La moitié des commerces sont vides à la ville haute de Charleroi: on a compté!
Un bilan consternant: sur 549 cellules commerciales dans le périmètre "ville haute", 268 sont inoccupées. C'est trois fois plus que la moyenne wallonne.
Jean van KasteelFrédéric NgomPublié le 20-03-2023 à 06h00
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Dans quel état le commerce de l’intra-ring se trouve-t-il ? L’Association de Management de Centre-Ville (AMCV) analyse chaque année la situation de 35 villes et communes wallonnes. À Charleroi, l’AMCV qui a obtenu le marché public du bureau du Commerce a restreint le périmètre de son étude. La ville haute, en travaux, a été écartée. À la ville basse, 21,8 % des cellules commerciales étaient ainsi vides en juillet-août quand s’est opéré le comptage. Un chiffre en diminution de 2,3 % par rapport à l’année précédente et qui place la ville devant Namur et Liège. De quoi se réjouir ? La ville haute vient contraster le bilan…
Les rédactions de l’Avenir et la DH se sont associées pour procéder au recensement des commerces, depuis le rond-point du square Hiernaux qui marque l’entrée nord de l’intra-ring jusqu’à l’axe des boulevards Audent et de l’Yser (près de l’Eden) qui délimitent la ville haute.
Et le résultat est… consternant ! Sur 549 commerces, 281 sont actifs. Cela signifie que 268 cellules sont vacantes, à l’abandon ou à la recherche d’un nouveau locataire. On parle de 48 % du total, soit un emplacement sur deux. C’est plus du double de la proportion de la ville basse, et quasiment trois fois celle de la moyenne wallonne établie par l’AMCV (16,8 %).

Bien sûr, les chantiers de rénovation urbaine ne peuvent amener qu’un mieux. Le réaménagement des places Charles II et du Manège sera terminé pour l’été. C’est à partir de là qu’il faut espérer un reboost.
À la ville haute, tous les quartiers ne sont pas logés à la même enseigne. Notre comptage des commerces fait apparaître des variations : le boulevard Bertrand est un des plus mal en point. Les travaux lui ont donné un nouveau visage plus avenant, mais il souffre : seuls 19 de ses commerces sont en activité, sur 49 cellules, ce qui signifie que près de 60 % sont vides. Situation comparable avenue de l’Europe où Stéphane Chermane a baissé récemment les volets de son restaurant : 11 des 19 cellules commerciales disponibles sont inoccupées. Dans la partie supérieure de la ville haute, sur et autour de l’axe Waterloo-Henin, près de 4 rez commerciaux sur 10 cherchent preneurs.
Côté sud, la désertion est moins marquée, mais c’est le quartier le moins impacté par les travaux : on y dénombre 29,5 % de cellules vides. Et c’est dans le cœur historique, sur l’axe allant du haut de la Montagne au Monument par la place Charles II et les rues Neuves et de la Régence que le constat est le plus impressionnant : le nombre de cellules vides atteint 54 %. C’est 130 commerces inoccupés sur 238 potentiels dans le secteur.
La rue Neuve, c'est littéralement l'horreur
Les travaux de rénovation de la rue Neuve sont terminés à la ville haute, ce qui n’a pas encore permis à cette artère à forte densité commerciale de retrouver sa fréquentation. Et pour cause : en raison du remodeling des places Charles II et du Manège, elle s’est muée en impasse. Impossible en effet d’arriver quelque part puisqu’elle débouche actuellement sur des chantiers, sauf à revenir dans l’autre sens par la rue du Manège. On ne sortira de cette réalité qu’à l’été, juin au plus tôt, s’il n’y a pas de retard.

Nous avons procédé au comptage des commerces et cellules vides de la rue Neuve. Et c’est… littéralement l’horreur. Dans l’intra-ring, aucune rue ne présente un tel taux d’inoccupation : 60 % des rez ne sont pas utilisés, soit 44 sur 72.
La partie haute de la Montagne, entre le boulevard Audent et la place Charles II, fait mieux : elle ne compte 17 magasins vides pour 18 en activité, c’est-à-dire près de 50 % quand même. On est sur une tendance comparable dans la rue de la Régence où les travaux ont duré plus longtemps que prévu, et qui souffre aussi de l’inaccessibilité de la place Charles II qui constituait sa principale porte d’entrée.
Après la Montagne, la rue Neuve devient donc un nouveau chaînon problématique. À bien y regarder en effet, parmi les 28 commerces ouverts (soit 40 %), il y a plusieurs night-shops et solderies dont la durée de vie est souvent limitée (même s’ils sont remplacés rapidement par d’autres). Le périmètre n’a plus de véritable “locomotive” susceptible d’attirer ou fidéliser des clients. Il faut en faire revenir une si l’on veut se donner des chances de redynamiser la rue.

"Il faut que les politiques viennent sur place, se rendre compte: le problème, c'est l'insécurité"
Les travaux en cours, c’est une chose. Mais pour ce commerçant installé depuis une dizaine d’années – qui a voulu rester anonyme – le problème c’est l’insécurité : “Si j’ai ouvert, c’est que j’y crois. Et quand on a un commerce, on peut faire le gros dos pendant des travaux – même si c’est dur. Mais l’insécurité est bien là : on ne peut pas se balader sans se faire interpeller par un dealer ou un drogué tous les dix mètres. Un homme a été poignardé en pleine rue à 14 heures (un autre a été abattu par balles depuis, NdlR), ça montre le niveau. J’ai l’impression qu’il y a un positivisme politique, qui est tel qu’ils ne voient plus la réalité dans laquelle, nous, on vit. Ils promettent que ça ira mieux, mais ça fait 30 ans que tout le monde se plaint. De plus en plus de commerces partent en périphérie, ce n’est même pas qu’ils font faillite… Il faudrait que tous ces hommes et ces femmes politiques viennent ne serait-ce que 24 heures, vivre à la ville haute, observer… parce que c’est effarant.”