"Si le MR continue d’avoir un discours proche de l’extrême droite, ce sera compliqué de gouverner avec eux"
Ridouane Chahid, chef de groupe PS au Parlement bruxellois, remet en cause la possibilité de gouverner avec les libéraux en 2024, en Région bruxelloise. Entretien.
/s3.amazonaws.com/arc-authors/ipmgroup/460c5baa-45dd-413e-bdda-a0279d78bd5c.png)
- Publié le 18-09-2023 à 07h44
:focal(3708x2480.5:3718x2470.5)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/YQ2USXQNKZBW3CTHM6SWKJKHCE.jpg)
La désignation de Saliha Raiss comme échevine à Molenbeek, alors qu’elle porte le voile, a amené à des tensions au sein de la majorité communale. Le MR s’y est opposé depuis la majorité, tandis que l’opposition l’a soutenue. Qu’avez-vous pensé de l’intervention de Georges-Louis Bouchez, alors qu’on n’avait pas entendu l’échevine MR Françoise Schepmans sur le sujet ?
Cela montre qu’il y a un malaise et de l’hypocrisie au sein du MR sur ces sujets. Au MR, soit on ne regarde pas les listes communales qui sont en lice, soit on fait semblant. Saliha Raiss était présente sur les listes. Elle a fait campagne et a été élue. Il est donc logique que si un poste à responsabilité s’ouvre, elle puisse exercer la fonction.
Marc Uyttendaele a estimé qu’il y avait une “compromission du PS Bruxellois”. Le bureau du parti s’est positionné en faveur des signes religieux dans l’administration, mais pas pour les fonctions d’autorité.
Cela me déçoit un peu de Marc Uyttendaele, mais je ne m’exprimerais pas à son sujet, par respect pour son épouse (Laurette Onkelinx) pour qui j’ai travaillé de nombreuses années. Mais le parti fait bien une distinction entre un élu et un fonctionnaire.
Un autre sujet agite l’actualité : la gare du Midi. Selon Pascal Smet, le problème de base y est la présence de sans papiers, qu’il faut expulser activement.
Je ne suis pas d’accord avec Pascal Smet quand il dit qu’il faut expulser ces gens. S’ils sont là, ce n’est pas par plaisir, ils ont fui leur pays pour des raisons bien spécifiques. Nous avons le devoir de les accompagner et leur donner une réponse. Le vrai problème, tant pour la gare du Midi que pour la gare du Nord, c’est le désinvestissement. Il est le fait de ceux qui ont la responsabilité légale de gérer ces deux gares, à savoir le Fédéral. Sous l’ancienne législature MR-N-VA, le budget de la police fédéral en 2015 a diminué de manière linéaire de 4 % en 2015 et de 2 % chaque année, de 2016 à 2019, pour les crédits de personnel. Et c’est le MR qui avait la compétence des transports et de la SNCB, via Mme Galant et M. Bellot. Il a participé aux désinvestissements dans les gares.
Selon David Leisterh, président du MR bruxellois, “Rudi Vervoort regarde la gare du Midi brûler” et refuse d’exercer la compétence de sécurité.
Un des problèmes que nous avons à Bruxelles, c’est que nous n’avons pas donné assez de formations à certains élus, qui ne font pas la différence entre les compétences des uns et des autres. Cette compétence de sécurité était au départ à la police des chemins de fer, qui ne dépend ni de la Région ni des communes. Ce parti de droite (le MR), qui dit défendre la sécurité a participé à un gouvernement de droite, sans la gauche. Et la première chose qu’il a faite, en 2015, c’est désinvestir dans la police et la Justice. Il y a un an, un policier est mort à la gare du Nord, alors qu’on avait déjà tiré la sonnette d’alarme. La ministre de l’Intérieur Annelies Verlinden (CD&V) est venue nous rencontrer. Depuis, c’est silence radio, on n’a rien vu venir.
