show à honorer. Par conséquent, je disposais de très peu de temps de libre. C’était un choix. J’avais décidé de m’investir à fond dans mon métier, de sacrifier le reste. Je me disais : « Je suis jeune, c’est maintenant qu’il me faut mettre les bouchées doubles. Pour les loisirs, les plaisirs, on verra plus tard ! ». Mon objectif, c’était de bosser comme une dingue encore six ou sept ans. Ensuite, je pourrais m’offrir le luxe de choisir les rôles qui m’intéressent vraiment ! Et c’est ce qui s’est passé…
L’énergie, vous la puisiez où ?
Je suis ceinture marron de Tae Kwon Do et yogiste confirmée...ça aide ! Et puis, si je ne tournais pas un long-métrage, j’avais le break de l’été pour me requinquer.
C’est vous, parait-il, qui effectuiez les cascades ?
Vrai ! J'effectuais moi-même 85 % des scènes de combat ! Ce qui me valut d’ailleurs quelques bobos. Dans les premières saisons de “Buffy”, je me suis cassée le pied ! Et comme on ne pouvait pas stopper le tournage, on m’a demandé de masquer mon plâtre dans des grosses bottes de sport. Des trucs pas possibles et pas pratiques. Larges comme des après-skis. Sous le soleil de Californie, ça dénotait un max ! A la fin de la journée, j’avais le sentiment d’être un sauna ambulant !
Entre nous, ce n’était pas un peu triste d’être ce point dévolu au travail ?
Je vous le répète, c’était un choix ! Il y a des jeunes gens qui préfèrent occuper leur temps dans les boîtes de nuit ou les bowlings, moi, mon truc, c’était de mener la vie dure aux suceurs de sang ! Ce qui, entre nous, était bien plus original ! Vous savez, j’ai toujours eu une existence speedée. A onze ans, je disposais déjà de mon propre pager. Quand ma mère voulait me joindre elle me bipait !!!
En trimant de la sorte, vous ne craigniez pas de créer le vide sidéral autour de vous ?
Le vide, je connais ça. Cela a commencé à l’école. Je ne faisais pas partie du club d’échec. Ni du club du théâtre. Je n’étais pas non plus cheerleader (majorette). J’étais...à part !
Pendant les récréations, les autres enfants ne voulaient jamais jouer avec moi. J’étais considérée comme une paria, une pestiférée parce que je bossais déjà. Dans des pubs, pour des panouilles ici et là. Mes petits camarades me trouvaient trop mure pour mon âge, voire différente. Les choses ont changé dès que j’ai rejoint la New York’s Professional Children‘s School (Ndlr : “Fame”, vous vous souvenez ? ). Normal, j’étais entourée de gamins qui avaient les mêmes aspirations que moi. Ce n’est pour autant que j’ai sympathisé avec eux. Au registre des amitiés, j’ai appris à devenir élitiste, à privilégier la qualité à la quantité.
Votre maman devait être fière de votre parcours, de votre résilience, de votre pugnacité et tout simplement de votre réussite !
Pour son anniversaire, je lui avais remis les clés d’un bel appartement que j’avais acheté pour elle. Nous chialions toutes les deux de joie quand maman m’annonça, que c’était la première fois de sa vie qu’elle était propriétaire de quelque chose ! Maman s’est sacrifiée pour moi toute sa vie. Pour me permettre de suivre des études - 16 000 dollars par an - elle s’est saignée aux quatre veines. Il n’y avait qu’une paye à la maison. Celle de professeur de puériculture. Autrement dit...pas grand-chose ! Lorsque je tombais sur une jupe sympa, elle faisait toute ce qui était en son pouvoir pour me l’offrir. C’est bien plus tard que j’ai compris que sa garde-robe se résumait à quelques vêtements et à deux-trois paires de chaussures !
