À Binche, les Kersten confectionnent les costumes de Gilles depuis cinq générations
Le louageur Karl Kersten nous a ouvert les portes de son atelier.
Publié le 09-01-2020 à 13h30 - Mis à jour le 09-01-2020 à 13h12
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Le louageur Karl Kersten nous a ouvert les portes de son atelier.
"On sait où on est, on sait où on va", sourit Karl Kersten, pas impressionné par le travail qui l'attend pour la dernière ligne droite avant le carnaval de Binche. Voilà 48 ans que ce louageur confectionne les costumes de Gilles. Même si c'est bien plus tôt qu'il a mis la main à l'œuvre. Car ce métier est une affaire de famille dans la Cité des Remparts.
"Mon arrière-grand-père et mon grand-père déjà étaient louageurs", nous confie Karl Kersten. "Enfant, j'allais jouer dans le jardin de mes grands-parents. Petit à petit, j'ai manifesté de l'intérêt pour les costumes de Gilles. On a commencé par me laisser faire des petites choses comme les franges et les apertintailles. Puis j'ai mis la main à la machine à coudre et c'était parti. Je suis allé me former à l'école des tailleurs de Binche, il y en avait encore une à l'époque. Et en 1972, je me suis installé."
Avec Quentin, le fils de Karl Kersten, la cinquième génération de louageurs est en piste. Le pari n'était pas gagné d'avance pour autant. "Il pensait que sa place était toute assurée dans l'entreprise familiale et avait tendance à prendre ses études par-dessus la jambe. Nous l'avons donc poussé à faire autre chose et il s'est lancé dans l'horticulture. Puis j'ai eu une hernie, juste avant un carnaval. Le médecin voulait m'opérer. C'était impossible. On m'a donc laissé travailler, mais il fallait quelqu'un pour m'aider à porter les objets. Quentin s'est proposé, a fait ses preuves et a finalement repris l'affaire de mon père."
Comme quoi, chez les Kersten, difficile d'échapper au destin de louageur. La petite-fille de Karl commence d'ailleurs à s'initier gentiment au métier, signe que la sixième génération pourrait prendre la relève.
En attendant, ça défile chez Karl Kersten. "Nous avons beaucoup travaillé sur les costumes jusqu'à fin décembre. À présent, ce sont les clients qui passent. Les deux facettes du métier me plaisent. J'aime travailler tout seul dans mon atelier. Mais j'aime aussi recevoir les Gilles. Je discute avec eux, et je prends des nouvelles de leur société."
Ce qui fait de notre louageur binchois une mine d'information sur l'état du folklore dans toute la région, tant les Gilles qui passent entre ses mains sont nombreux et venus d'un peu partout. Ses 48 années au compteur font également de Karl Kersten un témoin privilégié de l'histoire du carnaval et du métier de louageur. "Les costumes restent les mêmes, mais les matières évoluent. La mentalité des gens change également, mais nous restons quand même dans la tradition." De là à voir des Gilles s'approvisionner chez Zalando ou Amazon plutôt que chez les Kersten… "Ce n'est pas impossible, mais je ne vivrai pas assez vieux pour le voir."
