Sans-abrisme : une recherche-action inédite dans l’extra-ring
Pendant trois mois, Aurélie et Thomas ont exploré l’extra-ring pour y documenter le sans-abrisme. Leur mission se termine bientôt.
Publié le 13-12-2022 à 06h00
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Mieux documenter le sans-abrisme à Charleroi et faire des liens avec le housing first, un dispositif visant à soutenir le relogement des SDF : c’est l’objet de la mission que le relais social a confié à deux travailleurs sociaux recrutés pour une durée de 3 mois, grâce à une opportunité budgétaire. Depuis octobre, Aurelie et Thomas sont allés au contact de sans-abri qui ne fréquentaient pas ou très peu les structures d’accueil. “Pour l’essentiel, notre travail a porté sur l’extra-ring, un territoire mal couvert par les maraudes”, expliquent-ils. “En centre urbain, les équipes de Solidarités Nouvelles et de Carolo Rue (CPAS de Charleroi) sont déjà très présentes. Nous sommes donc venus en complément.”
Tous deux ont repris des études d’assistant social après un début de carrière en tant que régisseurs de spectacles. La recherche de sens a boosté leur réorientation professionnelle. Et le choix d’un bénévolat auprès de la Croix Rouge où ils ont fait l’apprentissage des maraudes, expérience mise à profit par le Relais social. “Sur le terrain, nous avons privilégié les rencontres avec des personnes qui n’avaient pas ou rarement accès aux travailleurs sociaux. Souvent des usagers de drogues dures.” Dans ce cadre, le binôme a constaté une consommation de plus en plus importante de crack comme substitut à l’héroïne. Avec le recours aux médicaments en tant que moyens de survie. Au fil des contacts, des accompagnements ont été amorcés. “Sachant que nos contrats à durée déterminée se terminent dans quelques semaines, nous avons commencé à préparer nos bénéficiaires à une rupture et à un transfert des accompagnements.”
Les journées ont beau se suivre, elles ne se ressemblent jamais. “Il est arrivé que nous ne dépassions pas deux contacts par jour. Mais nous avons connu des pics à 12-13, ce qui est énorme.” Tentes isolées dans des zones naturelles, petits campements, squats de bâtiments à l’abandon, occupation de logements en travaux, parfois sous le couvert de conventions avec les propriétaires, lieux de travail (mendicité, prostitution) et de consommation avec des tables et des tabourets : “nos explorations nous ont amenés à découvrir un tas de formes d’habitats et de cadres de rencontres”, témoignent Aurélie et Thomas. Des stratégies visant l’auto-sécurisation. Et la création de communautés à la taille de familles.
Après dix semaines de travail sur le terrain, ils viennent d’entamer l’écriture de leur rapport. Objectif : partager des informations avec leurs collègues du secteur, dévoiler de nouveaux territoires, aborder les problématiques avec un regard neuf. Une recherche-action qui leur a permis de contacter de 150 à 200 SDF chaque mois. “L’approche s’est toujours faite dans le plus grand respect de leur intimité, de leur tranquillité, en demandant si on ne dérangeait pas, si on pouvait venir discuter.” Un thermos d’eau chaude et des boissons rafraîchissantes l’été a facilité les contacts. “L’eau chaude nous permet de leur proposer du café lyophilisé, du cacao, de la soupe ou un thé. Ils ont le choix ! Humaniser les relations, c’est essentiel dans le travail de rue !” Aurélie et Thomas se préparent à quitter le Relais Social avec un sentiment de trop peu. Tant de choses restent à faire.