Et votre père ? Vous ne citez jamais
Il est mort en 2001 mais il n’était pas sur la photo de la famille ! Mon père s’est tiré de la maison au moment où j’avais le plus besoin de lui. Si je suis ce que je suis aujourd’hui, c’est grâce à ma mère. Lui n’a été qu’un géniteur. Rien de plus. Il n’a jamais participé de près ou de loin à mon éducation. J’aurais bien aimé croire que je suis le fruit de l’immaculée conception, mais cela fait longtemps que je ne me berce plus d’illusion ! Mes parents ont divorcé quand j’avais sept ans. Mon père, c’était l’homme invisible. C’est ma mère et elle seule qui s’est chargée de moi. Financièrement, ce ne fût guère évident. Nous étions pratiquement toujours au bord de l’interdit bancaire. Je me souviens que chaque achat était mûrement réfléchi. C’était une paire de chaussure. Pas deux ! Lorsque j’ai décroché le rôle de “Buffy”, la chose la plus importante à mes yeux, c’était la couverture médicale. Quand on m’annonça que j’étais couverte pour les cinq années à venir, c’était comme si on m’avait donné de l’or en barre !
"Le rôle de Buffy m'a permis d'obtenir une couverture médicale"
Pendant sept ans, de 1997 à 2003, vous avez tourné 144 épisodes de « Buffy ». Sept années durant lesquelles vous avez ferraillé contre des esprits macabres, des fantômes, des loups garous de tous poils, des saigneurs aux dents crochues, etc. De retour chez vous, lorsque vous vous glissiez sous vos couettes, vous ne cauchemardiez pas trop ?
Non parce que j’avais mon chien, mon regretté Thor pour monter la garde et un verrou que je fermais à double tour !
Quel genre de maman êtes-vous ?
Concernée, dévouée, attentive, à l’écoute. Mes enfants sont ma vie !
Quid de Freddie !
C’est mon mari, mon complice, mon copain, mon confident, le père de mes enfants. J’avais eu des flirts plus ou moins sérieux avant lui. Mais aucun des mecs que j’ai fréquentés n’avaient réussi à me détourner de ce que j’aimais le plus au monde : travailler !
Entre deux cris aigus poussés dans “Buffy”, vous aviez trouvé le temps de tourner “Cruel Intentions”, une version moderne des “Liaisons Dangereuses”. Ce film a défrayé la chronique en son temps par son côté sexuellement hard. Le producteur Aaron Spelling, roi des “hot teens TV show” avait notamment, je m’en souviens très bien, jugé que ce film était “ complétement irresponsable car il montrait ”, je le cite “des jeunes faisant l’amour sans aucune protection ! ”. Comment aviez-vous réagi ?
A l’époque, je m’étais demandée si Aaron Spelling ne devait pas balayer devant sa porte. A ma connaissance “Melrose Place” - qu’il produisait - ne faisait pas dans la chasteté !
Vous embrassiez Selma Blair dans ce film. Rétrospectivement c’était comment ?
J’ai cru que j’allais vomir. Mettez-vous à ma place, c’était mon premier baiser, enfin avec une fille s’entend. Remarquez, il vaut mieux rouler une pelle que de réciter un monologue de vingt pages. C’est moins difficile ! Dans le cadre de mon métier, j’ai été amenée à embrasser des tas de gens. Ce sont mes rôles, mes personnages qui voulaient ça. On appelle ça “jouer la comédie” et ça ne va pas plus loin. Dans “Cruel intentions”, je roulais aussi des patins à Ryan Phillippe - un beau garçon - et cela ne me procurait pas plus d’effet !
Lorsqu’un acteur à gros bras au cinéma tue tous ceux qui lui font de l’ombre, est-ce que ça signifie que c’est un flingueur dans la réalité ? Non, bien sûr, il fait son job, c’est tout. Idem pour moi ! Cessons de faire des amalgames !
Vous souvenez-vous d’avoir vraiment eu les chocottes pour une scène plus qu’une autre sur le plateau de “Buffy” ?
Oui, je me rappelle en particulier d’un épisode. Il était quatre heures du matin sur le set. Le script indiquait que je devais ouvrir un cercueil et crier toutes amygdales déployées ! Croyez-moi ou non mais la chose allongée à l’intérieure était si immonde - le maquillage si impressionnant - que je n’ai pas joué cette scène, je l’ai vécue au premier degré ! J’en ai même chialé rétrospectivement en revenant chez moi ! Ce n’est pas évident d’être une chasseuse de vampires. Surtout lorsqu’on a une peur bleue des cimetières !
Sur cette bonne vieille planète Terre, qu’est-ce qui vous effraie le plus ?
