La Grange d’Hamois: une étoile et 600 réservations en une journée
Après l’annonce surprise de l’étoile Michelin décernée à son établissement fraîchement ouvert, le chef Grégory Gillain se remet au travail. Avec un certain stress. Le téléphone s’affole. Il faut garder la tête froide.
Publié le 15-03-2023 à 06h19
L’établissement se situe le long de la chaussée d’Andenne. À l’intérieur de cette grange complètement réaménagée (elle était à l’abandon depuis 10 ans), la décoration est à la fois sobre et raffinée. L’espace est aéré, la cuisine ouverte sur les convives. Une volonté du chef qui nous reçoit, quelques heures après l’annonce surprise.
Cette étoile, Grégory Gillain dit "ne pas savoir d’où elle vient". Tant sa cuisine est sans fioriture. "Je fais ce que je sais faire, lâche-t-il presque gêné. J’espère que les gens ne vont pas s’attendre à je-ne-sais-quoi. Mon travail est axé sur le produit, la cuisson, les assaisonnements et les sauces. Il n’y a pas trop de chipotage." C’est peut-être justement ça qui a séduit les inspecteurs du célèbre guide gastronomique: l’authenticité.
L’étoile Michelin a provoqué un tsunami de réactions. Et de réservations. "On a droit à une médiatisation exceptionnelle à laquelle on n’est pas habitués. Depuis lundi, ça n’arrête pas. On a enregistré 600 demandes de réservation de couverts en un jour !".
Les sollicitations s’étalent jusqu’au mois d’août. Le chef confie avoir placé une annonce dès mardi matin, pour trouver du personnel. "À deux en cuisine, ce ne sera pas tenable. Il faudra au moins une personne en plus."
En salle, il est épaulé par son épouse, Hélène Fays. Travailler en couple, une source de friction ? "On l’a toujours fait, souffle-t-elle. Déjà à l’Eau Vive et à l’Air du temps, on travaillait ensemble. Le plus dur à gérer, c’est le nouveau chef, notre petite fille, Clémence (rire)." Une future petite toquée de 4 ans et demi. "Elle aime autant passer de table en table et demander aux clients s’ils ont bien mangé", s’amuse Grégory Gillain.
"Prendre des risques"
La petite famille vit juste à côté du restaurant. Ce qui facilite l’équilibre vie privée, vie professionnelle. "C’est un bonheur d’habiter sur place. Lorsqu’on était à la Gare d’Hamois (NDRL: le restaurant qu’ils ont tenu quelques années quelques kilomètres plus loin), c’était beaucoup plus compliqué d’avoir une vie."
Pour lui, cette proximité est source d’épanouissement. Mais il ne s’en cache pas: devenir propriétaire d’un restaurant représente de l’audace et des sacrifices. "Ça coûte énormément d’argent. Rien que la cuisine, c’est un coût de 180 000 €. Et les banques sont frileuses. Au départ, je pense qu’il n’y a pas le choix, il faut louer et travailler, travailler, travailler, pour mettre un peu d’argent de côté."
Avec son épouse, ils sont partis de rien. "Et on l’a fait ! Ça veut dire que d’autres peuvent y arriver. Pour cela, il faut se lancer, prendre des risques."
Il faut accepter aussi de ne pas faire de l’argent le nerf de la guerre. "Le personnel gagne environ 2000 € nets par mois. Nous, on ne gagne pas ça !" Les charges du bâtiment entre autres sont énormes. Il évoque un montant de 4500 € par mois, rien que pour l’électricité. Sans compter le prix des marchandises qui ne cesse de grimper. "La crème, le beurre, tout à fait fois deux. Il va falloir que ça se calme, sinon, ça va devenir très compliqué."
Ne pas oublier la clientèle fidèle
Le souhait du nouveau chef étoilé dans les prochaines semaines : retrouver rapidement une certaine stabilité. "On est ouvert seulement depuis 9 mois. Il faut apprendre à vivre avec l’étoile, l’assumer car on ne la cherchait pas, et la garder." Il est aussi essentiel à ses yeux de trouver l’équilibre entre la nouvelle clientèle et les habitués. "On est dans le Condroz. Les gens de la région cherchent à manger ailleurs que dans une brasserie, ils veulent un beau cadre. On doit pouvoir continuer à les satisfaire car c’est aussi grâce à eux qu’on en est là aujourd’hui."
Après l’euphorie, la vie reprend son cours. "J’ai des papiers à régler, j’ai pris du retard lundi (rires). J’ai aussi des vidanges à aller porter et des marchandises à réceptionner ", confie le sympathique chef de retour dans le tourbillon quotidien.
Le restaurant rouvre mercredi soir. Rien ne sera laissé au hasard. Il est question de ne pas avoir la tête dans les étoiles pour les premiers repas d’après-sacre.