Garder la nature intacte ou construire du logement social à Bruxelles, le clivage qui déchire écolos et socalistes
Alors que le besoin de nouveaux logements est pressant à Bruxelles, une bataille idéologique se déroule entre socialistes et écologistes.
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Publié le 17-01-2022 à 07h37 - Mis à jour le 29-03-2022 à 13h32
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La problématique peut sembler locale. La construction de logements publics en région bruxelloise témoigne pourtant d’un malaise bien plus profond et plus large qui suscite des tensions au sein du gouvernement bruxellois. Le blocage de la construction de 70 logements publics au Chant des Cailles, à Watermael-Boitsfort, dont le bourgmestre Olivier Deleuze (Écolo) menace de faire son "Notre-Dame-des-Landes", constitue l’illustration récente de la fracture idéologique qui s’élargit entre socialistes et écologistes et divise la majorité.
Le dossier est soutenu par la secrétaire d’État au Logement Nawal Ben Hamou (PS), tandis qu’Olivier Deleuze peut compter sur l’appui d’Alain Maron, chef de file du parti dans le gouvernement de Rudi Vervoort. Pour rappel, 51 000 ménages bruxellois se trouvent sur une liste d’attente pour un logement social et le gouvernement Vervoort prévoit dans son accord de gouvernement de dégager une solution pour 15 000 d’entre eux.
Au point qu’au PS bruxellois certains envisagent de proposer, sans doute en vue des prochaines élections, une grille contraignante plafonnant les loyers. Un sujet épineux…
Constat : les terrains naturels sont de moins en moins nombreux sur le territoire de la capitale. Et les enjeux qui les entourent montent en puissance. Les socialistes souhaitent y construire des logements publics qui s’intègrent à la nature. Les verts, renforcés par le confinement, veulent maintenir des espaces naturels en l’état, voire rendre des terrains artificialisés à la nature. Le clivage idéologique dans toute sa splendeur…
Il s'illustre au parc du Keyenbempt à Uccle, une plaine non bâtie, traversée de potagers et d'arbres. La SRLB veut y construire des logements et un parking, mais se heurte à des riverains, et aussi à la commune. "Le Keyenbempt, c'est l'exemple de ce qu'il ne faut pas faire. Il y a déjà des logements sociaux tout près et, pour beaucoup de gens, ces parcs, ce sont leurs jardins", assure Boris Dilliès (MR), bourgmestre d'Uccle. "Il y a un bon sens à travailler sur les surfaces déjà bétonnées et loties plutôt que de priver les gens qui ont déjà un logement de jardin. L'époque démontre que c'est tout ce qu'il ne faut pas faire."
"Le double discours d’Écolo"
La problématique n’est pas similaire sur la friche Josaphat, mais le dossier est d’une ampleur encore supérieure. Un plan d’aménagement directeur (PAD) a été avalisé par le gouvernement bruxellois, qui prévoit notamment de construire 1200 logements (contre 1 600 dans le précédent projet) mais aussi des bureaux, des écoles dans ce vaste espace sauvage entre Evere et Schaerbeek. Des riverains, dont le Collectif Sauvons la friche Josaphat, se mobilisent pour préserver la biodiversité des 14 ha de la partie sauvage du site.
Il s’est manifesté aussi durant plusieurs années sur le site des Dames blanches, à Woluwe-Saint-Pierre, avant de connaître un déblocage récemment, avec un nombre de logements limité à 200.
"Il y a un double discours d'Écolo. Ils sont d'accord sur les plans, sur le principe de construire des logements sociaux, par exemple enthousiastes sur le PUL (plan d'urgence logement). Mais, dès qu'on est dans le concret, Écolo se trouve confronté à des militants des quartiers qui manifestent dès qu'il est question de construire dans des espaces naturels. Ça bloque et on change de discours", pointe une source socialiste.
"Le PS veut passer en force sur du quantitatif"
D'autres socialistes évoquent un effet Nimby qui ne dit pas son nom. "Le non-dit, c'est que les électeurs bobos de certaines communes ne veulent pas de certains publics de logements sociaux proches de chez eux", tance un socialiste bruxellois.
"Il faut considérer que l'accès au logement social est aussi important que la transition écologique. Oui, on doit garder des espaces verts. Mais, si les gens n'ont pas un toit, ils ne peuvent pas bien manger. Et si on ne densifie pas en ville, les gens quittent Bruxelles", souligne Martin Casier (PS), député bruxellois.
Un ténor écologiste objecte. "Le PS veut passer en force sur du quantitatif en termes de logements sociaux, tandis qu'eux pensent qu'on se soucie surtout des petits oiseaux… Or, l'enjeu sur le Chant des Cailles dépasse largement le local. C'est devenu une sorte de projet exemplaire pour la Région. Même chose à Josaphat. Ces toutes dernières années, depuis que Nawal Ben Hamou est secrétaire d'État au Logement, ils sont passés dans une volonté de faire du chiffre. Or, il n'y a pas d'urgence à construire au Chant des Cailles. Le Covid a montré le désir des Bruxellois d'avoir accès à de l'espace naturel. Et puis, s'il est tellement urgent de faire du logement social, comment expliquer qu'il ne se soit rien passé pendant des décennies avec le PS au pouvoir ?"