La fin des maisons 4 façades à Andenne: une tuile pour les propriétaires
À Andenne, les nouvelles maisons 4 façades ne sont plus les bienvenues. Un fameux caillou dans la chaussure de propriétaires de terrain(s).
Publié le 19-03-2023 à 08h26
:focal(544.5x314:554.5x304)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/GOPU5PCJSNHELAJSOP7IWCHWEI.jpg)
Fin janvier, des notaires de la région ont reçu un "code de bonne conduite" de la Ville d’Andenne. Cette note, élaborée par le collège et présentée au conseil communal du 21 novembre dernier, redéfinit la politique concernant les zones d’habitat au plan de secteur.
Ce qui s’appliquait déjà au cas par cas est désormais coulé dans ce texte stipulant que des maisons quatre façades ne pourront plus être érigées. Des exceptions cependant: elles sont autorisées dans le cadre de lotissements spécifiquement dédiés à cet effet ou sur des terrains à bâtir situés le long de voiries suffisamment équipées, et à condition que les maisons voisines soient elles aussi des habitations quatre façades (c’est le principe de la dent creuse).
Andenne est une des premières en Wallonie à appliquer cette politique qui invoque plusieurs arguments tels que la raréfaction des terrains à bâtir et des considérations d’ordre économique, climatique ou écologique. Mais elle est indigeste pour plusieurs propriétaires de terrain(s). David Remy, notaire, gère cinq dossiers de clients concernés. "Certains gardaient leur terrain comme poire pour la soif pour le revendre ou y bâtir une quatre façades, pour eux, leurs enfants ou petits-enfants. À présent, on leur dit que c’est impossible de bâtir. C’est le désarroi !"
Un poids sur le budget
La Ville a défini trois catégories. "Outre les “voiries suffisamment équipées”, il y a les “voiries insuffisamment équipées” (trop étroites, sans trottoir ni égouttage ou filet d’eau) où les quatre façades ne sont plus autorisées. expose le bourgmestre, Claude Eerdekens. Exemple: rue Chant d’oiseaux à Landenne, c’est impossible de se croiser. Il s’agit de terrains en pente avec risque élevé d’inondations. Dans ce cas, même si on a parfois commis l’erreur d’accorder des permis, c’est interdit."
Enfin, il y a les "voiries équipées mais pas suffisamment". "Là, on impose des élargissements de voiries, des frais très lourds à charge du bâtisseur, poursuit-il. Chaque maison quatre façades coûte au budget communal 200 000 € en moyenne tous les 20 ans pour des travaux liés à la voirie. C’est énorme !"
Il cite l’exemple de la rue Eugène Malherbe à Coutisse. "Il y a 9 ans, on a délivré pour le lotissement Malherbe des permis qu’on ne délivrerait plus pour une douzaine de maisons. Ça a coûté 1,5 million au budget de la Ville pour faire la voirie. C’est impayable !"

Le budget communal dédié aux voiries est d’environ 3 millions€ par an. "On ne sait déjà pas faire tout ce qu’on voudrait avec ça. Alors délivrer des permis de façon inconsciente et stupide au détriment des finances communales pour permettre à des gens de se faire du pognon en sachant que c’est la Commune qui payera la nouvelle voirie, c’est non !", affirme le mayeur. Il insiste: "On ne peut pas demander à la collectivité de payer des impôts pour des gens qui veulent valoriser des terrains privés. Celui qui a les moyens d’aménager une voirie insuffisamment équipée, qu’il le fasse !"
Risque accru de crues et "bobos friqués"
D’après lui, la multiplication des maisons quatre façades provoque l’imperméabilisation de beaucoup de sols pour peu de logements. "Avec les fortes précipitations, plus fréquentes vu le réchauffement climatique, on crée des conditions insoutenables pour les constructions en contrebas qui seront noyées, analyse-t-il. On le constate depuis les inondations de juillet 2021 et juin 2022."
David Remy entend cet argument et concède qu’une maison quatre façades a plus d’assise au sol. "Je peux aussi comprendre que l’on impose à quelqu’un qui bâtit sa maison d’éviter le tarmac ou le klinkers et de privilégier le gravier pour que l’eau se disperse, signale-t-il. Mais ce qui m’interpelle le plus dans tout ça, c’est que ce code s’applique à compter de maintenant pour des situations beaucoup plus anciennes. Du jour au lendemain, on coupe à des propriétaires la possibilité de jouir librement d’un terrain acquis il y a des années."
David Remy comprend aussi la limitation de maisons quatre façades au centre-ville mais moins dans les villages. "Il y a un intérêt dans des zones rurales à garder le côté villageois avec ce type d’habitation, estime-t-il. Elles ont leur place dans des villages comme Seilles, Coutisse, Thon…"

Mais le mayeur n’en démord pas. "Les villages vont mourir à cause des maisons quatre façades en étalement urbain. C’est ce qu’on appelle aussi la périurbanisation et c’est une atteinte monstrueuse à la qualité d’un village ! Il faut redensifier les cœurs de villages et cesser de s’étaler vers les champs à l’infini."
Pour lui, ce type d’habitat a fait son temps. "Avec des maisons quatre façades à l’infini, on aura des bobos friqués dans les campagnes qui défendent une fibre écolo parce qu’ils sont à la campagne mais qui nient l’écologie de base qui veut qu’on cesse d’artificialiser les terres agricoles quand bien même elles sont à bâtir au plan de secteur, ajoute-t-il. C’est d’ailleurs ce que dit la Région wallonne: il n’y aura plus d’extension de l’habitat dans les campagnes en 2050."
Selon lui, lorsqu’il n’y aura quasi plus de terrains à bâtir d’ici 20 à 25 ans, des zones qui ne sont pas bâtissables maintenant vaudront leur pesant d’or. "Ceux qui les achèteront pourront y bâtir en faisant des travaux qu’ils pouront financer car le prix du terrain vaudra 5 fois plus qu’aujourd’hui, affirme-t-il. Ils auront une valeur telle qu’ils pourront non seulement construire mais aussi financer les frais d’aménagement par le privé."
Andenne compte environ 2500 maisons 4 façades déjà existantes. "Un stock appréciable pouvant ravir les propriétaires ou locataires actuels", dit-il. Une réflexion qui fait une belle jambe aux clients de David Remy. "Certains ont introduit un recours auprès de la Région wallonne, l’autorité de tutelle pour les décisions de refus de permis", annonce-t-il.