La ministre Glatigny s’oppose à la création d’un master en médecine à l’UMons : “c’est un coup de poignard dans le dos des Hainuyers !”
Du côté de l’UMons, on déplore la décision de la ministre et on estime que ses arguments sont infondés.
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Publié le 08-02-2023 à 12h59 - Mis à jour le 08-02-2023 à 16h27
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La volonté n’était pas neuve. Pour espérer la voir aboutir, l’Université de Mons avait pris le temps d’étudier la chose, de préparer son dossier. En octobre dernier, finalement, une demande officielle d’habilitation était déposée conjointement avec l’Université Libre de Bruxelles afin de proposer un cursus complet au sein de la Faculté de médecine. La balle est désormais du côté de l’Académie de Recherche et d’Enseignement Supérieur (ARES) et du gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, chargés de rendre une décision finale.
Dans les colonnes de nos confrères de La Libre, la ministre de l’enseignement supérieur Valéry Glatigny (MR) a annoncé son refus de créer un master en médecine à Mons et à Namur, estimant qu’il serait “néfaste et coûteux” de multiplier les filières en médecine. “Lancer deux nouveaux masters en médecine pose problème car ils portent sur une profession dont l’accès est contingenté. Je fais évidemment référence aux numéros Inami. On va donc refuser ces deux demandes au nom de la lutte contre le sous-localisme et la bonne gestion des deniers publics. C’est un enjeu de survie pour la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB)”, explique-t-elle dans les colonnes de La Libre.
Le ministre affirme encore qu’elle ne fera pas marche arrière, malgré les réactions que sa décision pourrait susciter. “On a fait un deal sur les numéros Inami avec le fédéral afin d’augmenter le nombre de diplômés. On est passé de 505 à 744. Mais on ne pourra pas aller au-delà. On ne va donc pas diplômer davantage d’étudiants en médecine en créant des masters.” De vives réactions, il est effectivement question puisque l’Université de Mons s’est d’ores et déjà positionnée, s’étonnant et déplorant par ailleurs la sortie médiatique de la ministre, avant même que le Gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles et son Parlement ne se soient collectivement exprimés.
"Une meilleure répartition géographique des praticiens"
“Plusieurs éléments dans l’argumentation de la Ministre nous posent question”, souligne Philippe Dubois, recteur. “Il est ainsi étonnant qu’elle “mette dans le même panier pour justifier son refus, notre demande d’habilitation pour un Master en Médecine avec celle portée par l’UNamur et visant l’obtention d’un Master de Spécialisation. Comme si l’objectif était qu’on ne se focalise pas sur le seul refus infligé à l’UMONS.”
Et de poursuivre : “Il est également surprenant de mettre en avant le surcoût pour la collectivité de ces demandes d’habilitations et, en même temps, de ne pas évoquer l’impact des 55 autres demandes d’habilitations qui vont être acceptées par la Fédération Wallonie-Bruxelles ! On peut, par ailleurs, difficilement comprendre l’argument du surcoût pour la Santé publique en invoquant l’argument du plafonnement INAMI puisque celui-ci aura justement comme effet, non pas une augmentation du nombre de praticiens, mais vise précisément à leur meilleure répartition géographique.”
Pour l’UMons, “il est également tout aussi faux de prétendre que l’obtention du Master en médecine en Hainaut ira de pair avec la création d’un hôpital universitaire. En effet, l’Hôpital Erasme sera le partenaire de cette codiplômation ULB-UMONS, y compris, les 200 lits CHU que l’Hôpital académique met à disposition au travers de la Province de Hainaut, à Charleroi, La Louvière, Mons, Ath et Tournai. Ces hôpitaux collaboreront avec notre Faculté dans le cadre des stages de Master mais aussi des activités de recherche ! Par contre, il n’est nullement tenu compte du coût pour la sécurité sociale lié au déficit de médecine de première ligne en Hainaut et qui se manifeste, notamment, par le profil de mortalité tout à fait atypique dans cette province. ”
"Pas plus cher pour les finances publiques"
La position de la ministre apparaît, aux yeux du recteur, comme tout à fait incompréhensible. “Nous répondons à tous les critères d’analyse que doivent remplir les demandes d’habilitation fixées par le CA de l’ARES ! Nous évitons les concurrences territoriales ; nous avons opté pour la codiplômation avec notre partenaire l’ULB et notre démarche répond à des besoins socioéconomiques objectivement démontrés, en particulier, de santé publique. Contrairement à ce prétend la ministre, l’obtention du Master en médecine ne coûtera pas plus d’argent aux finances publiques !”
Et pour cause : l’Université dispose déjà d’une Faculté de Médecine, de Pharmacie et de sciences biomédicales opérationnelle depuis 50 ans et la région dispose d’un fort réseau d’hôpitaux “avec lesquels nous avons déjà de nombreuses collaborations en recherche clinique et qui ont marqué son accord sur cette demande d’habilitation. Tout ça, sans même évoquer, d’une quelconque manière, la pénurie manifeste de médecins généralistes qui frappe notre province et dont les statistiques de l’Observatoire de la santé témoignent !"
Le recteur n’hésite pas à comparer la décision de la ministre à “un coup de poignard dans le dos des Hainuyers.” “C’est la deuxième fois que la Ministre de l’Enseignement supérieur adopte une attitude publique pour le moins inhabituelle dans ce dossier. Elle avait déjà fait valoir sa position défavorable avant que la Chambre des Universités de l’ARES ne se saisisse des demandes d’habilitation et ne remette son avis ; ce qui constituait une forme de pression très déplaisante vis-à-vis de ses membres.”
Une sortie médiatique qui passe mal
Cette démarche (“une première dans le processus de consultation lié aux demandes d’habilitations”) n’était pourtant pas parvenue à dissuader les membres de la Chambre des Universités de l’ARES de délivrer le 22 novembre dernier un avis favorable à la demande de Master en Médecine de l’UMONS. Conformément aux procédures prévues, le CA de l’ARES a ensuite validé cette décision en sa séance du 20 décembre. “Il faut en outre savoir que les décisions prises au sein de l’ARES et sa Chambre des Universités en matière d’autorisation d’habilitations ont jusqu’ici toujours été suivies par le Gouvernement et le Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles. C’est un précédent fâcheux et un camouflet pour les professionnels de l’enseignement supérieur qui ont analysé avec objectivité, l’ensemble des critères qui justifient l’octroi de cette habilitation.”
Cette fois, c’est donc encore “avant la prise de position de son Gouvernement et du Parlement que la Ministre de tutelle a choisi de faire à nouveau valoir publiquement son point de vue personnel défavorable. C’est d’autant plus étonnant alors que le Président du MR, Georges-Louis Bouchez, est membre du Conseil d’Administration de l’UMONS.” L’université rappelle qu’elle bénéfice, dans ce dossier, d’un très large soutien au sein de la province de Hainaut et que si elle porte cette demande, “c’est au bénéfice de la population hainuyère mais aussi des praticiens de terrain.”
Des interpellations politiques dès cet après-midi
Les échanges ne sont pas clos puisque ce mercredi après-midi, au moins deux interpellations sont prévues sur le sujet au parlement. John Beugnies (PTB), député et conseiller communal à Mons et Manu Disabato, député et conseiller communal à Frameries, interrogeront la ministre sur son positionnement on ne peut plus polémique.