"Notre famille a été punie à perpétuité", déclare la sœur de Jean-Manuel Lange aux assises: Kévin Di Mase a-t-il tué pour s'acheter de la drogue?

Le procès de Kévin Di Mase (33 ans), accusé à titre principal d'un vol avec circonstance aggravante de meurtre, s'est poursuivi mardi devant la cour d'assises du Hainaut avec les auditions de témoins. La plupart ont fait défaut à l'audience. Puis les plaidoiries ont commencé.

This drawing by Jonathan De Cesare shows the accused Kevin Di Mase at the jury constitution session at the assizes trial of Di Mase for the death of Jean-Manuel Lange, before the Assizes Court of Hainaut Province in Mons on Thursday 09 March 2023. He is on trial for theft with manslaughter as an aggravating circumstance. 
BELGA PHOTO JONATHAN DE CESARE
This drawing by Jonathan De Cesare shows the accused Kevin Di Mase at the jury constitution session at the assizes trial of Di Mase for the death of Jean-Manuel Lange, before the Assizes Court of Hainaut Province in Mons on Thursday 09 March 2023. He is on trial for theft with manslaughter as an aggravating circumstance. BELGA PHOTO JONATHAN DE CESARE

Le 5 juillet 2020, Kévin Di Mase rencontre Jean-Manuel Lange le long d'un chemin de halage à Charleroi. Le premier a consommé de la cocaïne, le second a bu. Depuis le décès de son père, Jean-Manuel boit de plus en plus.

Les deux hommes discutent. Kévin tue Jean-Manuel en l'étranglant et en le frappant à la tête avec une pierre. Le soir du crime, Kévin est filmé dans une banque en train de retirer de l'argent dans une banque à Marcinelle. Il est arrêté le 14 juillet.

Mais pourquoi un tel drame s'est-il produit ? L'accusé soutient qu'il a tué Jean-Manuel, car ce dernier lui racontait qu'il avait abusé d'enfants durant son service militaire. Il a vu rouge, lui-même ayant été abusé durant sa jeunesse. Il a ensuite volé son portefeuille.

Kévin Di Mase soutient qu'il a tué Jean-Manuel Lange au cours d'une rixe à Charleroi

Les enfants de la victime confirment que leur père parlait de "meurtres d'enfants" perpétrés quand il était à l'armée. "Je n'ai jamais cherché à savoir si c'était vrai", dit l'un de ses fils. Un ami de la victime, militaire de carrière, dépose que Jean-Manuel n'est jamais allé en mission à l'étranger durant ses treize mois passés sous les drapeaux. "Il était mythomane. Il s'inventait des vies, entrait dans des personnages", dit-il. Une sœur de Jean-Manuel ne l'a jamais entendu parler de crimes perpétrés sur des enfants.

Le ministère public estime que Kévin Di Mase a tué Jean-Manuel Lange pour faciliter un vol, en raison d'un besoin criant d'argent pour assouvir sa toxicomanie très importante. "Si c'était pour l'argent, mon mari l'aurait aidé, comme il l'avait déjà fait pour d'autres personnes", témoigne la veuve de Jean-Manuel.

Selon le deuxième témoin, qui faisait la manche avec Kévin Di Mase, le 5 juillet 2020, l'accusé ne détenait plus de drogue quand il l'a quitté, en début de soirée. "Quand il consomme, Kévin ne répond plus. Ce jour-là, il était déconnecté, amorphe. A mon avis, il avait besoin d'argent", dit-il.

La famille de Kévin Di Mase témoigne

La présidente de la cour a lu la déclaration d'un frère de Kévin Di Mase, lequel le qualifie de violent, bagarreur, manipulateur, mythomane et narcissique. Ce témoin a déclaré, devant les policiers, que Kévin avait déjà tenté de tuer une jeune femme par strangulation. Il est arrivé à temps pour l'empêcher de commettre un meurtre. "Je savais que mon frère allait tuer quelqu'un", a déclaré le frère à la police.

"Il est violent et très nerveux, il ne supporte pas qu'on le regarde dans les yeux ou qu'on lui fasse une remarque", témoigne la mère de Kévin, laquelle n'a pas été surprise d'apprendre que son fils avait commis un meurtre, car ce dernier aurait tenté de tuer son propre frère. Ce dernier confirme que Kévin a tenté de l'étrangler lors d'une dispute dans une maison d'accueil. "Sans l'intervention d'autres personnes, il m'aurait achevé". La police est intervenue. "Il m'a dit qu'il viendrait finir ce qu'il avait commencé". La mère de l'accusé ajoute que son fils n'a pas hésité à agresser une femme enceinte pour lui voler son téléphone. "Il a commis d'autres délits pour acheter de la drogue".

Selon son ancienne compagne, Kévin Di Mase est un homme buté avec lequel il est difficile de discuter. Le couple s'est souvent battu. Elle non plus n'a pas été étonnée d'apprendre les faits. "Il m'a fait vivre un enfer", a-t-elle déclaré. Elle ajoute que l'accusé a vendu la collection de livres de son enfant, "pour acheter de la cocaïne".

Le soir du 5 juillet 2020, Kévin a tué un homme âgé de 53 ans qui a laissé un grand vide chez ses proches. Ses enfants ont déclaré que Jean-Manuel Lange était un bon père. "Notre famille a été punie à perpétuité", a déclaré une sœur de la victime.

Les plaidoiries ont commencé dans la foulée, mardi après-midi.

Plutôt un traquenard qu'une bagarre, selon les parties civiles

C'est un meurtre par strangulation qui a été commis le 5 juillet 2020 au soir, il n'est pas contesté. La question est de savoir s'il a été commis pour faciliter un vol, comme le soutiennent le parquet et les parties civiles, ou s'il a été commis sous le coup de la colère comme l'a déclaré l'accusé, lundi.

