L’incroyable histoire de Daniel, recycleur de pièces de monnaie, accusé d’utiliser des faux : “je suis brûlé dans mon métier”
Daniel Dolinsky a passé la nuit du 8 au 9 mars dernier en cellule, accusé de blanchiment d’argent. Au matin, un juge l’a libéré, mais le numismate s’estime lésé dans son métier.
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Publié le 23-03-2023 à 18h00
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Daniel Dolinsky est numismate. En clair, il fait le tour des décharges, des lavoirs, des casses belges à la recherche de pièces de monnaies oubliées dans les poches, les sièges auto, les poubelles, etc. Un marché curieux mais juteux. Il affirme avoir retrouvé jusqu’à 25 000 euros par mois grâce à cette petite entreprise. “On recycle des tonnes de pièces ! Dans une épave de voiture, on retrouve en moyenne sept euros oubliés.” Auparavant, il amenait l’argent récolté à la Banque National Belge mais, depuis 2016 et un différend sur la récupération des pièces et le remboursement de celles-ci qui a amené l’institution et plusieurs numismates en justice, Daniel Dolinsky doit éviter ce procédé.
Pas un problème pour lui. Il écoule alors sa monnaie dans les monnayeurs des supermarchés. “On a continué à accumuler des pièces, elles ne sont pas si moches que ça, et on les utilise dans les magasins. De toute façon, elles arriveront à la Banque Nationale tôt ou tard…” Pas faux, c’est auprès de cette institution que les euros liquides sont amenés par les commerces. La combine (légale) de Daniel fonctionne, il écoule ses stocks dans les enseignes uccloises, où il réside, et dans la périphérie bruxelloise. Jusqu’au 8 mars dernier, au Carrefour de Drogenbos, le numismate termine d’introduire son petit butin dans une machine, “et là, dix policiers en civil me tombent dessus. Je suis plaqué, menotté, et emmené directement au poste. On aurait dit une arrestation d’un terroriste.” Daniel est même persuadé d’avoir été suivi à la trace par les forces de l’ordre. “Quand je suis arrivé au magasin, personne à l’accueil, peu de monde en rayon et en caisse. Et quand je mettais les pièces dans le monnayeur, on les entendait tomber dans le bac, ce qui veut dire qu’il venait d’être vidé, histoire qu’on sache précisément combien j’ai mis…”
”J’ai cru à une farce, c’est guignolesque”
L’atypique ferrailleur est accusé de blanchiment. Il passera la nuit au poste de police de Rhode-Saint-Genèse avec son fils, “je me dis que c’est une farce, c’est guignolesque”. Des perquisitions sont menées (notamment) à son domicile, d’où la police sortira, selon les estimations de l’accusé, entre 20 000 et 30 000 euros en pièces. Cet argent, Daniel Dolinsky n’a pas encore pu le récupérer, et a lancé une procédure avec ses avocats afin d’en revoir la couleur.
Au matin du 9 mars, l’homme est amené au Palais de Justice, où un juge d’instruction décrétera qu’il n’y a pas lieu de l’inculper. Idem pour son fils, “et avec des excuses”. Peu importe, le mal est fait pour le numismate, “je suis brûlé dans mon métier ! Qui voudrait encore parler avec quelqu’un d’accusé ? C’est comme si l’on accusait à tort un diamantaire de vendre du zirconium, il ne met plus les pieds à Anvers !” À l’origine de la plainte, le carrefour de Drogenbos, qui “ne commente pas les dossiers juridiques en cours et collabore avec les autorités compétentes”. Et il est vrai que, si la Banque Nationale a refusé les pièces griffées, écornées ou défraîchies que le magasin lui a rapportées, c’est ce dernier qui perd au change.
La question demeure autour de la qualification attribuée à ces pièces “authentiques, mais sans valeur” aux yeux de la BNB. L’institution n’a, pour l’heure, pas encore décroché au téléphone que La Dernière Heure fait sonner. En attendant, Daniel Dolinsky s’estime floué et la confiscation de ses pièces au commissariat l’empêche d’exercer son métier. Il envisage également d’attaquer Carrefour en justice si l’enseigne ne retire pas sa plainte et ne présente pas des excuses.
Cette histoire, quelque peu rocambolesque, dépeint également l’avenir des petits commerçants atypiques comme Daniel, de plus en plus concernés par la disparition du cash au profit d’une économie de plus en plus numérisée. L’avenir du numismate se joue, pour le moment, presque à pile ou face.