Nouveau livre pour Jean-Christophe Dubuisson de Rixensart: tout a débuté avec Ralph Mayer, un jeune juif caché au Cinquantenaire
Jean-Christophe Dubuisson sort un nouvel ouvrage: "L’Épopée de huit réfugiés juifs allemands dans l’Europe occupée".
Publié le 18-03-2023 à 10h00
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"Je connaissais l’existence de Ralph Mayer, un jeune juif allemand que mon arrière-grand-père, Jacques Breuer, avait caché aux Musées du Cinquantenaire, à Bruxelles, dont il était le conservateur. J’en savais toutefois peu, ma grand-mère, Colette Breuer, n’en parlant guère. Mais en mars 2018, une écrivaine et journaliste américaine du Washington Post , Katherine Marsh, a souhaité la rencontrer pour évoquer cette histoire. J’ai tenu à assister à l’entretien", témoigne le Rixensartois Jean-Christophe Dubuisson.
Ce professeur d’histoire dans une école secondaire, toujours intéressé par la destinée de ces anonymes dont la vie a été chamboulée par l’Histoire, a, à son tour, mener l’enquête pour en savoir davantage.
Cette entreprise l’aura mené en France, en Allemagne, en Pologne, en Suisse, en Israël mais aussi aux États-Unis et, bien sûr en Belgique. Et elle vient d’aboutir avec la sortie de L’Épopée de huit réfugiés juifs allemands dans l’Europe occupée, aux éditions Racine.
C’est le troisième ouvrage de l’auteur, après Une Famille belge dans la tourmente de l’Histoire (2018) et Decoster, le dernier guide de Napoléon (2019).
"Mon idée n’était pas d’écrire un livre, mais de poser, devant l’habitation des Mayer, à Cologne, en Allemagne, des pavés de la mémoire destinés à honorer la mémoire des disparus. Avec l’aide de la Ville de Cologne, un annuaire de 1933 indiquant leur adresse a été retrouvé. Par chance, alors que la ville a quasiment été entièrement détruite pendant la guerre, leur immeuble existe toujours."
Mais son enquête ne pouvait que mener à la rédaction d’un livre…
Réfugiés au square Vergote à Woluwe-Saint-Lambert
En 1935, Ralph Mayer est envoyé en Belgique par ses parents, Edith et Érich, un important industriel juif allemand actif dans le textile qui a combattu pour son pays pendant la Première Guerre mondiale. Ceux-ci voient que la situation des Juifs en Allemagne devient précaire. À Etterbeek, le jeune Ralph fréquentera l’internat du collège Saint-Michel.
Ses parents décident, eux, de partir après la Nuit de Cristal, en novembre 1938. Ils s’installent dans un appartement, au numéro 8 du square Vergote, à Woluwe-Saint-Lambert. "J’ai découvert dans les archives de la Commune qu’ils n’étaient pas les seuls à y être domiciliés. Ils étaient huit", indique l’auteur.
D’autres Juifs allemands, ayant fui leur pays, s’y sont réfugiés. Stefanie Kosterlitz, une infirmière originaire de Berlin, est arrivée au printemps 1939. On sait peu de chose sur elle, si ce n’est qu’elle est morte dans le camp de concentration d’Auschwitz.
En août 1939, les Bloch, une des familles les plus riches de Francfort, arrivent à leur tour. Arthur et Else, les parents et leur enfant Peter sont accompagnés par leur servante Luise Fölsche.
En 1942, dans la Belgique occupée, ces exilés commencent à prendre peur: le port de l’étoile jaune est devenu obligatoire.
En mai de cette année-là, Ralph Mayer est envoyé chez les Jonnart. Albert, le père, avocat de Woluwe-Saint-Lambert, accepte de le cacher dans sa maison.
Double descente de la Gestapo le 13 juillet 1943
Mais le 13 juillet 1943, la Gestapo débarque chez lui, dénoncé par des voisins. Ralph arrive à s’enfuir par le toit, en pyjama. Albert Jonnart est arrêté et envoyé dans un camp de prisonniers, la base de lancement de V2, à Eperlecques, en France. Il y décédera, d’épuisement, le 15 mars 1944.
Ralph trouve, lui, refuge chez les Breuer, famille intimement liée aux Jonnart puisqu’un de leur fils était fiancé à une des filles Jonnart. Jacques Breuer sait qu’il est périlleux de le garder dans sa maison. Il décide de le cacher aux Musées du Cinquantenaire en le faisant passer pour un de ses étudiants. Son fils, Jean, a aidé Ralph à s’y rendre.
Toujours le 13 juillet 1943, la Gestapo déboule aussi au square Vergote. Érich et Edith Mayer ainsi qu’Arthur Bloch sont arrêtés par… un Juif, ce que Jean-Christophe Dubuisson peine à comprendre.
Arthur Bloch se suicidera à la caserne Dossin, à Malines, tandis que les parents Mayer seront déportés à Auschwitz où ils ont probablement été tués dès leur arrivée.
Else Bloch et la servante n’étaient, elles, déjà plus au square Vergote. Luise Fölsche est morte avant la fin de la guerre de maladie. Peter Bloch était, lui, entré dans la Résistance et a vécu en Suisse. Revenu en Belgique, il est parti, 4-5 ans après la guerre, aux États-Unis, avec sa mère.
Ralph Mayer a vécu en divers pays avant de s’établir à Woluwe-Saint-Lambert où il est décédé en 1998. Il se rendait chaque année chez les Jonnart et chez la grand-mère de Jean-Christophe Dubuisson.
"Dès 1953, Ralph Mayer a tenu à enregistrer son témoignage auprès de la Commune de Woluwe-Saint-Lambert pour saluer ceux qui l’avaient sauvé", souligne ce dernier.
Après la libération de la Belgique, Jean Breuer s’est engagé dans l’armée. Il est mort aux Pays-Bas le 14 avril 1945, deux jours après avoir été touché par balles.
Justes parmi les nations
En 2013, Albert Jonnart – dont le nom a été donné à une avenue de Woluwe-Saint-Lambert – et son épouse Simone ont été déclarés "Justes parmi les nations".
En 2021, ce titre a aussi été décerné à Jacques et Germaine Breuer ainsi qu’à leur fils Jean pour avoir aidé, à leurs risques et périls, des Juifs pendant l’Occupation.
C’est cette fresque historique et vibrante que raconte L’Épopée de huit réfugiés juifs allemands dans l’Europe occupée.
Jean-Christophe Dubuisson présente son ouvrage le samedi 25 mars, de 11 h à 13 h, à la librairie Le Chat Botté (4, rue du Monastère), à Rixensart. Il sera aussi à la Foire du Livre à Bruxelles, le 1er avril à partir de 14 h.