Emmanuelle Bercot, invitée d’honneur du Liff de Mons : “je me sens plus épanouie en tant qu'actrice que réalisatrice"
Ce samedi, l’actrice/réalisatrice/scénariste, plusieurs fois primée à Cannes, a livré une leçon de cinéma au Love International Film de Mons.
Publié le 13-03-2023 à 14h15 - Mis à jour le 13-03-2023 à 14h18
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Prix d’interprétation au Festival de Cannes pour son rôle dans le film “Mon Roi”, de Maïwenn, Emmanuelle Bercot est également scénariste et réalisatrice de nombreux films dont le dernier en date “De son vivant” qui était présenté en masterclass ce samedi au Love International Film Festival de Mons. Elle se livre en toute franchise sur son métier ainsi que sur son statut de femme dans un monde qui reste encore assez masculin. Elle sera notamment à l’affiche du prochain film de Cédric Kahn “Making off” qui sortira cette année et tiendra un des rôles principaux du biopic sur l’Abbé Pierre, dont la sortie est également prévue cette année.
Donner une “leçon de cinéma”, c’est quelque chose qui vous plaît ?
”En toute honnêteté, non. J’ai accepté car j’étais curieuse de l’intitulé positif, évocateur, attirant, du festival dont j’avais entendu parler mais que je ne connaissais pas. En règle générale, même si j’apprécie les échanges avec le public, je n’aime pas trop parler mais bon, je joue le jeu.”

Lorsqu’on est acteur ou réalisateur de cinéma, les contacts avec le public sont plus rares qu’au théâtre par exemple…
”Oui mais grâce aux réseaux sociaux, qui n’ont pas que des côtés négatifs, on arrive tout de même à conserver une certaine proximité avec le public et d’échanger avec lui. Il m’arrive souvent de recevoir des messages à la suite de la sortie d’un film et donc, les réseaux sociaux permettent de recevoir plus de retours qu’auparavant.”
Des retours positifs ou négatifs ?
”La plupart du temps, ce sont des retours positifs. Je ressens le côté pervers des réseaux sociaux à propos de beaucoup de sujets mais pas lorsqu’il s’agit de cinéma.”
Les critiques de cinéma, les avis sur les sites, ça compte pour vous ?
”Alors en fait, non. Cela fait longtemps que je ne lis plus les critiques et je me sens beaucoup mieux. C’est une façon de me protéger. Comme ça, je ne sais absolument pas dans quel sens vont les critiques. Qu’elles soient bonnes ou pas, je n’aime pas lire les critiques sur mon travail. Je n’aime ni les compliments ni les critiques haineuses qu’on peut lire parfois. Je ne comprends pas du tout ces dernières, c’est un peu comme si on avait commis un crime parfois ou qu’on ait attaqué quelqu’un de leur famille. Ils ne se rendent pas compte à quel point c’est dur à lire ou à entendre lorsqu’on a travaillé pendant des années sur un projet, le temps et l’énergie que l’on a investis dedans.”
La fragilité du cinéma, notamment du cinéma d’auteur, actuellement, c’est quelque chose qui vous inquiète ?
”Bien sûr. Même si cela commence à aller mieux, on n’est toujours pas arrivé aux taux d’occupation des salles d’auparavant. Le public du cinéma d’auteur, c’est principalement des personnes séniors qui ne sont pas encore revenues au cinéma. La situation actuelle du cinéma m’inquiète oui mais pas forcément pour moi. Je pense que j’arriverai toujours à faire des films mais c’est surtout pour les jeunes qui débutent que cela risque d’être plus compliqué à l’avenir car les producteurs vont avoir de moins en moins d’argent à mettre dans le cinéma et vont probablement se montrer de plus en plus sélectifs. Pareil pour les distributeurs qui voudront prendre moins de risques.”
Réalisatrice, scénariste, actrice, quel est le métier dans lequel vous vous épanouissez le plus ?
”Sans hésitation, celui d’actrice. Scénariste, pour moi, c’est toujours un calvaire et porter le projet entier d’un film, c’est très difficile et parfois peu gratifiant. Lorsqu’on travaille pendant trois ans de manière acharnée sur un projet et, hop, le mercredi de sa sortie, si personne ne se rend en salle, c’est terminé on remballe tout à peine une semaine après, Ce sentiment de “tout ça pour ça”, c’est compliqué à vivre. Bien sûr, réaliser un film n’a pas que des côtés négatifs. Avoir une équipe de 40 personnes qui attend de votre part une décision et qui vous aident, c’est très puissant. Par contre, en tant qu’actrice, je ressens plus de liberté, je me mets au service du réalisateur. On est aussi bien moins exposé qu’un réalisateur qui est plus facilement critiquable et critiqué. Jouer, pour moi, c’est une récréation, c’est un jeu, un grand plaisir.”
Pour ne citer que cet exemple, en presque 50 ans, les Césars n’ont récompensé que quatre films réalisés par des femmes mais aucune n’a obtenu le titre de meilleure réalisatrice. En 2023, c’est encore compliqué de se faire une place en tant que femme réalisatrice ?
”Auparavant, il n’y avait que très peu de femmes qui se lançaient dans la réalisation ce qui fait que, statistiquement, les chances étaient moins grandes d’obtenir des prix. Personnellement, je n’ai jamais ressenti le fait d’être une femme comme un poids mais ce n’est que mon opinion personnelle. C’est même plutôt un atout. L’exemple des Césars est assez marrant puisqu’ils ont beaucoup plus ouvert la sélection des votants cette année pour avoir une certaine parité entre hommes et femme et cette année, parmi les nommés à la meilleure réalisation, il n’y a pas de femme. Il n’y a rien de plus désagréable de s’entendre dire que si votre film est sélectionné à Cannes par exemple, ce n’est pas parce qu’il est bon mais parce que vous êtes une femme. Dans un monde idéal, les meilleurs films seraient sélectionnés ou récompensés peu importe votre sexe.”