Une saison rassembleuse et engagée au Théâtre de Namur
Du 8 au 10 septembre, le Théâtre de Namur lance sa nouvelle saison en mode festif… La directrice Virginie Demilier évoque une programmation qui tend à plus d’ouverture et d’engagement.
- Publié le 31-08-2023 à 05h41
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Planifier son escapade du soir fait partie des plaisirs de la vie. Cinéma, concerts, restaurants reviennent sans cesse à l’esprit lorsqu’il s’agit d’opter pour un moment de détente. Depuis son arrivée il y a trois ans, la nouvelle directrice du Théâtre de Namur, Virginie Demilier, s’est fixée comme objectif d’inscrire les arts de la scène à cette "short list" des loisirs privilégiés par le plus grand nombre. "On veut casser les idées reçues et montrer que le théâtre, ce n’est pas un savoir et des codes réservés à une certaine intelligentsia", explique-t-elle. L’institution namuroise se veut donc plus rassembleuse que jamais. Et cette volonté d’ouverture se cristallise durant le week-end de lancement de la saison. Il se tiendra du vendredi 8 au dimanche 10 septembre. "C’est une grande fête durant laquelle on veut se montrer au public. Les équipes sont là, accessibles, pour répondre aux questions et guider les personnes lorsqu’elles ouvrent le programme", dit-elle. Il est vrai qu’il y a l’embarras du choix parmi la soixantaine de spectacles qui seront proposés jusqu’à l’été 2024 inclus. "On veut que les spectateurs se disent: “Chouette, je vais au théâtre, je vais en prendre plein les yeux”."
Le visuel prendra au sens propre le pas sur le verbal dès le premier spectacle de cette nouvelle programmation, Fiq ! (Réveille-toi !) par les virevoltants acrobates de Tanger, dans la grande salle. "Il s’agit d’une troupe circassienne d’un niveau et d’une énergie rares", indique Virginie Demilier.
Ce week-end d’ouverture se veut accessible à tous les publics et toutes les générations. Au centre culturel de Bomel, les plus jeunes constituent la cible privilégiée avec notamment des "battles" hip-hop et une ambiance musicale assurée par les fanfares locales. Un croisement d’univers aussi original qu’intriguant. Le spectacle À la poursuite de l’oie sauvage fera office d’apothéose à Bomel.
Les bambins verront encore leur fibre créatrice mise à contribution à travers un atelier de confection de nichoirs.
"À l’exception des deux spectacles, toutes les activités sont gratuites", ajoute la directrice. Et celle-ci d’insister sur le côté festif de l’événement. "On prévoit des cocktails, des foodtrucks, un apéritif offert avant les spectacles et une soirée DJ dans le foyer du théâtre."
"Un engagement plus frontal"
Ce week-end inaugural donne le ton d’une programmation 2024 résolument ouverte et engagée. Ce que n’aurait probablement pas renié le prédécesseur de Virginie Demilier, Patrick Colpé, aux manettes du Théâtre de Namur durant 24 ans. "Il serait idiot de se positionner en rupture. J’ai travaillé avec lui durant un an. Cela m’a permis de prendre le pouls, d’appréhender Namur, d’autant que je viens de Bruxelles. Mais une programmation est forcément le reflet de celui qui dirige." L’actuelle directrice assume sa différence. "Mon engagement se traduit de manière plus frontale que celui de Patrick Colpé. Comme je suis aussi d’une autre génération, la programmation est rajeunie. Le théâtre d’histoire, de récit est peut-être moins présent que par le passé. On cherche à raconter le monde d’une autre façon." Le prologue est à découvrir la semaine prochaine.
Un tiers de créations, programmées sans juger sur pièce
Être à l’affût des spectacles qui se montent à travers le monde, se déplacer pour juger sur pièce de leur qualité et faire le tri. C’est l’une des facettes du métier de programmateur. Une autre est de faire confiance aux auteurs, producteurs et metteurs en scène lorsqu’ils partent d’une page blanche. Parmi les soixante spectacles qui nourrissent la saison 2023-2024 du Théâtre de Namur, un tiers sont des créations. "Il y a les spectacles que l’on achète et ceux que l’on crée, insiste Virgine Demilier, directrice de l’institution culturelle namuroise. On rencontre les artistes, on étudie leurs dossiers et on leur donne les moyens de créer. Forcément, ces spectacles-là, on ne les a pas vus et on prend donc des risques. Mais la création, c’est notre mission première."
Quelques-unes de ces œuvres prennent corps à Namur. Les artistes y sont en résidence et répètent d’arrache-pied. "Ils logent en ville, y vivent et s’en inspirent", souligne la directrice. Leur travail donnera lieu à une poignée de représentations… voire plus. "Se produire quatre ou cinq fois, c’est peu. On essaye donc qu’il y ait une tournée organisée dans la foulée. Je tiens à ça. Je viens de ce monde-là. C’est une aventure essentielle."
Citons notamment L’Amour c’est pour du beurre d’Éline Schumacher (du 11 au 14 octobre), Maison chaos de Joëlle Sambi (du 7 au 10 février 2024) ou Hofstade d’Ilyas Mettioui (du 12 au 16 mars 2024). Et la directrice d’encore préciser que la part des créations devraient encore augmenter la saison prochaine, en cours de d’élaboration.
