Le taux d’emploi au plus bas à Charleroi-Thuin-Philippeville
Remonter le taux d’emploi dans les arrondissements de Charleroi-Thuin et Philippeville : une urgence pour la CSC.
Publié le 25-06-2022 à 06h00
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Un taux d’emploi d’à peine 54 % quand la moyenne du pays est à 71 % (soit un décrochage de plus de 30 %), une population de demandeurs d’emploi qui continue à augmenter : les arrondissements de Charleroi, Thuin et Philippeville ne voient pas leur situation évoluer favorablement. Et c’est bien ce qui inquiète la fédération CSC de Charleroi Sambre et Meuse qui couvre ce territoire.
"Ce constat nous a encouragés à travailler cette thématique pour dégager des pistes de solution", expliquent Fabrice Eeklaer et Mélanie Evrard, respectivement secrétaire fédéral et coordinatrice de la régionale CSC. L'analyse des derniers chiffres du Forem les conforte dans la certitude que "les pénuries de main-d'œuvre qui frappent des secteurs en tension (NdlR : comme la Santé ou le Transport) ne sont pas liées à un déficit de personnel. Ce qui pose problème, ce sont les conditions de travail et les rémunérations", pointent les deux responsables syndicaux. "Horaires coupés et jobs déclarés à temps partiel dans l'Horeca par exemple. Prestations épuisantes et manque d'effectifs dans le secteur hospitalier, avec des salaires peu attractifs : ce sont les vraies causes de ces prétendues pénuries."
Pendant la crise Covid, ces situations se sont accentuées. Elles ont fait des victimes : dans le secteur Horeca notamment, des milliers de salariés qui avaient des contrats à mi-temps sont entrés en confinement avec une allocation partielle de chômage, alors qu’ils prestaient une partie de leur activité en noir. Cela les a refroidis. Nombre d’entre eux ont d’ailleurs réorienté leurs carrières et changé de métier.
Un examen approfondi des statistiques Forem des trois arrondissements montre aussi une hausse du nombre de chômeurs de longue durée. Alors que le nombre de demandeurs en recherche d'emploi depuis moins de deux ans diminue, ils sont plus de 10 000 sur le total de 36 118 inscrits à compter entre deux et cinq ans d'inactivité. Et près de 7 000 autres qui dépassent les cinq ans, parfois dix. C'est un noyau dur que la CSC se refuse à abandonner. "Le projet de territoire zéro chômeur ouvre des perspectives", souligne Mélanie Evrard. "C'est l'une de nos propositions d'action."
À l'échelle de la Wallonie, Charleroi constitue l'une des trois poches où le taux de non-emploi demeure le plus élevé, avec La Louvière et Liège centre.

La CSC propose quatre pistes pour faire mieux
- Fabrice Eeklaer et Mélanie Evrard, que peut-on faire pour des secteurs en tension ou en pénurie de personnel ?
M.E : d'abord revaloriser ces métiers qui souffrent d'un déficit d'attractivité. En majorant les rémunérations, avec des charges sociales car nous l'avons vu durant la crise du covid, ce qui a sauvé les gens c'est la Sécu. Pendant cette crise, certains secteurs ont accumulé les bénéfices, je pense à la grande distribution, qui n'ont pas été équitablement répartis, ce sont les actionnaires qui en ont profité. Idem dans le secteur de l'énergie depuis l'explosion des coûts !
F.E : il faut aussi améliorer les conditions de travail ! Restons dans le commerce : on voit que les horaires s'élargissent, soirées et dimanches. Comment faire avec une famille ? Il faut aussi réformer complètement la fiscalité pour mettre les revenus du travail au même niveau que ceux du capital…
- Quelle autre piste d'action ?
M.E : mieux exploiter les ressources de nos opérateurs de formation, soit les centres de compétences, ceux d'insertion socio-professionnelle, les EFT, les acteurs associatifs, les missions pour l'emploi, les cellules de reconversion, cela en encourageant les demandeurs d'emploi à élaborer leurs propres projets pros. Il faut aussi multiplier les passerelles, renforcer les validations de compétences.
- Et sur le plan économique ?
F.E : Il faut une transition durable, qui concilie création de valeur, respect du climat et équité sociale. Un modèle de croissance vertueux ! Notre territoire peut se redresser grâce à cela, il en a le potentiel. Efficacité énergétique des logements, agriculture urbaine, ça ouvre des gisements considérables d'emplois !
- Une dernière proposition ?
F.E : Oui, c'est le projet Territoire zéro chômeur de longue durée. Dans notre zone, ce n'est pas le travail qui manque. Mais il faut faire émerger des besoins pour remettre en activité une population exclue du marché du travail.

Territoire zéro chômeur, mode d’emploi
Si l’expérience de territoire zéro chômeur de longue durée a vu le jour en France en 2017, elle va seulement commencer à s’implanter en région de Charleroi. Comme l’explique la coordinatrice de la CSC régionale Mélanie Evrard, ce projet part d’un triple constat : personne n’est inemployable; ce n’est pas le travail qui manque, la société ignore en effet de multiples besoins, ces services ne sont valorisés ni socialement ni monétairement; enfin, trois, l’argent ne manque pas non plus.
Dans le concept de territoire zéro chômeur, ce n’est plus l’individu qui est activé mais son allocation. Six principes fondateurs soutiennent l’expérience : d’abord, il n’est pas question de créer des emplois qui entreraient en concurrence avec des emplois existants. Ensuite, cette embauche est non sélective : elle émane des savoir-faire, des envies, des possibilités des personnes et de leur date de candidature. Une attention est apportée à la qualité et à la sécurité de ces emplois, au travers de contrats à durée indéterminée. Et chacun peut devenir acteur de l’animation de l’entreprise à but d’emploi qui crée et répartit le travail. Enfin, le temps d’activité n’est pas imposé mais choisi, et l’emploi proposé doit permettre à celui qui l’exerce d’acquérir de nouvelles compétences.
"En tant qu'organisation syndicale, la CSC a toujours vu l'emploi comme devant être à la fois créateur de richesses et générateur d'inclusion sociale et d'émancipation", pointe Mélanie Evrard. "L'individu a besoin d'une identité personnelle et d'une identité sociale. Donner des perspectives aux chômeurs, y compris de longue durée, est un objectif nécessaire non pas seulement pour des raisons économiques mais aussi et surtout éthiques car on ne peut laisser s'enfermer une partie de la population dans un ghetto qui compromet jusqu'à tout repère à l'estime de soi."

Des projets à Farciennes et Marchienne
Les arrondissements de Thuin et de Philippeville ne sont pas éligibles au projet de territoire zéro chômeur de longue durée, mais dans celui de Charleroi, deux projets de relance ont été déposés dans le cadre de l’appel à candidatures du programme de 104 millions cofinancé par l’Europe et la Wallonie. Le premier émane de la commune de Farciennes, confrontée à un taux de chômage historiquement élevé. Le second de Charleroi, et plus particulièrement Marchienne où se concentre un autre noyau dur de demandeurs d’emploi de longue durée.