Mercato chez Défi, qui recrute le député Emin Ozkara : “Au PS, il fallait aller dans sa communauté et faire du clientélisme. Mais ce n’est pas moi, ça”
Deux mois après le départ du député Sadik Köksal, de Défi pour le MR, Défi officialise l’arrivée d’Emin Ozkara, un autre parlementaire bruxellois d’origine turque et, lui aussi, issu de Schaerbeek.
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- Publié le 15-09-2023 à 07h30
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Le mercato politique est bel et bien lancé. Cette fois, c’est Défi qui, pour La Libre, présente sa nouvelle recrue. Il s’agit d’Emin Ozkara, député bruxellois et conseiller communal à Schaerbeek.
”Mon choix s’est porté sur Défi car je partage ses valeurs et ses convictions. On peut avoir des sensibilités différentes. Mais, au sein de Défi, et contrairement à d’autres partis, on peut avoir un débat interne”, a d’emblée souligné Emin Ozkara.
L’homme, accompagné de son épouse Fatma, qu’il présente comme sa “cheffe de campagne”, tente d’emblée de lever les doutes que son parcours pourrait faire peser sur la sincérité de son nouvel engagement. “Ma femme et moi sommes des gens ouverts d’esprit. On doit beaucoup à la Belgique qui nous a accueillis, mais nous sommes aussi fiers de nos origines (turques), qui sont une richesse. Ma réflexion a mûri, et ce n’est pas sur un coup de tête, ni pour une place assurée sur une liste, que je rejoins Défi”.
Emin Ozkara, en effet, a été mandataire socialiste durant 18 années.
Il a quitté le PS en janvier 2020, au terme d’une séquence rocambolesque qui l’a vu entré en conflit ouvert avec certains élus de son groupe.
Défi a pesé le pour et le contre. Personne, au sommet du parti, n’ignore la réputation un brin fantasque d’Emin Ozkara. Ils savent aussi qu’ils recrutent un élu redoutable sur le terrain. Et qu’il appartient à l’espèce rare de ceux qui font leur siège. En 2019, Emin Ozkara a réalisé le 10e score (4 385 voix) socialiste, alors qu’il n’était que 17e de la liste régionale.
Son arrivée dans les rangs de l’ex FDF n’est qu’une demi-surprise. Le député, qui siégeait comme indépendant, suivait depuis trois ans la ligne de la Liste du bourgmestre (Ndlr : Cécile Jodogne).
”Dans une région où les clivages ont tendance à se dessiner sur les critères communautaires, Emin est justement tout sauf ça. C’est ce qui me séduit chez lui. Il n’a pas un électorat composé uniquement de gens d’origine turque. Emin Ozkara fait partie de ces gens dont la politique a besoin pour établir des ponts entre les communautés”, assure François De Smet, veillant à éviter les procès en électoralisme.
Köksal s’en va, Ozkara arrive
Il n’y a pas trois mois, Défi s’est fait braconner un autre député bruxellois, lui aussi très populaire dans la communauté turque, et conseiller communal à Schaerbeek, quand Sadik Köksal a rejoint le MR,
Les libéraux, en effet, ont initié sous David Leisterh (président du MR bruxellois) une campagne offensive de recrutement de candidats issus des quartiers populaires et de la diversité.
Avec l’arrivée d’Emin Ozkara, le parti amarante peut espérer récupérer une partie des voix de la communauté turque, particulièrement importante à Schaerbeek, et où la majorité ne tient qu’à un fil.
”Köksal sait qu’Emin Ozkara fait plus de voix que lui”

”On peut faire l’hypothèse inverse. Les discussions sont en cours depuis plus d’un an avec Emin Ozkara. Sadiq Köksal sait qu’Emin fait plus de voix que lui. Et que s’il rejoignait la liste Défi, ce serait plus compliqué pour lui aux élections régionales”, pointe Bernard Clerfayt, ministre bruxellois de l’Emploi et bourgmestre en titre de Schaerbeek. “Je connais Emin depuis 2000, quand il a été élu à Schaerbeek. Je l’ai vu évoluer. Au début de sa carrière, il était un peu perdu dans le monde politique, et mal accompagné. Au PS, il était enfermé dans un rôle d’attrapes voix des Turcs. Puis, je l’ai vu changer, pour se muer en élu généraliste. J’ai perçu son départ du PS comme une volonté de se libérer d’une forme de caporalisme.”
Emin, au début de sa carrière politique, est arrivé en disant aux gens: Moi je suis conseiller, je vais pouvoir vous donner ça, apporter ça. Parce qu'il ne savait pas comment ça fonctionnait. Aujourd'hui, il dit: Je peux t'expliquer, te donner le bon chemin pour trouver les personnes qui vont te dire ce qui est possible. Mais je ne peux pas te garantir que tu aurais ce que tu veux."
”Emin, au début de sa carrière politique, est arrivé en disant aux gens : Moi je suis conseiller, je vais pouvoir vous donner ça, apporter ça. Parce qu’il ne savait pas comment ça fonctionnait”, se souvient Cécile Jodogne, bourgmestre FF de Schaerbeek. “Aujourd’hui, il dit : “Je peux t’expliquer, te donner le bon chemin pour trouver les bonnes personnes. Mais je ne peux pas te garantir que tu aurais ce que tu veux.”
Compatible idéologiquement ?
Se pose toutefois la question de la compatibilité idéologique entre Défi, parti éminemment laïque, et Emin Ozkara, qui a voté contre l’obligation d’étourdir dans le dossier de l’abattage rituel.
”Défi ne changera pas d’avis sur le sujet”, assure François De Smet. “Mais si Emin veut faire entendre sa différence interne, c’est très démocratique chez nous. On n’est pas une secte.”
”Je suis pour la mixité sociale, professionnelle, et de culte. Mon épouse n’est pas voilée, nous sommes des gens laïcs, mais on est croyants. L’un n’empêche pas l’autre. À un moment, il faut casser sa coquille et être au service de tous les Bruxellois. Je ne veux pas que Schaerbeek ressemble à d’autres communes bruxelloises, comme Molenbeek, où le communautarisme gagne du terrain”, reprend Emin Ozkara. “Au PS, il y avait justement ce côté trop communautaire. C’était Tu vas dans ta communauté et tu fais du clientélisme. On me poussait à faire des fichiers des ABSL turques pour les cibler et faire mes voix. Ce n’était pas moi, ce n’est pas nous… Au PS, il n’y avait pas de débat interne, pas de possibilité de donner mon point de vue. C’était un diktat. Il y a aussi la question de la transparence. On donnait de l’argent à certaines ASBL, je voulais savoir à quoi cela servait et cela me posait problème.”