Les journalistes ! Avec eux, on ne sait jamais vraiment à quelle sauce on va être mangée !
"La télé ne produit pas de violence. Elle la montre !"
Y a-t-il d’autres choses dans la vraie vie qui vous fassent frémir ?
Les germes, les bactéries, les microbes, les virus, bref toutes ses saloperies qu’on ne voit pas et qui vous transmettent tout un tas de maladies. Un jour, je suis tombée sur un documentaire à la télévision sur ces bestioles. On nous montrait un type dans une chambre d’hôtel apparemment très propre. Puis, il alluma sa lampe à infrarouge et là, j’ai eu la nausée. Sur les draps, les rideaux, sur les murs, des vieilles traces d’urine, de merde, de sang et, baignant là-dedans, une faune pas possible. Depuis, à chaque fois que je me rends dans des toilettes publiques, j’ouvre les portes avec un mouchoir en papier, que je jette aussitôt. Mieux, j’ai toujours dans mon sac, une petite bouteille contenant un produit anti bactériologique, avec lequel je me lave consciencieusement les mimines !
Quelle fût votre réaction lorsque vous avez su qu’un des épisodes de “Buffy” - qui comportait, paraît-il, certaines similitudes avec le drame de Columbine High School - avait été déprogrammé aux Etats-Unis ?
J’ai été révoltée par cette déprogrammation. Lorsque ce drame est arrivé, j’étais en Europe pour la promotion de « Cruel”. Entre deux interviews que je donnais à vos confrères, j’ai appris la terrible nouvelle. Mais c’est seulement une fois assise devant ma télé, dans ma chambre d’hôtel, que j’ai compris l’horreur de ce fait divers. J’ai alors essayé de comprendre comment ces adolescents avaient pu en arriver-là. Mais surtout comment leurs parents avaient-t-ils été à ce point minables. Avoir un enfant, c’est à mes yeux la chose la plus extraordinaire qui soit. C’est aussi une très lourde responsabilité. D’après moi, les parents de ces desperados n’ont pas été à la hauteur. Ils sont donc pleinement responsables des agissements de leur progéniture. Quand on en a sous son toit un gosse qui s’enferme dans sa chambre toute la journée, qui ne parle que d’armes à feu, qui colle sur ses murs des postes d’Hitler et qui porte sur son tee-shirt des croix gammées, il faut être aveugle pour ne pas voir que ça ne tourne pas rond dans sa tête. Bref ! De retour aux Etats-Unis, j’ai été surprise par le procès que l’on faisait à la télévision et en particulier à “Buffy”. Pour les “biens pensants”, il n’y avait aucun doute, ce-média-là était à l’origine de tous nos maux. Il fallait coûte que coûte lui faire une tête au carré ! C’est alors que je me suis faite cette réflexion !
Ah oui ? Laquelle ?
La télé ne produit pas de violence, elle la montre. Elle n’est qu’un reflet de notre société. Si la société américaine est violente ce n’est pas à cause de ce qu’elle diffuse ! Beaucoup de jeunes enfants grandissent dans des familles où les armes à feu sont banalisées. Elles font presque parties des meubles. On s’étonne après de voir ces mêmes gosses manier les revolvers que leur papa a manipulé sous leurs yeux durant toute leur enfance. S’attaquer à une série comme “Buffy”, mon Dieu, c’était de la démagogie ! De l’hypocrisie ! Et si vous me le permettez, je trouve qu’il y a vraiment quelque chose d’illogique, voire de pourrie dans la censure aux Etats-Unis. On a, par exemple, interdit au moins de 17 ans “Cruel Intention” alors que les films de Bruce Willis - période gros bras et flinguage à gogo - ne se sont vus infliger qu’un PG13 (interdit au moins de 13 ans). Après “Columbine School”, on a même atteint des situations limites burlesques. Telle que la déprogrammation pure et simple d’un épisode où l’on voyait “Buffy” combattre un ordinateur de quatre mètres de haut projetant l’image d’un serpent géant. Et là, je n’ai tout simplement pas compris. Dans cet épisode, il était question d’enfants réunis pour combattre le mal et, entre-nous, le serpent n’avait rien d’effrayant !