Un contrôleur SNCB à un passager à Ottignies : "tu fermes ta gueule, connard, je vais te péter ta gueule !", le contrôleur suspendu
Un contrôleur de la SNCB s'en est pris à des passagers qui protestaient contre l'arrestation de migrants. L'auteur de la vidéo a été arrêté. Une enquête a été ouverte à la SNCB.
Publié le 18-12-2018 à 14h39 - Mis à jour le 20-12-2018 à 09h19
Un contrôleur de la SNCB s'en est pris à des passagers qui protestaient contre l'arrestation de migrants. L'auteur de la vidéo a été arrêté.
Les propos, d'une rare violence, ont été tenus en gare d'Ottignies ce lundi soir. Un passager a pris le train à Bruxelles direction Gembloux. Arrivé en gare d'Ottignies à 19h15, le train s'est arrêté plus longuement que prévu. "J'ai été curieux, raconte Benoit Peeters, j'ai relevé ma tête de mon téléphone et aperçu une personne typée ‘Afrique de l’Est’ tenue au bras par un policier. J'ai regardé sur le quai et j'ai constaté que des policiers étaient en train de descendre du train de nombreuses personnes, majoritairement des mineurs, le sac de couchage sous le bras et l’air apeuré, apparemment tous sans papiers."
Il poursuit: "J'ai demandé au policier ce qu’il se passait. Il m'a répondu agressivement ' cela ne vous regarde pas'. J'ai commencé à filmer la scène et peu de temps après, le contrôleur est venu vers moi. Il nous a insultés, moi et un autre passager : 'tu fermes ta gueule', 'connard', 'sale gauchiste va', 'je travaille, je suis belge, moi', et m'a menacé à plusieurs reprises : 'je te pète ta gueule', si je n’arrêtais pas de filmer. Je me suis déplacé vers l’avant du wagon afin d’avoir une meilleure prise sur la scène."
Au moment où il a commencé à filmer la scène, "un policier m'a demandé d’arrêter de filmer, me stipulant que je n’ai pas le droit de filmer l’opération. Je lui ai rappelé qu’on avait le droit de filmer les opérations policières. Le policier m'a confisqué alors mon GSM et, sans m’avoir demandé préalablement de quitter le wagon, me descend violemment du train en m’étranglant à la gorge. Il m'a passé les menottes en me planquant contre le mur et m’annonce que je suis en état d’arrestation. J'ai contesté le caractère abusif de l’arrestation et demande les motifs, il ne me les a jamais donné. Il m'a alors répondu: "ils ne payent pas leurs impôts, ils viennent ici pour nous voler notre argent, c’est vous qui avez tort de vouloir les laisser libre'. J'ai contesté ses propos en lui disant qu’il n’a pas à donner son avis politique durant ses fonctions, j'ai redemandé à être libéré et réitéré la question pour comprendre les motifs de mon arrestation. Il m'a empoigné et m'a mis face au chien policier en me menaçant de me jeter sur le chien si je continuais à poser des questions. Il m'a plaqué à nouveau contre le mur et il m'a menacé de me casser la figure si je continuais à me faire remarquer".
Dans le même temps, les autres policiers s’occupaient des migrants. "Certains s’étaient encourus sur les voies, profitant de la distraction de mon arrestation pour s’enfuir. Les policiers s’interrogeaient pour savoir s’ils allaient les rattraper, et le chef répond alors 'non, c’est bon, on en a déjà un bon paquet'. Les policiers criaient aux migrants qui étaient toujours arrêtés avec des phrases du type : 'tous en ligne les mains contre le mur, on appelle ça la méthode Gestapo ici, vous n’avez pas connu ça, hein, dans votre pays?".
Le témoin est ensuite mis dans un fourgon et emmené au commissariat d’Ottignies-Louvain-La-Neuve. "Là, j'ai passé une bonne heure en cellule. Ils ont refusé de me donner une feuille détaillant mes droits, ils ont refusé de me donner à boire et à manger. Ils ont refusé que je passe un coup de fil à un proche et ont appelé eux-mêmes chez moi pour signaler que je suis en garde à vue pour trouble à l’ordre public dans des circonstances impliquant des migrants, sans donner plus de détails. Après une heure, toujours sous état de choc, ils m'ont fait signer une fiche d’arrestation administrative dans laquelle, si je me souviens bien, il est indiqué que j’ai été arrêté pour trouble à l’ordre public. À 20H30 j’ai été libéré, toujours sous le choc de ce qui venait de m’arriver..."
Le contrôleur "retiré" de son service
Avertie, la SNCB "se désolidarise des faits." Elle ajoute que "ces violences verbales sont inacceptables. Le collaborateur a été retiré du service. Une enquête interne est en cours. Les conclusions de cette enquête nous mèneront à prendre les mesures nécessaires."
De son côté, la Bourgmestre Julie Chantry a indiqué que la police “était intervenue pour garantir l’ordre public. Cette action n’était pas planifiée, simplement une réaction à une situation difficile à gérer.”
La zone de police : "Ce n'était pas une rafle organisée"
Pointée du doigt par Benoît Peeters suite aux incidents de lundi soir, la zone de police d’Ottignies-LLN a tenu à réagir. En expliquant d’abord que l’opération n’était pas planifiée. “En aucune manière, il ne s’agissait d’une rafle organisée, précisent ses responsables sur la page Facebook de la zone. Vers 19 h 15, la zone de police a été requise suite à un appel à l’aide des accompagnateurs SNCB, soudainement débordés par la présence d’une soixantaine de personnes sans titre de transport dans un train. Il s’agissait probablement de migrants. Nos équipes ont pris position à l’arrivée du train afin de sécuriser les quais, d’éviter les bagarres, d’éviter la traversée des voies ferrées, d’éviter les troubles à l’ordre public et, accessoirement, de contrôler les personnes présentes.”
À l’ouverture des portes, une dizaine de migrants ont été interceptés pendant que le reste prenait la fuite. “Ils ont été placés en ligne pour garantir leur identification en attendant les renforts de la police des chemins de fer. Une personne manifestement mécontente de cette action et en conflit avec les accompagnateurs de train a été privée de liberté administrativement. Malgré les demandes répétées de se calmer, elle continuait à invectiver les intervenants.”
La police aurait donc décidé de l’éloigner pour éviter que la situation sur les quais ne dégénère. “Cette personne a été placée en cellule à 19 h 46 pour en ressortir rapidement à 20 h 05. Son GSM a été restitué avec ses enregistrements, démonstration que nous sommes bien dans un état démocratique quoi qu’elle en pense.”