La ruée vers les classiques
Le théâtre doit beaucoup aux figures tutélaires que sont Shakespeare et Molière, par exemple. Et le public est demandeur lorsque leurs pièces figurent au programme des saisons culturelles. "Les gens se ruent sur les classiques, confirme Virginie Demilier. Il y a des chefs-d’œuvre qui traversent les époques parce que ce qu’ils racontaient à leur création, raconte toujours quelque chose aujourd’hui." La directrice du Théâtre de Namur ne se fixe pourtant aucun quota au moment d’établir sa feuille de route. "Je n’ai pas de menu. Je ne m’impose pas de faire figurer un certain nombre de classiques par saison. Je pars du principe que le théâtre n’est pas un musée. On a d’ailleurs la chance en Belgique de ne pas avoir un théâtre de répertoire", précise notre interlocutrice. Seule la qualité compte donc.
Monument du genre, L’Avare de Molière sera à l’affiche à Namur du 14 au 17 février 2024, dans une version signée Benoît Lambert qui colle au texte original. "Il y a des coupes bien sûr parce que sinon, la représentation durerait cinq heures mais pas une ligne n’a été changée. J’ai vu la pièce et elle est fantastique. Le texte est tellement bien interprété qu’on a l’impression qu’il s’agit d’une conversation", indique Virginie Demilier.
Le petit théâtre de l’horreur
Attention frissons en ce début de saison. Le Théâtre de Namur se transformera en maison hantée à l’occasion du festival de l’horreur. "C’est un événement que nous avions déjà proposé l’an passé", dit Virginie Demilier. Une semaine thématique qui avait dérouté le public sur papier avant de le séduire. À tel point que la deuxième édition flirte déjà avec le sold out. Ce festival – "qui transpose en quelque sorte les codes du cinéma américain au théâtre", précise la directrice – comporte quelques grands noms de la scène. Citons la compagnie flamande Peeping Tom qui défendra son spectacle Dyptich: the Missing door and the lost room, une plongée dans l’esprit torturé d’un homme qui revit le film de sa vie. De quoi réjouir les adeptes de l’univers barré de David Lynch par exemple. Dans un autre registre, Transfiguration met en scène Olivier de Sagazan qui, dans une performance expressive et totale, déforme son visage avec des couches d’argile. Un spectacle joué plus de 300 fois à travers le monde depuis sa création à la fin des années 90 et qui s’adresse aux spectateurs âgés d’au moins 16 ans. Recommandation: prendre connaissance des limites d’âge de chaque œuvre programmée lors de ce mini-festival horrifique. Certaines font vraiment peur. À voir la semaine qui suit Halloween les 7, 8, 10 et 11 novembre.
Pas d’évolution tarifaire
Le Théâtre de Namur a choisi de faire un pied de nez à l’inflation. Alors que le coût de la vie a augmenté, l’institution culturelle a opté pour le statu quo dans sa grille tarifaire. La formule la plus avantageuse reste l’abonnement, lequel permet de choisir ses spectacles et bénéficier d’un tarif préférentiel pour chaque représentation. "Le Théâtre de Namur est un théâtre d’abonnés. On en compte 1 500. Ce qui est énorme, confie Virgine Demilier. Quand on ouvre les réservations, il y en a d’ailleurs quelques-uns qui dorment devant la porte pour pouvoir choisir la place qu’ils veulent pour tel ou tel spectacle."
Une formule alternative est le pass, soit une carte prépayée qui permet d’assister à plusieurs spectacles, seul ou accompagné. Le pass 4 places est à 60 €. Pour 8 places, il faut débourser 100 €. La formule à 12 places coûte 135 €.
Enfin, pour les accès "à la pièce", il existe quatre catégories de prix qui varient en fonction du coût et de l’ampleur logistique du spectacle.
Hors les murs
La programmation du théâtre comprend un volet tout public et un axe spécifiquement articulé autour de la jeunesse. Celui-ci se développe notamment en dehors de l’enceinte du théâtre et du centre culturel. "Il est important de sortir de nos murs et d’aller dans la cour des écoles", confie la directrice.
Cette volonté de s’extraire des lieux traditionnels d’expression scénique se traduit, notamment, dans des partenariats. En collaboration avec le Delta, le Théâtre de Namur proposera le spectacle Mirages dans la cour de l’école des Sœurs Notre-Dame, les 7 et 8 juin 2024. Une (ré)création festive autour de la danse.
Sauter la barrière de la langue
Le Théâtre de Namur ne se cantonne pas aux productions francophones. "J’aime proposer des spectacles en langue étrangère", glisse Virginie Demilier. Comme au cinéma, ces œuvres bénéficient d’un sous-titrage adapté qui permet aux spectateurs de suivre le récit. Mais ceux-ci ne doivent pas hésiter à s’en détourner. "J’ai vu des spectacles partout dans le monde. À un moment donné, on quitte ce qui est intelligible, on décroche du texte et on est porté par ce que l’on voit", soutient la directrice. Un tel voyage sensoriel est possible à Namur avec Tom Na Fazenda, un spectacle brésilien qui traite de l’homosexualité dans la société post-Bolsonaro. À voir du 14 au 16 mai 2024.
Les détails de la programmation 2023-2024 du Théâtre de Namur, du centre culturel et du week-end d’ouverture sur www.tccnamur.be