Le 5 juillet 2020, Kévin Di Mase aurait dû se trouver au sein de la prison de Marneffe, mais il n'est pas rentré. Il se rend à Charleroi, pour faire la manche devant un fast-food. En soirée, il se retrouve sous un pont et croise Jean-Manuela Lange, un homme âgé de 53 ans qui boit plus que de raison depuis le décès de son père. Kévin Di Mase, personnalité antisociale et impulsive, tue le quinquagénaire.

Kévin Di Mase est arrêté le 14 juillet, neuf jours après avoir été filmé en train de retirer de l'argent avec la carte bancaire de la victime. Il est interrogé par la police. Le suspect donne plusieurs versions, accusant un tiers d'avoir commis le crime. Lui n'a fait que ramasser le portefeuille.

Dès le 6 juillet, 4h06, il n'y a plus d'activités bancaires sur le compte de la victime. "Son épouse a fait le tour de Charleroi, avec sa photo, pour retrouver son mari. Elle croise l'accusé à deux reprises. La première fois, il ne l'a pas vu. La seconde fois, il lui demande des nouvelles de son mari. Il lui souhaite bon courage. Pourquoi tant de cynisme ?" demande Me Salvatore Callari, avocat de l'épouse de la victime.

Les parties civiles sont convaincues que Kévin Di Mase a tué Jean-Manuel Lange afin de faciliter le vol de son portefeuille. "Il a fait preuve de froideur, il a manipulé et il a menti dans sa version", plaide Me Bastianelli, avocat des sœurs de la victime. "Le mobile était d'avoir de l'argent pour acheter de la cocaïne et de l'héroïne, qu'il consomme à outrance sans interruption", ajoute Me Salvatore Callari.

Mardi, le témoin qui avait fait la manche et consommé de la drogue avec l'accusé, durant la journée du 5 juillet, a déclaré que Kévin n'avait plus de drogue sur lui quand ils se sont quittés en soirée. Selon les avocats des parties civiles, il était bien capable de tuer pour financer sa consommation. "Si la manche rapporte 500 euros par jour, je range la toge", affirme Me Callari.

Ce dernier a plus l'impression que Jean-Manuel Lange est tombé dans un traquenard et non dans une bagarre. "Ce délinquant a passé un cap, il a volé une vie", conclut Me Callari.

Le ministère public soutient la thèse du vol avec circonstance aggravante de meurtre

Le substitut du procureur du roi de Charleroi délégué devant la cour d'assises du Hainaut, Damien Vervaeren, a requis mardi la culpabilité de Kévin Di Mase (33 ans) pour un vol avec circonstance aggravante de meurtre. Les faits ont eu lieu à Charleroi le 5 juillet 2020.

Le substitut carolorégien est magistrat référence pour la cellule disparition au parquet de Charleroi. Il suit donc ce dossier depuis le 9 juillet 2020, jour où l'épouse de Jean-Manuel Lange a signalé sa disparition à la police de Charleroi.

Ce dernier a donné un dernier signe de vie le 5 juillet, quand il a quitté son domicile pour aller boire un verre. Il a égalmeent fait des achats dans un magasin à 19h43. La nuit du 5 au 6 juillet, sa carte bancaire a été utilisée à plusieurs reprises, jusqu'à 04h06. On sait que c'est Kévin Di Mase qui était en possession de cette carte, car il a été filmé dans une banque à Marcinelle le 5 juillet au soir.

Kévin Di Mase prétend qu'il a tué Jean-Manuel Lange dans une bagarre. Il dit qu'il a vu rouge quand Jean-Manuel lui a raconté qu'il avait tué ou abusé d'enfants lors d'une mission militaire. Il en a profité pour lui voler son portefeuille.

Le ministère public ne croit pas à cette version. "Jean-Manuel Lange n'a jamais fait de mission à l'étranger pour l'armée belge. Il n'a pas non plus été légionnaire au sein de l'armée française", insiste l'avocat général. Il ajoute qu'il n'y a aucune trace de lutte dans le bosquet. "Un témoin a affirmé devant la cour que l'accusé était amorphe, pas en état de se battre, sous influence de la cocaïne".

Damien Vervaeren constate, à l'instar des parties civiles, que l'accusé a beaucoup menti depuis les faits. "Il avait aussi besoin de quatre à cinq grammes de cocaïne par jour et il ne pensait qu'à ça".

Selon le parquet, le mobile était le vol et l'accusé a tué la victime pour faciliter ce délit. "Est-il impensable de penser qu'il a tué pour avoir de l'argent rapidement ? Sa maman, ce matin, a raconté qu'il avait agressé une femme enceinte pour lui voler son GSM. Sa compagne lui a confié sa carte de banque pour acheter du lait pour leur fils, et il a vidé le compte. Il a aussi vendu la collection de livres de son fils, pour acheter de la drogue".

Le magistrat note que le casier judiciaire de l'accusé est rempli de condamnations pour vols, tentatives de vol, recel ? "S'il n'a pas commis de faits entre 2015 et 2019, c'est parce qu'il était incarcéré", épingle Damien Vervaeren, interrompu dans son élan par l'accusé qui proteste.

L'intention de tuer est établie selon l'accusation par la violence des faits et les blessures relevées par le médecin légiste lors de l'autopsie. Les coups portés à la tête, et notamment un coup porté avec une grosse pierre, sont ante-mortem. L'accusé a tué la victime par strangulation "pour 193 euros", maugrée le représentant de la société.

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