Comment interprétez-vous la position du CD&V et du MR ?
Certains partis politiques participent à cette idée qu’il faut désosser l’État fédéral et donner plus de pouvoirs aux régions. Or, je reste persuadé que les compétences régaliennes doivent rester à l’État fédéral. Le MR est quant à lui dans une logique qui vise à courir de plus en plus derrière l’extrême droite. Ce qui m’inquiète, car j’estime que le MR met en danger le vivre ensemble à Bruxelles et, par ses postures, stigmatise, divise et essaye de monter les gens les uns contre les uns. Le MR est dans une logique très conservatrice et n’apporte pas de solutions. Tout simplement car ce parti n’est plus en phase avec la réalité bruxelloise. On voit bien qu’ils essayent de draguer certains quartiers à Bruxelles.
Il y a une volonté de recruter des personnes issues de la diversité. N’est-ce pas au contraire une bonne chose ?
Si ce sont juste des rencontres de façade, pour essayer d’endormir et d’hypnotiser un certain électorat, ils font fausse route. Les gens ne sont pas dupes du positionnement du MR, qui est avant tout là pour courir derrière l’extrême droite, avec un discours stigmatisant, conservateur, de rejet. Mais les gens sont conscients des positions qui ont été prises par ce parti sur plusieurs dossiers. C’est ça qui fera demain le résultat d’une élection, pas le fait d’aller sur un marché.
Gouverner avec eux serait alors exclu à Bruxelles ?
Je ne suis pas le président de la Fédération bruxelloise du PS (NdlR : c’est Ahmed Laaouej). Mais si le MR continue d’avoir un discours proche de la droite dure et de l’extrême droite, ce sera compliqué de gouverner avec lui.
Vous préférez gouverner avec le PTB ?
Le PTB gesticule beaucoup dans les assemblées parlementaires mais annonce qu’il ne va participer à aucun gouvernement. Le PTB est le meilleur allié du MR.
Lors des universités d’été, Paul Magnette a défendu le bilan du PS dans les gouvernements. Que pourrez-vous défendre à Bruxelles ?
Notre différence avec le MR, c’est que nous avons des acquis sociaux. Nous avons étendu la gratuité des transports en commun (STIB) aux moins de 25 ans et aux plus de 65 ans. On a obtenu 17 000 solutions de logements pour des ménages, on a augmenté le nombre de personnes qui ont bénéficié d’une allocation loyer. On a réussi à faire en sorte que les logements sociaux ne soient plus si énergivores. Cela aurait été plus compliqué avec le MR.
Des choses ont été réalisées, mais à quel prix ? Dans l’Écho, Christophe Magdalijns (Défi) estime que “si rien n’est fait, la Région bruxelloise connaîtra sa pire crise budgétaire et financière.”.
Il y a effectivement une sérieuse inquiétude au niveau budgétaire. Mais il ne faut pas être alarmants.
Il y a quand même des raisons chiffrées de l’être. La dette va atteindre 13,2 milliards et a plus que doublé.
Le ministre du Budget Sven Gatz (Open VLD) est en train de travailler à des solutions qui vont améliorer la situation.
Il ne faut pas aussi diminuer les dépenses ?
Quelles dépenses ?
Ça, c’est un choix politique.
Toutes les dépenses qui ont été faites sont des choix politiques.
Bart De Wever a déclaré espérer que le PS négocierait enfin le confédéralisme.
Le confédéralisme est un fantasme de Bart De Wever qui, à mon avis, le restera.
Cela a pourtant été discuté après les dernières élections entre le PS et la N-VA. Mais il s’est dit que les socialistes bruxellois s’étaient montrés les plus offensifs pour dire “Non”.
Effectivement. On a eu une discussion au sein du parti et les Bruxellois ont exprimé leurs réticences. Et l’ensemble du bureau a conclu que ce n’était pas une option. Je reste sur la même longueur d’onde.